Connexion  •  M’enregistrer

La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Histoire et recherches portant sur les Marines de guerre de tous les belligérants, incluant les grandes batailles comme celles de l'Atlantique, de la mer corail, Mers el Kébir, la destruction du Bismark etc.
MODÉRATEUR:NIALA

La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 14 Oct 2023, 15:28

Le Traité de Versailles interdisait aux allemands de construire des sous-marins; or il n'étaient pas question pour eux de perdre le savoir faire considérable acquis au cours de la Première guerre mondiale, ils ont donc cherché à contourner le Traité de Versailles en faisant étudier des sous-marins à l'étranger, pour ne pas perdre le savoir faire des ingénieurs allemands; une filiale de la Deutsche Schiff und Maschinenbau A G basée aux Pays Bas a donc commencé à étudier les plans d'un nouveau sous-marin; le gouvernement espagnol pendant la dictature de Primo de Rivera s'est dit intéressé par ce sous-marin pour la marine espagnole et a conclu un marché avec des officiers de la marine allemande pour faire construire ce sous-marin en Espagne; le chantier Horacio Echevarrieta de Cadix a été retenu; le sous-marin est mis sur cale le 25 mars 1929; il est lancé le 22 octobre 1930; et fait ses essais en mer en 1931 sous la marque E-1; le changement de gouvernement en Espagne et l'emprisonne d'Echevarrieta pour son lien avec la révolution d'octobre 1934, on fait perdre à la marine espagnole tout intérêt pour ce sous-marin; d'autre part des ingénieurs soviétiques ont également participé aux essais du E-1; en 1935 il est vendu à la Marine turque et prend le nom de Gur; mais il a eu de nombreux descendants, puisqu'il est à l'origine du type IA allemand, mais aussi a servi de prototype à la classe S soviétique.
Les allemands ne s'en tinrent pas et selon un plan élaboré dénommé opération Arc en ciel, ils construisent discrètement avant 1935 outre l'Espagnol cité ce dessus :
-2 sous marins pour la Turquie
-5 pour la Finlande
-3 pour l'URSS
-3 pour la Suède
- et enfin 2 pour la Roumanie

Un fait important survient le 18 juin 1935 ; l'accord naval anglo-allemand. :
Il marque le début du réarmement allemand. La Grande Bretagne accorde au Reich allemand de limiter sa flotte à 35% de la flotte britannique de l'époque, ce qui est considérable.
En outre dans cette limite le tonnage total des sous-marins allemands autorisé est égal au tonnage total des sous-marins britanniques; les Scharnhorst ; Admiral Hipper ; destroyer des classes Maas et Z et surtout le développement rapide de la flotte sous-marine allemande, sont consécutifs à cet accord; surtout que l'Allemagne n'ayant jamais cessé les études sur ces différents types de navires, la construction peut débuter immédiatement....

D'ailleurs les allemands n'ont pas attendu sa signature puisque le 1er U Boote, le U1 du type IIA est commandé le 2 février 1935 chez Deutsche Werft à Kiel ; la quille est posée le 11 février 1935 ; il est lancé le 15 juin 1935 ; et il entre en service le 29 juin 1935... ouf l'accord naval a été signé entre temps.
Rien qu'en 1935, 17 U boote sont lancés des types IIA ; IIB il s'agit de sous marins côtiers, servant de navires école il faut maintenant former des sous mariniers.
Cordialement

Alain

modérateur
modérateur

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 3334
Inscription: 05 Mar 2018, 17:27
Région: MENTON PACA 06
Pays: FRANCE

Voir le Blog de NIALA : cliquez ici


Re: La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 14 Oct 2023, 15:48

U1 1936 .png
U1 1936 .png (539.75 Kio) Vu 580 fois

U1 en 1936 premier sous marin allemand construit officiellement pour la Kriegsmarine du type IIA
Déplacement 254/303 t; puissance: 700/360 cv; vitesse: 13/7 noeuds; armement: 3 TLT, 6 torpilles; 1x 20mm; pendant la guerre 4x 20 mm ont été ajoutés à l'armement.
La série du type IIA comprend les U1 à U6; 3 ont été coulés pendant la guerre et 3 ont survécu à la guerre détruits en 1945/46.

