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bombardement stratégique.

Nouveau messagePosté: 22 Mar 2014, 10:27
de dominord
bonjour, je viens de tomber sur ce texte, je ne sais ce qu'il vaut, si c'est un tissu d’âneries ou si le sujet mérite quelques commentaires, je le laisse à votre appréciation.

Le bombardement stratégique pendant la Seconde Guerre Mondiale

Il se trouve que j'ai été amené, un peu par hasard, à lire plusieurs livres sur le sujet du bombardement stratégique pendant la Seconde Guerre Mondiale en Europe.Le sujet est intéressant parce qu'il montre comment des gens intelligents peuvent s'enferrer dans une logique, qui, au final, se révèle absurde. On n'est pas loin des questions qui entourent les origines de la Première Guerre Mondiale : le même sentiment de mécanique infernale.

En 1917 et 1918, il y a quelques bombardements de grosses agglomérations et des paniques chez les civils. Ce qui donne naissance à deux idées voisines après la guerre :
• des bombardements de civils bien ciblés pourraient provoquer l'effondrement de l'ennemi à moindre coût, par rapport à l'horreur des tranchées.
• la guerre est devenue industrielle. En bombardant des industries-goulots, on pourrait l'écourter, là encore à moindre coût.

Cette idée de bombardement stratégique intéresse beaucoup les Anglais, les Américains et les Italiens, on lui donne le nom du général italien Douhet, le «douhetisme». Les Russes, les Français et les Allemands s'en détournent pour diverses raisons.A cette doctrine, s'ajoute une analyse technique d'avant le radar. «The bomber will always come through» : «le bombardier passera toujours».

Dans le contexte des restrictions budgétaires des années 20 et 30, des groupes de fanatiques de cette théorie font campagne dans les pays cités. Ils se battent comme de beaux diables pour s'imposer et pour bâtir leur carrière sur cette idée.

Or, dès 1940, cette idée est morte, enterrée par l'épreuve du feu :
• les Anglais ont fort bien résisté au Blitz. Le moral des civils ne s'écroule pas sous les bombardements.
• le radar a été inventé. Le bombardier ne passe pas toujours.

Plutôt que d'abandonner cette idée démentie par la réalité, les Anglais et les Américains s'entêtent :
• le bombardement de jour n'étant plus possible, le radar guidant les défenseurs à distance de repérage à vue, les Anglais passent au bombardement de nuit. Comme la technique de l'époque ne permet pas le bombardement de précision de nuit, au lieu de bombarder les industries, on va bombarder les villes où vivent les ouvriers des industries. C'est une politique terroriste, au sens propre du terme : il s'agit de semer la terreur chez les civils de manière à ce qu'ils fuient les villes et leurs industries.
• bien que les Américains obtiennent des bombardements de jour moins précis qu'anticipés et beaucoup plus de pertes que prévues, ils continuent leur politique de bombardement diurne des industries par des bombardiers non escortés.

Le savoir rétrospectif confirme le peu d'efficacité militaire et industrielle (sauf sur un point sur lequel je reviendrai) de cette politique de bombardement qui a un coût énorme pour les Alliés (le Bomber Command, c'est un million d'hommes parmi les plus qualifiés et 55 000 morts). Alors, pourquoi continuer ?
• parce qu'à l'époque, on peut discuter du peu de résultats, on n'a pas encore les preuves d'après-guerre. Les partisans du bombardement stratégique exagèrent énormément leurs succès.
• parce qu'à la tête des Etats-Majors, il y a des gens qui se sont investis depuis 25 ans dans cette idée.
• parce que les Alliés peuvent se permettre ce gaspillage.
• parce qu'il faut faire quelque chose plutôt que rien et que, de 1942 à 1944, le bombardement stratégique est la seule manière d'attaquer l'Allemagne directement.
• enfin, cette idée exprimée notamment par Churchill : il faut punir les Allemands, leur faire passer à jamais le goût de la guerre.

C'est ainsi qu'une idée au rapport coût/efficacité plus que contestable et très douteuse moralement peut perdurer.

