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Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

De l'opération T4 à la solution finale, la dictature nazie atteint un degré d'horreur jamais atteint dans l'histoire moderne. Juifs, homosexuels, communistes, dissidents, Tziganes, handicapés sont euthanasiés, déportés, soumis à des expériences médicales.
MODÉRATEUR : Gherla, Frontovik 14

Re: Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

Nouveau message Post Numéro: 361  Nouveau message de alainmichel  Nouveau message 23 Fév 2017, 09:24

Cher Nicolas Bernard, le principe de citer des citations tronquées est toujours problématique. Voici le texte dans son intégralité :

"Quel a été, en France, le rôle de Vichy?

Essentiel. Les Allemands ont procédé avec beaucoup de finesse pour gouverner un pays de cette taille. Il fallait une armée de législateurs, de magistrats, de gestionnaires, de techniciens... Ils ne l'avaient pas. Il fallait donc que la France les aide aussi bien dans la zone occupée que dans celle dite 'libre'. Ils avaient besoin d'une administration apte à exercer au quotidien la coercition d'Etat dans un cadre légal. Ils avaient besoin de l'industrie, des chefs d'entreprise et de leurs gestionnaires. Ils avaient besoin des travailleurs français pour compenser le manque de travailleurs en Allemagne. En échange de quelques concessions de forme, Vichy a répondu à cette nécessité. En ce qui concerne les juifs, Vichy a considéré que la France, pays occupé, n'avait pas à se maintenir terre d'asile pour des 'non nationaux'. Or, une large part des juifs de France étaient des juifs d'origine étrangère. Vichy a donc été, dès le début, tout disposé à livrer ces juifs à l'Allemagne - enfants compris. Nés en France, exclusivement francophones, mais issus de parents étrangers, ils n'étaient 'pas vraiment français'. Sur 300.000 juifs de France, 75.000, aux deux tiers d'origine étrangère, ont été tués. Vichy a souvent fait plus que les Allemands pour capturer des juifs, étrangers ou citoyens français."

Petite analyse de texte :
1) Sur Vichy en général, Hilberg reprend Paxton et d'autres approches du même type, ça manque à mon avis de nuance mais ce n'est pas notre sujet ici.
2) Ensuite on passe à la question juive, et aussitôt Hilberg se détache complètement de l'approche de Paxton et consorts, puisqu'il écrit noir sur blanc que Vichy n'était prêt à livrer que les Juifs étrangers dont il voulait se débarrasser, ce qui va exactement dans le même sens que ce que j'affirme.
3) Ensuite il précise, avec juste raison, que pour Vichy, les enfants de Juifs étrangers, bien que Français sur le plan légal, ont été considérés par Vichy comme étrangers et livrés avec leurs parents. Là aussi cela va dans le sens de ce que je soutiens puisque j'ai toujours affirmé que pour comprendre la statistique, il fallait mettre les enfants français de Juifs étrangers du même côté que les Juifs étrangers, ce qui réduit encore plus la proportion de Juifs français déportés (un tiers de ceux-ci sont composés des enfants de Juifs étrangers).
4) Enfin en conclusion il parle du zèle de Vichy dans l'arrestation des Juifs étrangers et de leurs enfants français (la dernière phrase n'a autrement aucun sens puisqu'il n'a rien dit auparavant d'éventuelles arrestations de citoyens français qui n'auraient pas été des enfants de Juifs étrangers).
5) Tout ceci montre à quel point faire de l'histoire idéologique peut aveugler même les meilleurs des historiens. Parce que vous cherchez avant tout à montrer que l'antisémitisme de Vichy était autant sinon plus génocidaire et globalisant que celui des nazis, vous vous focalisez sur la dernière phrase, au lieu de reprendre le texte depuis son origine pour comprendre le raisonnement d'Hilberg et ses propos. Mais serez-vous prêt à admettre qu'en l'occurrence vous avez péché dans votre interprétation par enthousiasme de prouver absolument la justesse de votre analyse?