Pour ceux qui n'ont pas l'habitude du langage relatif aux sous marins : numérateur: valeur en surface/dénominateur: valeur en plongée. TLT=tubes lance torpilles.
Cordialement

Alain

modérateur
modérateur

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 3334
Inscription: 05 Mar 2018, 17:27
Région: MENTON PACA 06
Pays: FRANCE

Voir le Blog de NIALA : cliquez ici


Re: La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de alfa1965  Nouveau message 14 Oct 2023, 16:05

Merci Alain pour ce post très instructif. L'U1 commandé par le Kapitanleutnant Kurt Freiwald constitue la première unité de la flottille de sous-marins appelée Weddigen commandée par Dönitz.
Siamo 30 d'una sorte, 31 con la morte. Tutti tornano o nessuno. Gabriele d'Annunzio, Canzone del Quarnaro.

Redac' Chef Histomag 39-45
Redac' Chef Histomag 39-45

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 10064
Inscription: 29 Déc 2008, 22:15
Localisation: Budapest
Région: Budapest
Pays: Hongrie

Voir le Blog de alfa1965 : cliquez ici


Re: La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau message Post Numéro: 4  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 14 Oct 2023, 16:23

Bonjour et merci Alain, très intéressant et édifiant.
Donc les 3 coulés serait le U-1 (commandé en premier lieu par le Kapitän sur See Klaus Ewerth), le U-2 et le U-5. Le U-1, coulé par une mine le 6 avril 1940, le U-2 coulé le 8 avril 1944 lors d'une collision avec un chalutier allemand, et le U-5 coulé en mars 1943,lors d'un accident de plongée ?
L'Union fait la force -- Eendracht maakt macht

Image
http://www.freebelgians.be

Administrateur d'Honneur
Administrateur d'Honneur

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 99396
Inscription: 02 Fév 2003, 21:09
Localisation: Braine le Comte - Belgique
Région: Hainaut
Pays: Belgique

Voir le Blog de Prosper Vandenbroucke : cliquez ici


Re: La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau message Post Numéro: 5  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 14 Oct 2023, 16:29

Type IIB: U7 à U24 et U120 et U121 lancé en 1935-1936 sauf U120 et U121 commandés par la Yougoslavie, lances en 1940 et non livrés.
amélioration du type IIA avec augmentation du rayon d'action; utilisés pour la formation des sous mariniers.
Déplacement: 279/329 t; 700/360 cv; vitesse: 13/7 noeuds; armement: 3 TLT, 6 torpilles; 1x 20mm; 4x 20 mm ajoutés pendant la guerre.

U9 162_001.jpg
U9 162_001.jpg (231.53 Kio) Vu 550 fois

U9 construit chez Germania Werft à Kiel, lancé le 30 juillet 1935; coulé par l'aviation russe à Constanza le 20 aout 1944.
Cordialement

Alain

modérateur
modérateur

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 3334
Inscription: 05 Mar 2018, 17:27
Région: MENTON PACA 06
Pays: FRANCE

Voir le Blog de NIALA : cliquez ici


Re: La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau message Post Numéro: 6  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 14 Oct 2023, 16:35

Prosper Vandenbroucke a écrit:Bonjour et merci Alain, très intéressant et édifiant.
Donc les 3 coulés serait le U-1 (commandé en premier lieu par le Kapitän sur See Klaus Ewerth), le U-2 et le U-5. Le U-1, coulé par une mine le 6 avril 1940, le U-2 coulé le 8 avril 1944 lors d'une collision avec un chalutier allemand, et le U-5 coulé en mars 1943,lors d'un accident de plongée ?

