On parle peu de la Chasse de nuit allemande et encore moins anglaise. Nous reviendrons sur celle ci un peu plus tard mais pour l’intant, voyons comment fonctionnaient ces groupes de chasse de la Luftwaffe qui représentaient une menace supplémentaire pour le Bomber Command qui avait déjà fort à faire avec la Flak, les projecteurs, et les risques de collision etc...
Un peu d'histoire
En réalité, ni l'Allemagne, ni la Grande-Bretagne, ne possédaient d'unités spécialisées dans la chasse de nuit au début de la SGM et d'une manière générale, très peu d'expérience dans le domaine de la guerre aérienne nocturne.
En raison du caractère résolument offensif de la doctrine militaire allemande et de ses stratèges, la défense aérienne, de nuit comme de jour, était loin d'être une priorité. En janvier 1939, la Luftwaffe ne compte que sept escadrilles « expérimentales » de chasse de nuit équipées d'Arado Ar 68 et de Messerschmitt Bf 109D. En novembre 1939, quelques un de ces avions furent employés pour des essais d'interception nocturne par la 10./JG 26. En février 1940, une unité expérimentale de chasse de nuit, est créée à Jever sous la dénomination de IV./JG 25.
En 1939, la chasse de nuit allemande se réduit donc à quelques unités expérimentales appartement à des escadres de chasse affectées essentiellement à la protection des ports du Nord-ouest de l'Allemagne . Pour le reste du territoire, la Flak était censée suffire. Le réseau radar se réduisait, quant à lui, à une douzaine de stations réparties de la Frise à la Forêt-Noire. C'est en fait le raid de la RAF du 18 décembre 1939 qui révéla les lacunes du système de protection antiaérienne, et en particulier la vulnérabilité de son complexe industriel de Rhénanie et de la Ruhr.
Un Bf 110 On notera les quatre antennes destinées à indiquer la position de la cible soient 'en: haut - en bas-à gauche- ou à droite de l'axe de vol du Bf 110. Le nez de l'appareil étant pris par le radar, l'armement est reporté pour partie sur le nez et principalement sous le fuselage;
Peu adapté à la chasse de jour, le Bf 110 révéla tout son potentiel une fois versé dans la chasse de nuit
Entre avril et juillet 1940, les premières victoires sont remportées par le IV./JG 2 ainsi qu'à un équipage du KG 47. Ce ne sera finalement que le 22 juin 1940 - en vue d'abord de la bataille d'Angleterre qui se préparait – que Göring fait appel au Hauptmann Wolfgang Falck pour mettre sur pied la première véritable escadre de chasse de nuit, la Nachtjagdgeschwader 1 /NJG 1. La constitution d'une partie de la NJG 2 apparu à cette même époque tout comme la NJG 3.
La Nachtjagd nécessitait l'utilisation d'un bimoteur afin de permettre notamment l'installation de tout l'équipement destiné à la détection de nuit. Il devait être rapide, lourdement armé et bénéficiant d'une bonne autonomie. À ces spécifications, le Bf 110 se révéla la meilleure option. On y adjoint un goniomètre pour la navigation, des moyens de télécommunication ainsi qu’un éclairage de cockpit particulier. Cette instrumentation fut complétée par la suite par des carénages spéciaux des pipes d'échappement afin que la ‘lumière’ des échappements ne trahisse le chasseur ou n'éblouiss l’ équipage. Seuls les pilotes de Bf 110 montrant une aptitude au vol de nuit seront transférés dans la Nachtjagd 10.
C'est dans la nuit du 19 au 20 juillet 1940 que la première victoire de la toute nouvelle escadre fut enregistrée, en l'occurrence un bimoteur Whitley de la RAF au-dessus d'Osnabrück. À la fin de 1940, une coopération avec les projecteurs au sol et les unités de Flak demeurait indispensable pour la bonne conduite des interceptions.
Un projecteur au sol d'un diamètre de 150 mm
En 1941, les équipages allemands maitrisaient assez bien l'interception nocturne. Le Bf 110 se révellera tellement efficace qu'il deviendra la principale force de frappe de la Chasse. L'emploi du très polyvalent Junkers 88 comme chasseur de nuit s'avéra également un excellent choix. Disposant d'une autonomie supérieure, l'avion se montra particulièrement efficace pour les intrusions nocturnes au-dessus du territoire britannique. De son côté, Dornier reçut des instructions en 1940 pour adapter le Do 17 à la chasse de nuit . S'ensuivra une modification analogue pour le Do 215 et le Do 217 début 1941. De son coté, la Chasse de nuit italienne ( Caccia notturna italiana ) reçut 50 exemplaires de ce dernier dans le but de défendre les pôles industriels de Milan, Gênes et Turin. Leurs résultats resteront cependant assez négligeables .