 

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Re: Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

Nouveau message Post Numéro: 362  Nouveau message de Nicolas Bernard  Nouveau message 23 Fév 2017, 11:48

alainmichel a écrit:Cher Nicolas Bernard, le principe de citer des citations tronquées est toujours problématique.


Diffamer un contradicteur me semble tout aussi problématique, vous savez. D'autant que je renvoyais à la totalité de l'entretien avec Hilberg, permettant au lecteur de se faire une idée de la situation.


Voici le texte dans son intégralité :

"Quel a été, en France, le rôle de Vichy?

Essentiel. Les Allemands ont procédé avec beaucoup de finesse pour gouverner un pays de cette taille. Il fallait une armée de législateurs, de magistrats, de gestionnaires, de techniciens... Ils ne l'avaient pas. Il fallait donc que la France les aide aussi bien dans la zone occupée que dans celle dite 'libre'. Ils avaient besoin d'une administration apte à exercer au quotidien la coercition d'Etat dans un cadre légal. Ils avaient besoin de l'industrie, des chefs d'entreprise et de leurs gestionnaires. Ils avaient besoin des travailleurs français pour compenser le manque de travailleurs en Allemagne. En échange de quelques concessions de forme, Vichy a répondu à cette nécessité. En ce qui concerne les juifs, Vichy a considéré que la France, pays occupé, n'avait pas à se maintenir terre d'asile pour des 'non nationaux'. Or, une large part des juifs de France étaient des juifs d'origine étrangère. Vichy a donc été, dès le début, tout disposé à livrer ces juifs à l'Allemagne - enfants compris. Nés en France, exclusivement francophones, mais issus de parents étrangers, ils n'étaient 'pas vraiment français'. Sur 300.000 juifs de France, 75.000, aux deux tiers d'origine étrangère, ont été tués. Vichy a souvent fait plus que les Allemands pour capturer des juifs, étrangers ou citoyens français."

Petite analyse de texte :
1) Sur Vichy en général, Hilberg reprend Paxton et d'autres approches du même type, ça manque à mon avis de nuance mais ce n'est pas notre sujet ici.


Ce qui ne vous empêche pas de vous livrer à une "petite analyse du texte", mais peu importe... ::mortderire::

Cela dit, la circonstance que Hilberg adopte une lecture "paxtonienne" des événements devrait vous mettre la puce à l'oreille sur ses prises de position. Lesquelles, en effet, ont évolué. Ce qui devrait vous interdire d'utiliser ses travaux à tort et à travers.



2) Ensuite on passe à la question juive, et aussitôt Hilberg se détache complètement de l'approche de Paxton et consorts, puisqu'il écrit noir sur blanc que Vichy n'était prêt à livrer que les Juifs étrangers dont il voulait se débarrasser, ce qui va exactement dans le même sens que ce que j'affirme.


Pas vraiment. Vous écrivez que Vichy a cherché à protéger les Juifs français. Or Hilberg lui-même vous dément: "Vichy a souvent fait plus que les Allemands pour capturer des juifs, étrangers ou citoyens français."

En toute hypothèse, vous avez repris, à l'instar de moult thuriféraires vichystes et autres candides, des analyses dépassées et incohérentes de Hilberg sans chercher à les remettre en perspective, mais pour en faire un argument d'autorité à l'encontre de Paxton et consorts (la fameuse "doxa"...). Alors que les positions de Hilberg n'ont précisément rien de figé.



3) Ensuite il précise, avec juste raison, que pour Vichy, les enfants de Juifs étrangers, bien que Français sur le plan légal, ont été considérés par Vichy comme étrangers et livrés avec leurs parents. Là aussi cela va dans le sens de ce que je soutiens puisque j'ai toujours affirmé que pour comprendre la statistique, il fallait mettre les enfants français de Juifs étrangers du même côté que les Juifs étrangers, ce qui réduit encore plus la proportion de Juifs français déportés (un tiers de ceux-ci sont composés des enfants de Juifs étrangers).
4) Enfin en conclusion il parle du zèle de Vichy dans l'arrestation des Juifs étrangers et de leurs enfants français (la dernière phrase n'a autrement aucun sens puisqu'il n'a rien dit auparavant d'éventuelles arrestations de citoyens français qui n'auraient pas été des enfants de Juifs étrangers).