Exact Prosper.
Cordialement

Alain

modérateur
modérateur

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 3334
Inscription: 05 Mar 2018, 17:27
Région: MENTON PACA 06
Pays: FRANCE

Voir le Blog de NIALA : cliquez ici


Re: La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau message Post Numéro: 7  Nouveau message de Alfred  Nouveau message 14 Oct 2023, 16:36

Il ne devait pas manquer pour la renaissance de l'arme sous marine d'hommes expérimentés comme Canaris (il avait détruit le cargo de mon oncle et parrain en Aout 1918- Le Marin Combattant, n° 28, Octobre 1937, p. 3.


PRISONNIER A BORD D'UN SOUS-MARIN ALLEMAND

Récit de M. LECLÈRE, Capitaine au long-cours


Commandant le vapeur Champlain, de la Compagnie des Chargeurs réunis depuis le début de la guerre, je fus torpillé et coulé par un sous-marin allemand, dans la nuit du 20 au 21 août 1918, à environ 170 milles au large de Lisbonne.
Ayant quitté mon navire le dernier, quand j’accostai le sous-marin, les autres canots étaient réunis autour de lui, et le second capitaine, M. Pansard avait été pris comme otage.
A mon arrivée, le second rejoignit son canot et je fus envoyé à l'intérieur du sous-marin, tranquille sur le sort de mon équipage au complet. Je savais que les embarcations étaient bien approvisionnées et il faisait beau temps.
Alors commença pour moi une existence dont le souvenir restera toujours à ma mémoire.
Comme il faisait nuit, le sous-marin se maintint quelque temps en surface, attendant le retour d’une équipe partie pour achever de couler mon malheureux navire. Après quelques ordres brefs, un bruit de canot embarqué, et, toujours en surface, on mit les machines en route.
La place qu’on m’avait assignée était dans le poste de l’équipage, au-dessus des accumulateurs.
Le premier compartiment en regardant face à l’avant contenait les appareils de plongée et le poste de T.S.F.
Le deuxième compartiment comprenait le poste et le carré des officiers, et, enfin, le troisième était la chambre des torpilles. Elle en contenait 8.
Sur l’arrière du poste d’équipage, le compartiment des machines, sur l’arrière de celui-ci, la cuisine électrique et enfin, la torpille de fuite.
Au bout d’une heure environ, j’eus la visite du Commandant, un enseigne de vaisseau, parlant bien le fran-çais comme j’avais pu le constater en accostant.
Il me demanda d’abord en allemand si je le comprenais. Ayant quelques notions de cette langue, je pus lui dire que, n’ayant pas pratiqué depuis longtemps, je préférais qu’il m’interrogeât en français.
Mais ce Commandant était sans doute curieux ; car aussitôt il m’adressa la parole en anglais, et cette fois, je lui répondis couramment.
Non encore satisfait, et sans doute pour me faire voir que les Allemands étaient polyglottes, ou savoir quelle langue il pourrait parler sans que je le comprenne, il se mit à me parler en espagnol. A cette époque, je parlais cette langue aussi couramment que le français ; je ne fus donc pas embarrassé et, à mon tour, je lui demandais, en portugais, s’il parlait cette langue. « Oh non ! me répondit-il en espagnol. Sale langue et sales gens ! »
Parbleu, les Portugais étaient nos alliés.
Il me dit alors : « Comme personne ici ne comprend l’espagnol, quand j’aurai quelque chose à vous dire, je vous causerai dans cette langue ! ».
Il me fit venir dans le carré des officiers, où, sur la table, je remarquai une carte marine pliée, et me de-manda combien il y avait de navires dans le convoi dont je faisais partie et quelle route il faisait.
Je lui répondis que je ne pouvais lui donner ces renseignements.
« Commandant, me dit-il, je m’y attendais, et à votre place, j’en aurais fait tout autant ; mais, regardez, je suis bien renseigné. »
En effet, sur la carte dépliée, je vis notre route tracée depuis le départ du canal de Bristol.