Le 10 mars 1941, le Leutnant Reinhold Knacke de la 2./NJG 1 abat peu avant minuit le tout premier quadrimoteur, en l'occurrence un Short Stirling . Dans la nuit du 9 au 10 avril, la Nachtjagd enregistre sa 100e victoire quand l’Oberleutnant Prinz zur Lippe Weissenfeld de la 4./NJG 1 abat un Wellington du 12th Squadron au-dessus de l'Ijsselmeer. D'autres pilotes font alors la renommée de la défense du Reich, le plus connu étant Helmut Lent, un ancien de la campagne de Pologne. Le seul problème majeur résidait à l'époque dans le manque d'équipement radar embarqué.
Dans la nuit du 11 octobre, le Leutnant Hans Hahn devient le premier grand as de la chasse de nuit allemande à périr après avoir percuté, au-dessus d'Oxford, sa 13e victime. Toutefois, Hitler avait peu de considération pour les succès obtenus au-dessus des iles britanniques. Il délaissa ainsi une méthode prometteuse au profit du front méditerranéen. A la mi-octobre, le I./NJG 2 posa ses valise en Sicile.
La ligne Kammhuber
On se rend bien compte ici de cette 'ligne' avec les points ronds (stations radar) et les carrés (aérodromes/terrains d'aviation)
En octobre 1940 déjà, l'Oberst Josef Kammhuber avait mis en place une structure de défense coordonnée incluant quelques radars au sol Freya et Würzburg ainsi que des projecteurs. Il commença par équiper trois zones, l'une pour traquer les chasseurs de nuits adverses, les deux autres pour les bombardiers anglais. La précision de l'équipement radar était telle que des contrôleurs qualifiés étaient tout à fait capables d'amener les intercepteurs à portée visuelle de leurs cibles ! Mi-1941, la zone fut étendue de l'ouest de la Ruhr jusqu'au nord de la côte danoise.
Le radar 'FREYA'
et ici le radar 'Wurzburg'
Cette barrière défensive, connu sous le nom de ligne Kammhuber avait toutefois un sérieux inconvénient. Chaque station au sol ne pouvait contrôler qu'une interception à la fois. Tant que les équipages anglais volaient individuellement vers leur objectif plutôt qu'en formation compactes , le système demeurait efficace. Par contre, les contrôleurs allemands pourraient bien se retrouver submergés si les bombardiers se mettaient à voler par box.
L'entrée en service du radar Lichtenstein vint compenser ce défaut. Dans la nuit du 8 au 9 août 1941, l'Oberleutnant Ludwig Becker de la 4./NJG 1 remporta la première victoire aérienne avec ce radar embarqué en abattant un Wellington sur son Do 215B. Cependant, cet équipement ne fut pas généralisé sur tous les avions avant le début de l'année 1942. Il sera décliné au cours de la guerre en plusieurs versions plus ou moins performantes (FuG 202, FuG 212, FuG 220, FuG 228) ce qui nécessitera parfois l'utilisation de deux radars embarqués en même temps pour compenser leurs défauts respectifs. À la fois peu pratique et de faible portée, le radar se révéla peu populaire parmi les équipages à ses débuts, mais l'amélioration de la technologie inversa la tendance au fil des mois. Toutefois et durant toute la première phase de la guerre aérienne nocturne, la Luftwaffe utilisa essentiellement la combinaison radars terrestres/projecteurs pour guider ses chasseurs de nuit. C'est l'époque de la Helle Nachtjagd (« chasse de nuit claire ») . Cette technique permet ainsi à l’Oberleutnant Kurt Martinek, pilote de la 9./NJG 4 alors basée à Florennes (Belgique) et équipée de Bf 110, d'abattre six bombardiers britanniques entre le 13 août et le 23 septembre 1942.
Le radar embarqué " Lichtenstein"
Ici nous avons les trois écrans ( distance - cap - altitude)
Au printemps 1942, les effectifs de la Nachtjagd avaient évolué proportionnellement aux attaques du Bomber Command. Ils comptaient les NJG 1, NJG 2, NJG 3, NJG 4, chacune dotée d'un Stab de commandement et de deux à trois Gruppen.
A suivre