Hilberg ne parle pas d'enfants français de Juifs étrangers, mais de "citoyens français". La formule est beaucoup plus générale que vous ne le déduisez.

En revanche, votre remarque consistant à "mettre les enfants français de Juifs étrangers du même côté que les Juifs étrangers, ce qui réduit encore plus la proportion de Juifs français déportés" est intéressante, dans la mesure où elle ruine encore davantage l'assertion selon laquelle Vichy a cherché à sauvegarder les Juifs français. On est ainsi en présence d'un gouvernement qui pousse si loin sa logique xénophobe et opportuniste (ne point heurter de front son opinion publique, réputée elle-même xénophobe) qu'il sombre dans la plus abjecte des tartuferies: puisque les enfants, nés sur le sol français, donc français, de Juifs étrangers, sont de tout de même sang étranger, les dirigeants vichystes n'ont pas de scrupule à s'en débarrasser. Bref, ils cherchent moins à protéger le principe de nationalité qu'à jouer sur les mots... et les destinées de chacun.



5) Tout ceci montre à quel point faire de l'histoire idéologique peut aveugler même les meilleurs des historiens. Parce que vous cherchez avant tout à montrer que l'antisémitisme de Vichy était autant sinon plus génocidaire et globalisant que celui des nazis, vous vous focalisez sur la dernière phrase, au lieu de reprendre le texte depuis son origine pour comprendre le raisonnement d'Hilberg et ses propos. Mais serez-vous prêt à admettre qu'en l'occurrence vous avez péché dans votre interprétation par enthousiasme de prouver absolument la justesse de votre analyse?


Moi, je prétends que "l'antisémitisme de Vichy était autant sinon plus génocidaire et globalisant que celui des nazis"? Si vous aviez fait l'effort de lire les articles auxquels je renvoie dans mes messages postés sur ce fil, vous vous seriez évité pareille déformation de mes analyses. Je vais donc recourir à l'auto-citation, mettons, par ex. et au hasard, d'un mien message publié le 22 décembre 2009:

En toute hypothèse, j'ai déjà écrit et répété que Vichy, tout antisémite qu'il est, tout soucieux d'exclure tous les Juifs - français et étrangers - de la société qu'il est (voir la législation antisémite de l'Etat français), tient compte de l'opinion publique, réputée plus défavorable aux Juifs étrangers, les "apatrides".

D'où une politique surtout destinée à donner le change auprès du peuple, et qui explique l'importance de l'enjeu des dénaturalisations, sur lesquelles réfléchissent les juristes de l'Etat français dès l'été 1940 : le régime tient tant à se poser en défenseur de la "préférence nationale" qu'il opère ce calcul médiocre consistant à transformer des ressortissants nationaux en ressortissants étrangers... Ce calcul ne sera abandonné qu'en juillet 1943, à l'annonce de la chute de Mussolini.

De plus, au printemps 1942, Vichy envisage de déporter en Afrique du Nord les Juifs étrangers de zone "libre". Autrement considéré, la xénophobie s'insinue dans l'antisémitisme d'Etat. Cette xénophobie sera également à l'origine des démarches vichystes tendant à ce que les premières déportations visent les Juifs étrangers. Cet empressement à se débarrasser des Juifs étrangers se manifeste dès la première rencontre entre Heydrich et Bousquet, en mai 1942. [...]

Vichy obtiendra par la suite, en échange de la coopération de la police française dans les rafles des deux zones, que ces rafles se limiteront d'abord aux Juifs étrangers, enfants inclus [...]