Il me raconta alors qu’il était parti de Kiel, avait passé au Nord de l’Angleterre où il avait failli être torpil-lé, et se rendait à Pola, sa base, où il devait arriver vers le 7 septembre.
« Si je vous ai aperçu, c’est grâce à la partie blanche du maquillage de votre coque, frappée par un rayon de lune. Mais je vous pourchassais depuis quelques heures, car votre officier de quart — M. Vesval, actuellement Commandant —, m’a donné du fil à retordre avec ses zigzags. A un certain moment, il est venu de 90°, le cap sur moi ; j’ai cru qu’il m’avait vu. J’ai dû plonger et refaire beaucoup de route en surface avant de vous avoir. Maintenant, vous êtes mon prisonnier. J’espère que vous ne serez pas longtemps seul. Vous serez traité comme l’équipage, avec qui vous mangerez, et, si vos contre-torpilleurs ne nous coulent pas, vous débarquerez à Pola dans une quinzaine de jours. »
Ayant réintégré ma place, dans le poste, j’entendis le bruit d’une bouteille de champagne que l’on débou-chait. Sans doute provenait-elle du Champlain !
Ce Commandant a toujours été très correct, et, à plusieurs reprises, a empêché son second de manquer de correction à mon égard.
Le matin et le soir, au moment où l’équipage, en partie sur le pont, s’y attendait le moins, on faisait l’e-xercice de plongée.
Le Commandant m’ayant laissé le peu d’argent que j’avais, ainsi que ma montre-bracelet, je pus constater que, du moment où j’entendais l’ordre : « Tauch Statunen » (« Au poste de plongée ! ») à celui où le périscope était remonté, c’est-à-dire quand le sous-marin était invisible, il ne se passait pas plus de 35 secondes en moyenne ; j’entendais l’eau envahir les ballasts.
L’équipage, sur un ordre, se portait soit devant, soit derrière, jusqu’à ce que le navire soit bien balancé ; tout devenait silencieux, les moteurs électriques ne faisant aucun bruit.
Quand on remontait, le Commandant me faisait toujours rappeler de me boucher les oreilles pour remédier aux variations de pression.
Le lendemain de ma capture, au soir, je fus autorisé à prendre l’air sur le pont. C’était une belle nuit claire de fin Août. Rien en vue.
L’antenne de T.S.F. était dressée et, à la tête que fit le Commandant quand on lui apporta le commu-niqué, je pensais que les alliés continuaient d’avancer rapidement.
Dans le kiosque, trois hommes se partageaient la veille, chacun scrutant un tiers de l’horizon avec des ju-melles à prismes lestées et protégées de telle manière qu’en plongeant, elles restaient sur place. On ne s’en occupait pas. En revenant en surface, les hommes les essuyaient avec un chiffon et du papier de soie.
« Ne croyez pas surtout, me dit le Commandant, qu’en cas d’alerte je vous laisserai sur le pont. Vous descendrez le premier ; je veux prouver que nous ne sommes pas si cruels qu’on le dit ! »
Lui, certainement non, mais d’autres l’avaient été, cruels et sauvages.
Pendant trois jours, le sous-marin guetta les convois à l’ouvert du détroit de Gibraltar : de Saint-Vincent à la Côte d’Afrique.
Plusieurs fois, j’entendis le : « Au poste de plongée ! ». Je vis tout l’équipage, retenant son souffle, prêt à lancer la torpille, mais durant les 17 jours que je passai à bord, il n’en fut pas lancé une seule.
C’est qu’à ce moment, les Allemands avaient une peur terrible des contre-torpilleurs, des avions et des bombes à éclatement sous l’eau dont il avaient muni les navires de commerce.
J’entendais soudain un ordre du Commandant : « Trop près ! Plongez à 15 mètres et stop ! », ou « Plongez ! Un contre-torpilleur arrive sur nous. », ou « Le navire de queue du convoi nous a vus. Vite ! plongez à 20 mètres. »
