Tex Hill a écrit:Il y a un bon article sur ce sujet dans l'Aérojournal n° 3 d'avril-mai 2008, écrit par Nicolas Bernard.
Pour simplifier : oui, les Américains comme les Britanniques s'attendaient à une action japonaise, mais après une déclaration de guerre en bonne et due forme. De plus, pour les Américains, Hawaï était une cible tentante mais quasiment hors de portée, ils pensaient que les Philippines seraient l'objectif principal des Japonais.
Bonjour,
Pour préciser, les faits que j'expose dans mon article paru dans
Aérojournal établissent qu'au soir du 6 décembre 1941 le Président Roosevelt supposait avec un degré confinant à la certitude que le Japon entrerait en guerre le lendemain. Mais, à l'instar d'autres militaires et membres de son cabinet, il ne suspectait nullement que Pearl Harbor constituait une cible, et s'attendait davantage à une attaque limitée aux Philippines. Les Américains ont certes eu entre leurs mains des indices, découlant notamment de la percée du code diplomatique nippon, mais ces éléments étaient noyés dans une masse d'informations qui ne leur a pas permis de procéder à une synthèse correcte des événements.
Quant aux Britanniques, je souligne qu'ils n'ont pas été en mesure de décrypter le code naval japonais au mois de décembre 1941, alors qu'ils avaient semble-t-il rencontré quelques succès en la matière, remis en cause par la modification desdits codes par la Marine impériale avant l'attaque. Ils n'avaient en fait aucun moyen de subodorer que Pearl Harbor allait faire l'objet d'un raid aéronaval.
Bref, les Anglo-Saxons n'ont jamais réussi à percer à jour les intentions japonaises. En fait, et compte tenu du durciissement des relations diplomatiques mondiales, ils s'attendaient à une attaque nippone en Asie du Sud-Est le dimanche... 30 novembre 1941. Ne voyant rien venir, ils en ont déduit que la paix était peut-être à l'ordre du jour, et Roosevelt a notamment été incité par un émissaire d'une hypothétique faction pacifiste de Tokyo à rédiger un message personnel à l'Empereur Hiro-Hito.
Non seulement les Anglo-Américains n'y ont vu que du feu, mais ils n'ont certainement pas incité le Japon à commettre l'irréparable. Les Américains avaient besoin d'un répit dans le Pacifique pour amasser des forteresses volantes et des troupes aux Philippines. Les Anglais redoutaient l'ouverture d'un second front en Extrême-Orient. Bref, ils cherchaient à gagner du temps. Mais ces intentions devaient se cumuler avec la nécessité de mettre un terme à l'expansion de l'Empire du Soleil levant, qui avait multiplié les agressions depuis 1931. Ces impératifs sont à l'origine d'une politique de la corde raide, à Washington.
Enfin, je rappelle dans cet article que la mythologie du complot est en fait issue des polémiques politiques américaines survenues dès la fin du raid japonais. Les amis de l'amiral Kimmel et du général Short d'une part, des pontes du Parti républicain d'autre part, ont tenté de salir Roosevelt pour blanchir les responsables locaux de la base américaine, et la Maison-Blanche ne s'est pas laissée faire. D'où le nombre passablement ahurissant d'enquêtes internes, gouvernementales et parlementaires sur le sujet de 1941 à 1946, la vérité historique étant malmenée à des fins partisanes, chaque camp échangeant des coups par le biais de leurs propres enquêteurs.
Par la suite, ces allégations ont été reprises par des défenseurs de Short et Kimmel, ainsi que par des "chercheurs" dépourvus de la rigueur élémentaire. Je réfute au passage un certain nombre de "preuves" de la prétendue découverte, avant l'attaque, de l'escadre japonaise dans le Pacifique Nord. Ces "preuves" ne reposent que sur des spéculations (au mieux) et falsifications de témoignages (au pire).
Donc : non, mon article n'est absolument pas "complotiste". En revanche, j'espère qu'il pourrait contribuer à mettre un terme à cette pseudo-controverse, en définitive très méconnue en France au regard du caractère américano-américain du débat.