Nicolas Bernard a écrit:Si les Allemands ont pu assassiner 25 % des Juifs de France, c'est en immense partie grâce au régime de Vichy.
Votre thèse serait d'autant plus convaincante que la proportion de Juifs tués par les Allemands était inférieure à 25 % dans les pays voisins de la France, notamment la Belgique et la Hollande. Or, ce n'est pas le cas, et vous le savez très bien, n'est-ce pas ?
Nicolas Bernard a écrit:Par ailleurs, vous alléguez que "si un grand nombre de Juifs ont échappé à la déportation, c'est grâce à Vichy": or donc, à vous suivre, le régime de Vichy s'est efforcé d'aider, de financer, d'abriter, de cacher, de nourrir, d'évacuer les Juifs de France?
Il existe différentes façons de permettre aux Juifs d'échapper à la mort. Je n'ai pas dit que les Juifs étaient nourris et abrités par Vichy.
Comme vous le dites, j'ai allégué que
"si un grand nombre de Juifs ont échappé à la déportation, c'est grâce à Vichy". Cette allégation résulte d'un raisonnement que j'ai emprunté à l'historien Michel après avoir lu son livre.
Nicolas Bernard a écrit:Comme le note Heinz Röthke, le 15 août 1943: "Il faut constater que le gouvernement français ne veut plus marcher avec nous en ce qui concerne la question juive". "Ne veut plus": c'est bien la preuve que, jusque là, Vichy avait collaboré.
Rien de nouveau, on a déjà parlé de ça sur le fil, dans le courant de l'année 2016. On a parlé de Heinz Röthke.
Vichy a-t-il collaboré ? On a déjà parlé de ça. On a évoqué le mot "collaboration" et le mot "paradoxe". Je rappelle le titre du bouquin de Michel : "Vichy et la Shoah. Enquête sur le paradoxe français".
Vichy a-t-il collaboré ? J'en parle également ce samedi dans le message n° 373. La collaboration prend la forme d'un accord acceptant les arrestations de Juifs apatrides et excluant les Juifs français de ces opérations. Le 4 juillet 1942 Laval et Bousquet entérinent cet accord.
Nicolas Bernard a écrit:Laval, le 2 septembre 1942, "confirma, une fois de plus que, conformément aux accords conclus, on livrerait d'abord les Juifs ayant perdu leur nationalité allemande, autrichienne, tchèque, polonaise, et hongroise, puis également les Juifs de nationalité belge et hollandaise"
Je prends connaissance de ce fait. Si j'en crois ce que vous dites, il y a écrit dans la missive de Laval : "conformément aux accords conclus". Pouvez-vous m'expliquer en quoi cela vous semble contredire ce que j'ai écrit précédemment (n° 373) ? Il me semble avoir évoqué cet accord entériné par Laval le 4 juillet 1942. Me suis-je mal expliqué ?
C'est vous même qui dites que le message de Laval est datée du 2 sept 1942. Cette date n'est-elle pas à l'intérieure de la période juillet 42 - août 43 ?
Nicolas Bernard a écrit:En toute hypothèse, votre "raisonnement" pèche sur un point majeur: vous oubliez carrément que, de 1942 à 1943, les statistiques de la déportation connaissent une baisse sensible: si près de 42.000 Juifs en 1942, ces chiffres baissent à dix-sept mille en 1943 et seize mille en 1944. Bref, l'accroissement de la proportion des Juifs français dans les convois est à apprécier au regard de la baisse importante des statistiques de la déportation d'une année à l'autre. Une telle baisse est surtout imputable à la population française
L'année 1942, c'est l'an I de la déportation. L'année 1943, c'est l'an II. Je suppose que la déportation est "naturellement" plus abondante la première année. La
"baisse importante des statistiques de la déportation d'une année à l'autre" est-elle une spécificité française ? Il serait souhaitable de vérifier le phénomène en Belgique et en Hollande.
Evitons les conclusions hatives. Il est trop tôt pour écarter le "raisonnement" de Michel, à savoir que le sort des Juifs français bascule, et que leur proportion dans les convois de déportation devient beaucoup plus importante, après l'abandon de l'accord Oberg-Bousquet par les Allemands. Comme le dit Michel cet abandon résulte du refus de Vichy de procéder aux dénaturalisations.
Dans le courant de l'année 2016, on a déjà évoqué, sur ce fil, l'indignation des Allemands quand Vichy a renoncé à procéder aux dénaturalisations.
Nicolas Bernard a écrit:Une telle baisse est surtout imputable à la population française: parce qu'elle proteste, ce qui conduit Vichy à retirer progressivement aux Allemands l'appui de la police française, et parce qu'elle aide les Juifs en cavale (à l'inverse de l'Etat, qui ne bouge pas le petit doigt)
Faut-il opposer l'action de sauvetage des Juifs par la population à l'action du gouvernement français ? Selon Michel (2012, p. 337) il ne faut pas raisonner ainsi car
« il n'y a pas coupure totale entre d'une part le sauvetage et d'autre part l'action de Vichy.»Je pense que Michel partage ma conviction que l'action de la population, si elle avait été le seul facteur de protection des Juifs, n'aurait pas permis à soixante-quinze pour cent des personnes visées d'échapper à la mort. La proportion aurait été moindre. Encore une fois, j'insiste sur la nécessité de songer au sort subi par les Juifs en Belgique et en Hollande.