Le deuxième jour, en traversant le poste, le Commandant me dit que des sous-marins ennemis étaient signalés dans les parages, qu’il allait zigzaguer et qu’il essaierait d’entrer en Méditerranée le lendemain.
En effet, le lendemain, vers 21 heures, par une brume intense, nous franchîmes le détroit en surface, les moteurs à toute puissance, et ne plongeâmes qu’au moment où la brume se levant, les projecteurs de Gibraltar balayèrent le détroit. Je n’ai rien oublié de mon séjour à bord de ce sous-marin, mais je frémis encore quand je pense à cette terrible nuit.
En effet, à peine avions-nous disparu de la surface que le navire piqua tout d’un coup. Tout le monde était affolé ; les objets, en tombant, faisait un bruit infernal ; les ordres succédaient aux ordres. Le chef méca-nicien annonçait avec terreur les chiffres du manomètre de profondeur et un Alsacien, qui se trouvait parmi l’équipage, se fit connaître en me disant : « Nous sommes fichus. ». Les parois du sous-marin cra-quaient et l’eau filtrait un peu partout.
Enfin, j’entendis un coup de masse dans la chambre de manœuvre. Il y eut une secousse effroyable et nous remontâmes comme un bouchon.
Au risque de se faire couler par un patrouilleur, tout l’équipage sauta sur le pont. J’entendis une discus-sion orageuse et ce n’est qu’au bout d’une heure environ que le calme revint.
Le Commandant me dit : « Nous l’avons échappé belle. Une soupape était coincée. Quand on a réussi à la manœuvrer, nous étions à 80 mètres. Quelques secondes de plus, j’allais nous faire sauter pour ne pas souffrir. Vous n’avez pas de chance, car si un patrouilleur avait été là, j’étais obligé de me rendre. Mon équipage ne voulait plus descendre, mais maintenant ils sont redevenus raisonnables. »
Sur ce, il me quitta, versa un verre de rhum à tout le monde ; la soupape fut vite réparée et la croisière en Méditerranée commença, pas plus fructueuse d’ailleurs, car aucune torpille ne fut lancée.
Ce fut d’abord entre les Baléares et l’Algérie, où de nombreux convois furent aperçus, mais il manquait toujours quelque chose pour que l’attaque fut possible. Un après-midi, nous étions en surface. Une petite voile apparut à l’horizon. Elle devait être attendue, car le Commandant donna des ordres pour l’appro-cher. Quand nous fûmes à environ un mille, le sous-marin braqua son canon dessus et commença à tourner autour en s’en rapprochant peu à peu, jusqu’à ce que, dans ses jumelles, le mot de passe, inscrit sur une planchette, put être reconnu.
Le Commandant me fit descendre pour que je n’assiste pas à l’entrevue, mais comme l’équipage mangeait et m’offrait même beaucoup d’oranges, je supposai que c’était un espagnol qui les avait ravitaillé.
Quelques jours après, un dimanche midi, le canot fut mis à la mer et les marins capturèrent une tortue que le cuisinier arrangea convenablement.
Tout à coup, un convoi fut aperçu à l’horizon, vers la côte d’Algérie. Le Commandant avait l’intention de l’attaquer, mais la vigie signala une saucisse et le télégraphiste remit au Commandant un radio de cette saucisse signalant notre position au convoi. Nous aperçûmes distinctement les contre-torpilleurs changer leur route et foncer sur nous.
Alors tortue et canot sont rentrés en vitesse, et, plongeant à 20 mètres, nous nous y tenons jusqu’à la nuit.
« Vos ballons veillent bien, me dit le Commandant. C’est bien notre position qui a été donnée, mais à cette profondeur, je ne crains pas les bombes. »
Les journées qui suivirent se passèrent sans incident. La croisière au Sud de l’Italie ne donna pas plus de résultats, et, les radios reçus de Pola, enjoignant au Commandant de rentrer à sa base, il commença à songer au moyen d’exécuter cet ordre.
Il savait que le canal de Malte était miné, mais manquait de renseignements exacts sur la position des mines. Il ne savait trop quelle route suivre, quant un navire-hôpital fut signalé, faisant de l’Est. Immé-diatement, il se met en plongée, laisse passer le navire et le suit jusqu’en dehors de la zone minée.