En d'autres termes :

1) Vichy est allé jusqu'au bout de sa promesse de rafler et livrer les Juifs étrangers, même lorsque l'opinion a protesté ;

2) Vichy n'était pas hostile à l'idée de rafler et déporter les Juifs français dans un avenir indéterminé, à la suite des opérations visant les Juifs étrangers, et ne fera machine arrière sur ce point qu'à la suite des protestations de l'opinion et des Eglises à l'encontre des rafles de Juifs étrangers, protestations qui mettront Laval dans une position plus qu'embarrassante vis-à-vis des Allemands en septembre 1942.


Par ailleurs, je reste dans l'attente de vos remarques sur ce même article. "Pour l'instant", "dans un premier temps", pas de commentaire? Les plans de Röthke pour rafler les Juifs français en septembre, pas de commentaire? Le départ d'un convoi de 1.000 hommes, femmes et enfants, dont 540 français de naissance, presque tous les autres étant naturalisés français, du camp de Pithiviers pour Auschwitz, le 21 septembre 1942, avec l'accord de la Préfecture de Police, pas de commentaire? La déportation de 540 autres Juifs français le 23 septembre 1942, à partir de Drancy, pas de commentaire? Ce ne sont pas des preuves que la phase n°2 (arrestation et déportation des Juifs français) avait reçu un commencement d'exécution, peut-être? Et que, dans ces conditions, les accords conclus entre Vichy et les Allemands ne visaient pas à "protéger" les Juifs français par livraison de Juifs étrangers (!) mais prévoyaient surtout un calendrier des déportations: Juifs étrangers d'abord, Juifs français ensuite?
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Re: Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

Nouveau message Post Numéro: 363  Nouveau message de alainmichel  Nouveau message 23 Fév 2017, 16:55

