Schwarze Kapelle a écrit:
Si j'en crois le commentaire de HOW, est-ce à dire que seule la version française "bénéficierait" d'erreurs de traduction et d'interprétation ? Ou le problème est-il plus de fond ?
Fred
Le problème est, hélas, plus profond.
Après une première lecture (trop) rapide, je suis sorti de ce livre assez content. C'est bien écrit, cela se lit bien, le récit est globalement correct. Bien sûr, j'avais remarqué plusieurs erreurs dont certaines ne sont pas des détails.
Mais dans quel livre sur le Débarquement de Normandie ne trouve-t-on pas des erreurs ?
A l'issue de ma seconde lecture, et alerté par plusieurs critiques acides, je crains de devoir réviser mon premier jugement, et ainsi, de partager l'avis de Patelie.
Les problèmes sont à mon sens de quatre ordres :
1 - D'abord et avant tout une traduction catastrophique. C'est traduit en bon français sur tous les points de vue, mais les traducteurs n'ont visiblement aucune expérience en termes d'histoire militaire.
D'autre part, l'ouvrage n'a forcément pas été révisé par un expert qui aurait corrigé les nombreuses erreurs qui parsèment l'ouvrage.
Dans certains chapitres, on trouve jusqu'à deux ou trois erreurs ou approximations de traduction par page. C'est énorme.
C'est un travers de l'édition française, qui sous des prétextes budgétaires, torpillent ainsi des livres d'auteurs étrangers.
2 - Le second problème, ce sont les erreurs de détail, dans lequel j'inclue les coquilles (par exemple 12e Pz au lieu de 21e Pz). Mais il y a aussi des erreurs plus graves comme la mort du Gal Hellmich antidatée d'une semaine.
Ici, c'est la conséquence du fait que Beevor n'est ni historien de formation, ni spécialiste de cette bataille précise. Beevor cherche à être un historien généraliste du second conflit mondial tout en entrant dans le détail. Et là nécessairement, il se plante parce qu'on ne s'improvise pas spécialiste d'une bataille aussi complexe.
Ce qui m'étonne, c'est qu'il n'ait pas fait relire son texte par un ou deux spécialistes ce qui aurait prévenu la publication de certaines énormités. Enfin, visiblement, la publicité qui affirme que le livre a fait l'objet d'une recherche exhaustive est mensongère.
3 - Le troisième problème, c'est le champs curieusement limité des références bibliographiques. En fait, Beevor s'est appuyé sur des livres relativement anciens, et n'a fait semble-t-il aucun cas des travaux (importants) parus dans la dernière décennie.
Qu'il ait oublié de jeter un oeil dans l'excellent "Débarquement" de Viewiorka pourrait s'expliquer par le fait que c'est un livre en Français. Mais cela lui aurait permis de faire un point précis des recherches concernant les aspects politiques et logistiques du Débarquement et éviter certaines références vieillottes.
Plus bizarre est l'absence de référence aux travaux de l'école britannique, particulièrement prolixe ces dernières années (Timothy Harrison Place, David French, John Buckley pour n'en citer que quelques uns).
Cela lui aurait permis un bon focus sur l'armée britannique en Normandie et d'éviter de reléguer une fois de plus Dempsey au statut de potiche de Monty. Lequel Monty est encore et toujours la tête de turc. Un minimum de nuance aurait été bienvenue.
Dernier sujet de ce point, les témoignages alliés sont souvent issus d'officiers subalternes ou de soldats, alors que les témoignages allemands sont issus de la série FMS, donc écrits par des officiers supérieurs. Cela déséquilibre quelque peu le récit, alors que les témoignages d'officiers supérieurs alliés existent bien.
4 - Mais, et c'est le quatrième point, le livre est destiné à un très grand public, et non pas à un public de spécialistes. Il est donc construit comme une succession de petites histoires et d'anecdotes qui ne sont quasiment jamais replacées dans leur contexte.
Il ressemble beaucoup aux livres de Stephen Ambrose et se veut certainement le nouveau "Longest Day" de Cornelius Ryan.
L'histoire est racontée la plupart du temps à l'échelle du troufion, on manque de recul et de réflexion stratégique. L'ouvrage en souffre terriblement et ne se hisse donc pas au niveau des meilleurs livres anglo-saxons sur ce sujet (comme celui de Carlo d'Este ou Max Hastings).
En conclusion, une vraie déception avec le recul. C'est en définitive un travail journalistique assez superficiel mais agréable à lire pour ses anecdotes, et certainement pas un livre à recommander pour sa pertinence historique de mon point de vue.