Le lendemain, 3 septembre, je crois, le Commandant me dit : « Il faut que nous passions le canal d’Otrante demain 4. C’est notre dernier risque, mais il est gros. Il y a des patrouilleurs nombreux, des mines suspendues et des filets qui descendent à 30 mètres. Il y a aussi des avions. Il ne faut pas compter passer de nuit en surface. Nous passerons de jour à 40 mètres de profondeur. » Ce qui fut fait.
Le 4, à 5 heures du matin, nous descendîmes à 40 mètres et fîmes route toute la journée à la vitesse de 5 nœuds à cette profondeur, jusqu’à 7 heures du soir, c’est-à-dire pendant 14 heures. L’air était purifié par un procédé chimique dont j’ignore le principe.
Pendant cette journée, où les moteurs électriques ne stoppèrent pas, le personnel machine visita les moteurs Diesel, faisant le quart de 6 en 6 sans arrêt, vie qu’ils menaient depuis leur départ de Kiel, soit 31 jours.
Ces hommes me donnaient l’impression d’être très fatigués, découragés ; la plupart étaient couverts de boue sale, car il n’y avait que de l’eau salée pour se laver avec un produit spécial.
Cependant, la nourriture était abondante, faite de bonnes conserves, de chocolat à l’eau et de thé à dis-crétion, avec du bon pain conservé en boîtes en fer blanc. Si les prisonniers en Allemagne avaient eu la nourriture que j’avais sur le sous-marin, il n’en serait pas mort autant.
Au moment de remonter après ces 14 heures de plongée, le Commandant me demanda si je ne ressentais aucun malaise. Lui ayant répondu que « non », il me dit : « Pour deux de mes hommes et pour moi, il est temps, car nous avons quelque chose au cœur. »
A 7 heures du soir, nous voilà donc en surface, filant à toute vitesse vers le fond de l’Adriatique. L’équipage, tranquille désormais, chante en cœur sur le pont des airs d’un opéra, le Tode Stadt (La Ville Morte), et voit avec plaisir la fin de la campagne.
Le 5, nous fîmes escale à Cattaro, où tout le monde put se laver et se reposer.
Le 6, nous touchâmes à Spalato et le 7, après un échouage sans gravité d’une demi-heure, nous arrivâmes à Pola.
Au moment de l’accostage, le Commandant de la base, ignorant que je comprenais l’allemand, dit au Commandant du sous-marin : « Vous ne repartirez pas. La guerre est perdue pour nous ! » Les officiers firent une triste mine, mais combien l’équipage me paraissait heureux et ... moi aussi.
Deux heures plus tard, ce même Commandant de la base me faisait venir à son bureau où il m’attendait en sabots, les jambes croisées, fumant une cigarette. Il m’en offrit une et me dit en excellent français : « Eh bien, Commandant ? Qu’en dites-vous ? Y croyez-vous toujours aux Américains ? Quelle blague ! La guerre est bientôt terminée, mais pas comme vous le croyez. Je vais vous faire donner une cabine de 1re classe sur le paquebot Wien, où vous passerez la nuit, et demain, vous partirez par le train pour Karlsruhe, où vous accompagnera un soldat. »
« Vos Américains ! Vous me faites rire. Il n’y en a pas plus de 10.000 chez vous et on nous raconte qu’il en débarque 10.000 par jour ! ».
Ayant compris ce qu’il avait dit en allemand à l’arrivée du sous-marin, je ne pus m’empêcher de sourire.
Le 8 au matin, j’étais donc dans la salle d’attente de la gare, flanqué de mon garde du corps, lorsqu’il me sembla qu’un officier irrédent de service me faisait des signes. Quelques instants après, mon gardien s’ab-senta, et cet officier s’approchant me dit rapidement en français : « Ne vous désolez pas. Vous ne serez pas longtemps prisonnier. Il sont battus. Vous ont-ils donné assez de vivres ? Car il faut compter trois jours de voyage ». « Merci Monsieur, vous me faite bien plaisir ».