Néanmoins, à la guerre, nécessité fait loi :
• Churchill oblige, avec beaucoup de difficultés, «bomber» Harris à se concentrer momentanément sur la préparation du débarquement.
• les Américains, plus pragmatiques, pour ne pas dire plus intelligents, abandonnent dans les faits leur doctrine du bombardement stratégique à la fin 1943. Les bombardiers sont escortés. Les zélateurs du bombardement stratégique obtiennent des promotions qui les écartent et sont remplacés par des gens moins doctrinaires.

L'objectif américain unique devient : abattre la Luftwaffe. Bombarder les usines qui produisent des avions, bombarder les raffineries qui produisent de l'essence d'aviation, obliger les défenseurs à prendre l'air pour affronter les avions d'escorte, abattre des avions, tuer des pilotes.

Cette politique va, enfin, fonctionner.[i]


source : http://fboizard.blogspot.fr/2014/03/le- ... nt-la.html

Re: bombardement stratégique.

Nouveau messagePosté: 22 Mar 2014, 10:48
de Dog Red
Bonjour Dominord.

Ce texte est fort bien documenté et représentatif de l'évolution de pensée récente sur le bombardement stratégique du III Reich.

Je conseille la lecture de "L'incendie" de Jörg FRIEDRICH (ISBN 2-287706-495-6) qui, d'une part donne le point de vue allemand, mais surtout analyse scientifiquement toute l'évolution des bombardements de masse alliés de 1940 à 1945. Après ça... on comprend ce qui se cache derrière le concept de "guerre totale".

De manière plus globale, Philippe MASSON et son "Seconde guerre mondiale" (ISBN 2-84734-076-9) et que tout le monde devrait avoir lu, analyse le concept du bombardement stratégique à l'échelle de tout le conflit (Varsovie, Rotterdam,Blitz et bombardements aliés sur l'Allemagne et le Japon).

Le texte que tu nous proposes est une bonne synthèse des 2 ouvrages cités.

Maintenant... bien ou mal ? HARRIS a fini par dégoûter CHURCHILL (cherchez une statue de Bomber Harris en Angleterre...) mais effectivement, de 1940 à juin 1944 les Anglais ne disposaient d'aucun autre moyen de réellement frapper l'Allemagne.

Quant au concept du général DOUHET, Hiroshima et Nagasaki sont la démonstration que la terreur (il s'agit bien de terrorisme au sens littéral) peut mettre fin à la guerre plus vite que 4 ans de boucherie dans les tranchées du conflit précédent. Cet équilibre de la terreur qui, jusqu'en 1989, aura empêché les blocs est/ouest de tenter une aventure militaire.

Les autres avis ne vont certainement pas manquer...

Bonne journée à tous.

Daniel

Re: bombardement stratégique.

Nouveau messagePosté: 22 Mar 2014, 10:56
de Marc_91
::chapeau - salut:: Pas si inefficace que ça !

Il y a un bon article dans "Guerre & Histoire" N°15 d'Octobre 2013 : L'assassinat de la Luftwaffe.

En résumé, jusqu'à l'Automne 1943, les bombardements ciblent les grosses usines de matériel militaire, mais n'arrivent pas vraiment à enrayer la production d'armes allemande ; juste à la diminuer un peu (difficile de donner des chiffres : 10 à 25%, pour donner une idée).

A partir du début 1944, le choix est fait de s'en prendre à la Luftwaffe, aussi bien à ses avions qu'à ses pilotes et à son réseau de carburant. Et là, en 2 saisons, les résultats sont enfin probants.

Enfin, il y a un point qui est évoqué pour la Grande Guerre, mais pas repris dans le second argumentaire de l'auteur de ton texte : l'aviation est, paradoxalement, l'arme qui occasionne le moins de pertes humaines pour celui qui l'emploie : pour faire voler un bombardier US ou de la RAF, il faut entre 5 et 9 hommes d'équipage qui risquent d'être tués ou faits prisonniers, mais surtout plus d'une centaine qui restent au sol, en sécurité ... Moins de pertes humaines, donc. Pour un élu d'une démocratie engagé dans une guerre longue, ça compte.

Re: bombardement stratégique.

Nouveau messagePosté: 22 Mar 2014, 11:41
de Dog Red
Les différentes phases des bombardements stratégiques ont pesé sur l'Allemagne :
affaiblissement de l'industrie ;
désorganisation des transports ;
privation de matières stratégiques (les roulements à billes à Schweinfut, les usines de carburant de synthèse évoquées par Marc).

