Bonjour à tous:
La question "Hitler pouvait-il gagner la guerre?" a ouvert un débat très intéressant, car la question met en oeuvre une vision globalisante du conflict (politique, économique, militaire, etc.)
De mon point de vue, la réponse est: Non, il ne pouvait pas gagner la guerre.
Pour quoi? Parce que l'Allemagne, en 1939, n'en était pas préparée militairement. Ni la Krigsmarine ni le Heer étaient en disposition d'affronter les énormes défis que supposaient faire la guerre contre l'Angleterre et la France. Seule la Luftwaffe avait des moyens vraiment modernes de lutte à cette époque. Mais, en dernière instance, c'est le fantassin qui est le véritable conquérant dans toute guerre, même si le rôle de la force aérienne est un élément déterminant pour créer des conditions objectives de victoire dans les guerres modernes. Il ne faut jamais oublier que l'effondrement de l'Armée Française fût une véritable surprise, effroyable pour les uns, agréable pour d'autres, mais toujours une surprise, une énorme surprise.
En 1941, contre l'URSS, la situation ne va pas beaucoup changer. L'Allemagne s'élance contre un géant sans savoir exactement ce qu'elle va y trouvrer, et en croyant que les ressorts du pouvoir soviétique s'effondreraient sous le premier coup de boutoir. Le général Halder, par exemple, a qualifié l'invasion de l'URSS d' "équipée" dès qu'il reçoit l'ordre d'en dresser les plans. Et malgré le bilan terrifiant des quinze premiers jours pour les soviétiques -fruit d'une monumentale erreur d'appréciation de la part de Staline- Barbarossa, malgré son apparence, commence à se diluer a Yelnia vers le 20 juillet 1941. À partir de ce moment, les Allemands commenceront à improviser... et les erreurs de tout ordre suivront jusqu'à la fin. Il ne faut pas oublier que la campagne de Russie n'a pas d'objectif stratégique, du point de vue strictement militaire. Hitler a simplement tenue compte de ses "prévisions" politiques et les généraux allemands de son entourage ont commis la pire des erreurs militaires: sous-estimer la capacité de l'adversaire. Depuis le premier jour, le dimanche 22 juin 1941, les deux conditions de la défaite allemande étaient sur place: méconnaissance absolue de la réalité soviétique quant à l'aspect politique, et méconnaissance aussi du point de vue militaire (les Allemands n'ont jamais su ce qu'ils avaient en face), ainsi que ridicule dédain envers les capacités de l'ennemi.
On pourra bien se demander alors: si l'Allemagne n'était pas préparer en 1939, pourquoi a-t-elle déclenché la guerre? Pour le grand malheur de certains "idéologues", le déterminisme historique existe: c'est la nécessité; la nécessité des hommes, voire de certains hommes, et non pas la nécessité abstraite. El à peu que quelqu'un regarde l'état de l'économie allemande à la veille du conflict, la fallite financière de l'État était en vue. On sait bien depuis belle lurette que l'Allemagne était sur le point d'entrer en récession, le cauchemard des nazis. En 1939, la guerre était pour Hitler nécessaire, au double sens du mot: indispensable et inévitable. Ne pas la faire conduisait de manière aussi bien inévitable à sa chute. Ajourner le conflict militaire impliquait: 1º La possible apparition de conflicts sociaux en Allemagne: chomage, grèves, etc... et 2º L'avantage allemand aéronautique serait bien vite compensé par la France, par la Grande Bretagne et par l'URSS.
Certains faits importants à la base de mes affirmations antérieures:
1.- Du point de vue technique et numérique la Panzerwaffe n'était pas supérieure à l'arme blindée anglo-française. A vrais dire, les Panzer I et II ne sont pas de vrai chars, ni pour l'attaque ni pour la défense. Autre chose a été la tactique, bien sûr. De l'armé blindée soviétique je ne crois pas avoir besoin d'en dire trop: il suffit de dire que le 22 juin 1941 les T-34 et les KV étaient plus nombreux que les Panzer III et IV sur le front. Et, en plus, du point de vue technique ces chars allemands ne résistent la moindre comparaison avec leurs homologues soviétiques.
2.- L'armement anti-char allemand était tout simplement de la rigolade, sauf, bien entendu, le 88mm., dans les deux grandes campagnes. Mais le Pack 37 mm. était l'armement standart anti-char en 1940-1941, l'époque des victoires éblouissantes. Comparez à ce sujet avec le 76 mm. soviétique, par exemple, une arme anti-char excellente, selon les Allemands.
3.- La Luftwaffe, indispensable à la Blitzkrieg, est le seul élément préparé: elle obtient la supériorité locale sur les zones de progression des blindés allemands, et c'est là où ce trouve la clé de la victoire allemande en France 1940. Cette supériorité garantira le même succès initial à l'Est. Mais, puisque Moscu est apparu dans ce debat, c'est bien devant Moscou où la Luftwaffe fera défaut. Le cas de la bataille d'Angleterre est tout à fait différent.
4.- La Kriegsmarine ne compte même pas. Le bilan est bien clair. Dire que les navire Q ont coulé plus de tonnes que les grandes unités de surface c'est tout dire. Pour ce qui est de l'U-Bootswaffe, malgré les lourds dégats qu'elle a provoqués, jamais le pourcentage de tonnes coulées a atteint celui de tonnes produites par les Alliés, ni au niveau du ravitaillement ni au niveau des navires produits, et cela pendant toute la guerre. Autrement dit: la tâche assignée par Dönitz à ses U-Boote etait irréalisable.
5.- La démission de Hjamlar Schacht à la fin 1937 est prémonitoire de la situation économique. Elle est bel et bien en déroute. Et Goering, boff, un vrai suicide dans ce domaine. Qu'est-ce qu'on en parle peu de la situation économique allemande en 1938-39! Et je me demande bien pour quoi!
Pour Hitler c'était impossible de gagner la guerre. Quand il l'a déclenchée, les conditions de victoire n'étaient pas encore jetées. Mais retarder le conflict était aussi bien perdre l'avantage du moment: à l'extérieur, la supériorité tactique aérienne allemande, très vite compensée, et le "pacifisme" de certains de ses adversaires qui sont devenus très belliqueux du jour au lendemain; à l'intérieur, la situation économique était à bout de souffle.
Mais, que vous voulez? Une bande d'aventuriers sans scrupules parviennent au pouvoir soutenus par les gros patrons industriels -désolé, il faut tout dire- et quelques généraux qui se croyaient aux temps de Bismarck. Malheureusement, on ne les a pas arrêtés à temps!
Je finis: c'est bien vrai qu'il y a eu certains "intellos", bernés par ce joli monde, en Allemagne et ailleurs, mais quand même soyons un peu sérieux. Que pensez-vous que sont venu faire les 18.000 Français, les 3.000 Allemands, les 2.900 Polonais et ainsi de suite jusqu'à 35.000 hommes et femmes dans mon pays, l'Espagne, en 1936-39? Et j'écarte à ce sujet un malentendu fréquent: le gros du contingent français, par exemple, est venu en 1938, quand l'élan révolutionnaire a cédé la place à une guerre
stricto sensu. Ces Français-là de 1938 ne venaient plus "faire la révolution", mais en connaissance de cause. On peut affirmer que leur engagement était donc un engagement anti-fasciste, anti-nazi. Et pourtant, c'était aussi des ouvriers pour la plupart. Pas trop cultivés sûremente, mais... tiens, tiens! ils ne se sont pas laissés faire, eux.
Cordialement
Muntz