Au moment de monter en wagon, je reçus un colis de fruits, qui, à n’en pas douter, venait de cet officier.
De Pola, la voie monte à grande altitude, traversant un pays sauvage. Voyage monotone à côté de mon gardien qui, lui, abondamment pourvu, pouvait se permettre de manger sans arrêt. Enfin, lui ayant passé quelques fruits, il me donna du saucisson et ne tarda pas à s’apercevoir que je ne pourrais lui fausser com-pagnie.
A mesure que le voyage avançait, il devenait plus communicatif et j’allais bientôt savoir pourquoi.
La veille d’arriver à Munich, mon gardien me donna un bout de saucisson plus long et me demanda si cela me plairait, en attendant le train pour Karlsruhe, de faire une promenade dans Munich. Je fus étonné de cette proposition et lui fit comprendre qu’étant prisonnier, je craignais l’hostilité des gens et qu’on me prit pour un évadé.
Il me fit alors la confidence que sa fiancée était de Munich, mais que, ne pouvant abandonner son prisonnier, il ne pouvait la voir que si je consentais à l’accompagner. Je devinais l’astuce du soldat, me mis à rire et lui dit : « Je veux bien vous suivre si vous m’assurez que je n’aurai pas d’ennuis. » « Ia, ia, pas rien dire à Français à Munich. »
Aussitôt arrivé en gare, vers 8 heures du soir, je crois, accompagné de mon gardien, fusil sur l’épaule, je montai dans un tramway. Après quoi, dans une petite rue, il frappa à une porte avec la crosse de son fusil.
Une jeune femme blonde, pas laide ma foi, vint ouvrir toute réjouie. Le soldat l’embrassa, ô combien ! me fit entrer dans la cuisine, où il m’enferma avec un pichet de bière et quelques sandwichs... et disparut.
Au bout de 2 heures — juste le temps nécessaire pour ne pas manquer le train — et après que j’eus en-tendu un remue-ménage de toutes sortes d’ustensiles, mon gardien vint me chercher ; après qu’il eut serré sa fiancée dans ses bras, tous deux rouges comme des coquelicots, il me fit reprendre le tramway et le train. Personne n’avait fait attention à moi.
Avant de monter dans le wagon, je dus passer devant la Kommandantur allemande dont le bureau était installé en gare. Dans ce bureau était une carte des opérations signalant l’avance et le recul des belligé-rants. Quelle ne fut pas ma joie en constatant le recul important que les Allemands avaient subi depuis 20 jours. Mais aussi, quelle fureur dans les yeux de l’officier allemand auquel mon sourire n’avait pas échap-pé.
A mon arrivée à Karlsruhe, je fus enfermé pendant 15 jours, seul, dans une chambre de l’hôtel Europa, sans voir personne, ne sortant que pour nécessités et accompagné. Puis, le seizième jour, je fus transféré dans une grande salle avec une dizaine de prisonniers fraîche-ment cueillis et sortant, eux aussi, d’une chambre isolée.
Les Allemands avaient muni cette salle de microphones et escomptaient que, privés de causer depuis longtemps, lorsque nous nous trouverions ensemble, nous révélerions des choses intéressantes pour eux. Mais, à peine étions nous réunis, que l’un des dix mettait le doigt sur sa bouche et les Allemands en étaient pour leurs frais.
Quelques jours plus tard, nous fûmes renvoyés dans le camps des prisonniers, puis quand les Allemands reculèrent précipitamment, transférés à Torgau. Là, j’y rencontrai mon collègue et ami Lenormand (*), qui, par la bonne nourriture dont il me fit profiter, me sauva la santé, sinon la vie.
Ma famille et la Compagnie des Chargeurs réunis m’avaient bien envoyé des colis, mais il fallait un tel délai pour les recevoir, surtout au recul des Allemands, que, pendant mes 4 mois de prisonnier, je n’en reçus qu’un seul de chaque expéditeur.
Nous ne fûmes évacués que le 24 décembre 1918. Lenormand rentra au Havre et moi à Cherbourg, tous deux via Hambourg et voie de mer.

