En Histoire, on considère généralement qu'il faut une cinquantaine d'années pour qu'un événement puisse être considéré comme "historique". Plus tôt, on est dans le registre de l'actualité ou de "l'histoire immédiate", avec son lot d'émotionnel... et d'imprécisions.
qui ne possede plus les renseignements de premiere main sur un conflit déja diablement bien documenté
Qu'appelez-vous "renseignements de première main ?" ? Les témoignages ? Ils sont pris en compte par les historiens. Mais s'en tenir là, c'est aller direct au casse-pipe. Vous savez sans doute que les précieuses archives officielles, qui sont pourtant des "renseignements de premiere main", mettent du temps avant de s'ouvrir. On en sait infiniment plus aujourd'hui qu'en 1950 sur la Seconde Guerre mondiale... et ce n'est pas fini. J'imagine qu'il en est de même en Belgique sur les événements qui secouèrent de Congo belge à la fin des années cinquante. Entre ce que nous avons entendu ou lu à l'époque et ce que nous pouvons lire aujourd'hui, j'imagine qu'il y a une sacrée marge !
Je vous le répète, le but d'un historien n'est pas de "pousser le bouchon", ou "d'en rajouter". S'il découvre des invraisemblances, il en fait état. Rien d'autre. On peut préférer le palpitant récit plus ou moins romancé à l'âpre étude d'un historien. On peut préférer "J’étais un kamikaze", par Ryûji Nagatsuka, à "Samouraï sur porte-avions", par Michel Ledet. C'est compréhensible. Mais on n'est pas du tout dans le même registre.
L'auteur d'une "analyse moderne" dispose de bien plus d'éléments sur un fait historique qu'un témoin de l'époque. Si nous nous en tenions aux seuls témoignages, même les plus respectables, nous nous brûlerions en prenant nos vessies pour des lanternes. Peut-être en serions-nous encore au mythe du ciel de France absent de tout appareil français en 1940, ou au contraire à celui des 1000 victoires de la chasse française. Lire un témoignage, c'est passionnant. Encore faut-il le faire à la lumière des connaissances actuelles. Ces témoignages peuvent être contradictoires ou fort différents. Comparez les mémoires de Marc Hauchemaille (Bonsoir Nadette) et "Mes Carnets" de René Mouchotte (version intégrale 2001 de préférence), deux ouvrages indispensables ; c'est édifiant. Vous pourrez voir comment deux personnages ayant vécu une aventure similaire ont une approche extrêmement différente : on a l'impression qu'ils ne parlent pas de la même chose. Et pourtant...
Bien cordialement
PB