Peu connu par les amateurs d'histoire et tombé dans l'oubli de la mémoire collective, le camp 325 RAWA RUSKA (surnommé par Churchill "Le camp de la mort lente) a accueilli à partir de 1942 des prisonniers de guerre français dont le point commun est au moins une évasion d'un Stalag.
Voici un historique détaille de Rawa Ruska, ou les conditions de vie n'avaient rien à envier aux camps du "triangle de la mort" à l'intérieur duquel il se trouvait :
DES FRANCAIS A RAWA RUSKA : POURQUOI ?
Il convient de se remémorer la déclaration faite par le Général de Gaulle, le 28 juin 1940, annonçant la formation d'une force française terrestre, aérienne et navale, concourant d'abord à toute résistance française où que ce soit, dans l'Empire Français. Tous les militaires français de terre, de mer et de l'air étaient invités à s'y joindre, tous les jeunes gens et tous les hommes en âge de porter les armes étaient invités à s'y enrôler.
Cet appel soulignait encore que "tous les officiers, soldats, marins, aviateurs, français où qu'ils se trouvent, ont le devoir de résister à l'ennemi".
Répondant à l'Appel du Général de Gaulle, Chef de la France Libre, parvenu jusque dans les stalags et kommandos, informés enfin d'une lutte entreprise par des mouvements de Résistance, de nombreux prisonniers de guerre français s'évadèrent. Ils n'hésitèrent pas à prendre des risques sur le territoire même de l'ennemi.
En mars 1942, un avis était apposé dans les stalags, d'après lequel, et suivant un ordre de l'O.K.W. de Berlin, en date du 21 mars 1942, des mesures étaient prises contre les prisonniers français et belges évadés récidivistes et coupables de sabotages ou de refus de travail réitérés.
"Ces prisonniers seront transférés dans le Gouvernement Général, à Rawa-Ruska, au nord-ouest de Lemberg. Malgré cette menace, des prisonniers de guerre français n'hésitèrent pas : ils récidivèrent dans l'évasion, le refus de travail, s'exposant délibérément à la déportation à Rawa-Ruska.
Les tièdes s'abstinrent. Les seuls désirant reprendre le combat s'acharnèrent. Sur plus de 1 500 000 prisonniers de guerre français qui furent internés en Allemagne, 24 à 25 000 furent dirigés sur Rawa-Ruska et ses sous-camps.
Rawa-Ruska, camp 325, retenu par l'ennemi pour son extrême éloignement de la France, l'était aussi par le fait qu'il était situé sur un territoire soustrait aux garanties de la Convention de Genève.
Le camp de Rawa-Ruska était situé en ukraine dans une vaste zone d'extermination, à 19 kilomètres de Belzec, à proximité de Lublin-Majdanek, Tréblinka, Sobibor, Chelmno, etc. (en Pologne) et les camps d'extermination implantés sur le territoire russe.
Les S.S. et leurs acolytes S.S. ukrainiens pouvaient se livrer à toutes les exactions, et ne manquaient pas d'en abuser (cf. comptes rendus des différents procès des criminels de guerre).
Le Général Rudenko a déclaré au procès de Nuremberg, que les troupes russes furent horrifiées lorsqu'elles délivrèrent cette contrée en remarquant avec quelle cruauté, quel sadisme, les S.S. avaient agi contre des êtres humains.
CONDITIONS DE VIE
Il faut encore souligner que Rawa-Ruska, situé dans une région à climat continental, très froid et très long (5 mois de gel de - 20° à -30°), et très chaud l'été, est environné de marécages et de tourbières infestés de moustiques. Typhus, typhoïde, diphtérie, dysenterie bascillaire, diarrhée cholériforme, y régnaient de façon endémique.
Au 325 (Rawa-Ruska créé en juin 1941), 18 à 20 000 prisonniers russes périrent, dans des conditions épouvantables, durant les cinq premiers mois. Un second contingent de 4 000 précéda les Français de quatre mois : il ne devait en survivre que 400 !
Or, les prisonniers français ont pris la "succession" des prisonniers russes, dans les mêmes conditions !