_________________________________________________________________________________________

(

vétéran
vétéran

 
Messages: 4179
Inscription: 21 Aoû 2011, 14:41
Région: Litus saxonicum
Pays: Grande Bourgogne

Voir le Blog de Alfred : cliquez ici


Re: La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau message Post Numéro: 8  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 14 Oct 2023, 16:40

Grand merci pour le témoignage Alfred.
L'Union fait la force -- Eendracht maakt macht

Image
http://www.freebelgians.be

Administrateur d'Honneur
Administrateur d'Honneur

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 99396
Inscription: 02 Fév 2003, 21:09
Localisation: Braine le Comte - Belgique
Région: Hainaut
Pays: Belgique

Voir le Blog de Prosper Vandenbroucke : cliquez ici


Re: La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau message Post Numéro: 9  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 14 Oct 2023, 16:51

alfa1965 a écrit:Merci Alain pour ce post très instructif. L'U1 commandé par le Kapitanleutnant Kurt Freiwald constitue la première unité de la flottille de sous-marins appelée Weddigen commandée par Dönitz.

Bravo alfa 1965; pour ceux qui l'ignoreraient Otto Weddigen est un sous marinier célébre pour avoir coulé le 22 septembre 1914 en moins d'une demi-heure trois croiseur-cuirassés britanniques les Aboukir; Hogue et Cressy ; un bel exemple pour la première flottille de sous marins de la nouvelle marine allemande.
Cordialement

Alain

modérateur
modérateur

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 3334
Inscription: 05 Mar 2018, 17:27
Région: MENTON PACA 06
Pays: FRANCE

Voir le Blog de NIALA : cliquez ici


Re: La genese des sous marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau message Post Numéro: 10  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 14 Oct 2023, 17:08

Bonjour Alain,
Pour Weddingen je suis d'accord, mais concernant Freiwald je n'ai rien vu en ce qui concerne un commandement d'un U-1 ?
https://uboat.net/men/commanders/316.html
L'Union fait la force -- Eendracht maakt macht

Image
http://www.freebelgians.be

Administrateur d'Honneur
Administrateur d'Honneur

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 99396
Inscription: 02 Fév 2003, 21:09
Localisation: Braine le Comte - Belgique
Région: Hainaut
Pays: Belgique

Voir le Blog de Prosper Vandenbroucke : cliquez ici


Suivante

Connexion  •  M’enregistrer

Retourner vers LA MARINE DE GUERRE




  • SUR LE MEME THEME DANS LE FORUM ...
    Réponses
    Vus
    Dernier message
 
  ► Les 10 Derniers Posts du jour Date Auteur
    dans:  Quiz suite - 7 
il y a 3 minutes
par: coyote 
    dans:  Les Feux de la rampe 2.0 : La guerre en Indochine, 1 er septembre 1939/14 septembre 1956. 
il y a 11 minutes
par: iffig 
    dans:  Les Feux de la rampe 2.0 : Épaves de guerre (1936-1945) 
Hier, 23:09
par: dynamo 
    dans:  Je recherche une histoire sur un membre de la résistance française. 
Hier, 21:07
par: Prosper Vandenbroucke 
    dans:  les miliciens 
Hier, 18:52
par: iffig 
    dans:  otre avis sur la tendance de la création de bunkers personnalisés dans les domiciles 
Hier, 18:31
par: Patrick.Fleuridas 
    dans:  Moteurs d'aviation soviétiques 
Hier, 18:27
par: Marc_91 
    dans:  Werhmacht 1940. La Heer et ses uniformes. 
Hier, 17:36
par: Clauster 
    dans:  7 nains au destin incroyable. 
Hier, 15:11
par: Cendre de Lune 
    dans:  Uniformes de l'Armée hongroise 
Hier, 14:23
par: iffig 

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 221 invités


Scroll