Ces succès +/- payants rentrent plutôt dans la doctrine US de l'usage du bombardement stratégique pour paralyser le potentiel de guerre ennemi.

La destruction des civiles par les bombardements systématiques de population (doctrine anglaise) n'ont pas obtenu l'effondrement escompté ni même poussé la population allemande à se révolter. La pression psychologique aura renforcé la combativité plutôt que de la saper.

Le texte évoque le bombardement des villes pour tuer les ouvriers. Je voudrais apporter une précision (peu connue ?). L'expertise des pompiers de Londres a été sollicitée pour étudier systématiquement la destruction des villes allemandes. Les moyens du Bomber Command ont démontré qu'il fallait privilégier l'incendie des centres historiques allemands où bois et torchi sont les principaux matériaux de construction aisément inflamables plutôt que les périphéries de construction récentes en béton, peu inflammable et que les bombes de 1940 ne permettent pas de briser (cf. FRIEDRICH).

Le sujet est vaste et doit être appréhandé dans son ensemble et avec toutes ses particularités.

Pour oser un parallèle : on ne peut pas dire que la guerre terrestre fut inefficace sur base des batailles d'usure du théâtre italien, ni un succès étincelant sur base des blitz du printemps 40 ou de l'été 44.

Daniel

Re: bombardement stratégique.

Nouveau messagePosté: 22 Mar 2014, 11:54
de dominord
bonjour Daniel, bonjour Marc, je n'interviens pas mais je lis attentivement vos commentaires....

Re: bombardement stratégique.

Nouveau messagePosté: 22 Mar 2014, 12:16
de Dog Red
Bonne lecture Domi !

Un élément à rajouter à la réflexion avant de devoir vous laisser.

Le bombardement stratégique a pesé tactiquement sur 2 campagnes importantes du Front Ouest :
le lessivage des défenses allemandes (Panzer Lehr notamment, relisez CARELL) en prélude à Cobra. Même si le labourage du terrain pose toujours l'éternel problème du passage des chars, ce bombardement terrifiant à mis les Allemands KO lorsque le VII Corps est monté à l'assaut ;
le matraquage des têtes de lignes logistiques allemandes à partir de fin décembre 1944 va rendre cauchemardesque l'approvisionement déjà déficient de l'offensive allemande dans les Ardennes.

Je ne suis pas un fan de l'aspect "terreur" du bombardement stratégique mais la finalité de la guerre est de détruire l'ennemi le plus vite possible et par tous les moyens possibles.

Bonne journée à tous.

Daniel

Re: bombardement stratégique.

Nouveau messagePosté: 30 Mar 2014, 22:47
de I/JG2_Pol
Salut à tous !

Sorry pour la Réponse un peu en retard, mais depuis 2 numéros du fana de l'aviation, une série d'article sur "big week" et les opérations aériennes américaines d'envergures de 1943-44 permettaient de mieux comprendre la doctrine de bombardement americaine sur cette période.
Après, faut pas oublier qu''il y avait des gens un peu...... tordu à la tête des US air force. Curtiss LeMay, celui qui a organisé les grands raids meurtriers sur Tokyo en 45 (auparavant chef d'unité en Europe) était parmis les précurseurs du stratégic air command et surtout partisan d'une frappe nucléaire préventive sur les pays " éventuellement hostiles".

Paul

Re: bombardement stratégique.

Nouveau messagePosté: 01 Avr 2014, 12:19
de Hippocampe
Bonjour Dominord,

Je croyais que tu n'avais pas la carrure pour lancer un sujet. Quelqu'un l'a fait en se faisant passer pour toi ?

Re: bombardement stratégique.

Nouveau messagePosté: 01 Avr 2014, 12:25
de Prosper Vandenbroucke
Hippocampe a écrit:Bonjour Dominord,

Je croyais que tu n'avais pas la carrure pour lancer un sujet. Quelqu'un l'a fait en se faisant passer pour toi ?

Bonjour,
Non, non Domi est une grande fille et les apparences sont parfois trompeuses !!!
Prosper ;)

Re: bombardement stratégique.

Nouveau messagePosté: 01 Avr 2014, 12:33
de Hippocampe
Elle a donc la carrure ?