Dès octobre 1939, les nazis avaient établi, sur le territoire de la Pologne, du "General Gouvernement", un vaste système de camps de concentration dont la plupart furent appelés, par les Allemands eux-mêmes, des "Vernichtungslager" (camp d'extermination) : Lublin-Majdanek, Chelmno, Auschwitz-Birkenau, Sobibor, Tréblinka, Belzec, Bialo-Podliaska, etc.
Ce "General Gouvernement" était placé sous les ordres d'un gouverneur général, le Docteur Frank, qui a déclaré au procès de Nuremberg "que toute cette région devait être considérée comme un camp d'extermination" !
Cette zone était divisée en plusieurs districts : Varsovie, Cracovie, Radom, Lublin...
Les responsables de ces districts étaient maîtres absolus dans leur ressort et n'avaient à rendre compte qu'au Docteur Frank. Celui-ci était le représentant direct du Führer. En sa personne, s'incarnait la compétence de tous les ministres du Reich (cf. article paru dans le journal "Krakauer Zeitung" du 20.10.41, du Dr Sperl). Il exerçait, entre autres, sous le contrôle du Maréchal Goering, les fonctions de Commissaire de la Défense impériale, et sous le contrôle du Reichführer des S.S. Himmler, les fonctions de Chef de la S.S. et de la Police.
Dans le courant de 1942, le district de Galicie, sur le territoire duquel se trouvait Rawa-Ruska, a été rattaché au "General Gouvernement". Mais les Allemands y avaient établi auparavant un immense "Judenkreiss", zone d'extermination des Juifs, Etat à part, bien limité, particulièrement surveillé.
Rappelons que Hitler avait décidé d'appliquer aux Juifs la "solution finale" c'est-à-dire l'extermination. Le 20 janvier 1942, la conférence de Wannsee définit les modalités d'application de la "solution finale de la question juive" (Endlösung der Judenfrage) pour toute l'Europe. Des millions de femmes, d'enfants et d'hommes raflés et internés dans tous les pays occupés seront transférés vers des camps d'extermination : Auschwitz II (Birkenau), Belzec, Maidanek, Kulmhof (Chelmno), Sobibor, Treblinka.
A l'arrivée des Français à Rawa-Ruska, la localité comptait encore 9 000 habitants. En janvier 1943, il n'en restait plus que 3 000 ! A Lemberg (Lwow), le tiers de la population a été massacré. Dans la province, près de 700 000 personnes, hommes, femmes, enfants, ont été exterminées.
Il n'est pas douteux que cette situation, que cette atmosphère, aient profondément atteint le psychique de tous ceux qui ont vécu dans cette région et qu'ils en aient été profondément "choqués". Rawa-Ruska se trouvait dans une zone entièrement contrôlée par la R.S.H.A. (Reichssicherheitshauptamt - Office Central de la Sécurité du Reich).
Du 13 avril 1942 au 19 janvier 1943, le Stalag 325 fut transféré du camp de Rawa-Ruska, qui fut alors abandonné, à la citadelle de Lemberg (Lwow). Du 20 janvier 1943 au 19 février 1944, il fut transféré à Stryj, ancien sous-camp de Rawa-Ruska. En juin 1944, le Stalag 325 était dissous et les effectifs restants (peu nombreux), transférés au Stalag 1 A de Königsberg (aujourd'hui Kaliningrad)..
Après leur libération par l'armée rouge, les détenus Français seront retenus par les soviétiques et ne rentreront dans leur pays qu'en juillet 1945. les 18000 prisonniers de guerre qui les ont précédés à Rawa Ruska connaitront un autre sort : on découvrira leurs corps dans deux immenses charniers, à quelques kilomètres du camp. Les conditions de survie furent telles que des scènes de cannibalisme entre prisonniers soviétiques furent constatées à plusieurs reprises
source :
http://rawa-ruska.net/rawa01.htm
A consulter aussi : le livre de Paul Chevalier, ancien déporté à Rawa Ruska - LES CHEMINS QUI MENAIENT A RAWA RUSKA, La société des écrivains, 2000 - ISBN 2.84434.363.5
Je travaille actuellement à un article consacré à un ancien déporté du camp 325, lequel sera publié en milieu d'année. Les conditions de vie des prisonniers français et les sévices dont ils furent les victimes y seront largement abordés, ainsi que l'organisation des amicales clandestines, des mouvements de solidarité.