Je n'ai vraiment pas le temps de répondre point par point, aussi bien sur votre post que sur les références auxquelles vous renvoyez. Je le ferais peut être la semaine prochaine lorsque j'aurais plus de temps. Votre manière tant de citer que de monter les extrait dans le désordre et de manière souvent a-chronologique demand e en effet de passer beaucoup de temps pour remettre tout à l'endroit. Je me contenterai, pour l'instant, de trois remarques :
Quand Hilberg dit "Nés en France, exclusivement francophones, mais issus de parents étrangers, ils n'étaient 'pas vraiment français'." il est évident qu'il ne parle pas d'enfants d'étrangers qui seraient eux-même étrangers, autrement sa phrase serait totalement absurde : il est évident que des étrangers ne sont pas vraiment français. Hilberg, qui connait très bien son sujet, sait que la plupart des enfants d'étrangers étaient français, du fait de la loi qui à l'époque reconnaissait également le droit du sol et pas seulement le droit du sang. Donc il parle bien des enfants français enfants d'étrangers, contrairement à ce que vous pensez, car vous êtes obnubilé apparemment par la dernière phrase. De même je persiste et signe : dans ce texte, avant la dernière phrase, Hilberg ne parle absolument pas des Juifs français en général, et cette dernière phrase se rapporte donc au sujet qu'il vient d'aborder, le cas des enfants français de juifs étrangers (il ne faut pas oublier d'ailleurs que c'est un interview et non un texte écrit, et donc les expressions sont souvent moins précises, bien que l'ensemble reste cohérent). Toute autre interprétation me paraît être un viol du sens du texte.
Deuxième remarque : utiliser le terme "déportation" pour le projet de Darlan au printemps 1942 de déplacer en Afrique du Nord les Juifs étrangers de zone sud me parait abusif du fait du parallèle que le lecteur fait automatiquement avec les déportations allemandes. De plus, vous paraissez ignorer totalement que la xénophobie est liée à l'antisémitisme dès l'automne 1940. Pendant plus d'un an, Vichy cherche à se débarrasser des Juifs étrangers de zone sud qu'il considère comme un poids dans l'économie. Il envoie des négociateurs à la réunion du Comité international pour les réfugiés, début 1941 à St Domingue , il négocie parallèlement avec le gouvernement de Roosevelt pendant l'année 1941 (proposant même d'utiliser les avoirs français gelés aux Etats-Unis pour payer le coût du départ de ces juifs étrangers), et finalement, devant l'échec de ces tentatives, au printemps 1942 il envisage de les faire partir en Afrique du nord. C'est pourquoi Bousquet, en mai 1942, lorsqu'il comprend de Heydrich que les Allemands ont inversé leur politique et qu'au lieu d'expulser les Juifs vers l'extérieur (et notamment la France), ils les déplacent maintenant vers l'Est, Bousquet donc est très intéressé. On a enfin une solution pour faire partir ces Juifs étrangers de zone sud, C'est d'ailleurs ce que dira Laval à l'Ambassadeur des Etats-Unis en août 1942 et l'ambassadeur de France à Washington en septembre : pourquoi protestez-vous, on vous a proposé ces gens et vous n'en avez pas voulu, si vous voulez maintenant les prendre, on peut vous les envoyer! Bien entendu les Américains ne répondront rien, puisque comme souvent, ils sont prêts à donner des leçons de morale aux autres, mais sont incapables de mettre eux-même la main à la pâte, pour des questions de politique interne aux Etats-Unis (c'est déjà ce qui s'est passé à la conférence d'Evian en juillet 1938). Bref, on ne comprend rien à l'idée de Bousquet de transférer les Juifs étrangers du sud pour les donner aux Allemands sans replacer cette question dans le contexte d'un sujet qui obsède Vichy depuis presque deux ans (toutes les sources sont dans mon livre).
Troisièmement, en ce qui concerne le convoi 35 qui part de Pithiviers le 21 septembre, et que vous semblez agiter, excusez-moi de l'expression, comme un hochet pour soutenir votre approche, il est effectivement un convoi atypique. Mais, 1) le fait qu'il soit atypique vient confirmer le reste : dans les convois de déportation de juin 1942 à juin 1943 (avant intervention de Brunner dans la composition des convois, et avant la rupture de l'accord Bousquet-Oberg de juillet 1942 par les Allemands en août 1943) on compte : 75% de Juifs étrangers, 11% d'enfants français d'étrangers ou de juifs étrangers naturalisés français, 8% de Juifs français et 6% dont la nationalité est indéterminée. Dans cette période, les Juifs français semblent donc particulièrement protégés des déportations. Pourquoi? Pourquoi cela change-t-il brusquement en été 1943? Mon analyse est que le facteur principal est la protection de Vichy, concrétisée par l'accord de début juillet 1942. Si vous avez une meilleure explication qui s'adapte aux faits, je suis preneur. 2) Si vous lisez le commentaire de Klarsfeld dans le Mémorial, il explique que la majorité des Juifs français déportés dans le convoi n¨35 sont avant tout des enfants nés en France de Juifs étrangers. Encore une fois (et bien entendu je trouve cela scandaleux) Vichy, et notamment Bousquet et Laval, ont considéré que ces enfants d'étrangers devaient être vus comme des étrangers, exactement ce que dit de manière générale Hilberg. Mais ces quelques centaines d'enfants ne nous apprennent rien quand au sort des Juifs "vraiment français" aux yeux de Vichy.


 

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Re: Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

Nouveau message Post Numéro: 364  Nouveau message de Nicolas Bernard  Nouveau message 23 Fév 2017, 18:43

alainmichel a écrit:[...]Je me contenterai, pour l'instant, de trois remarques :
Quand Hilberg dit "Nés en France, exclusivement francophones, mais issus de parents étrangers, ils n'étaient 'pas vraiment français'." il est évident qu'il ne parle pas d'enfants d'étrangers qui seraient eux-même étrangers, autrement sa phrase serait totalement absurde : il est évident que des étrangers ne sont pas vraiment français. Hilberg, qui connait très bien son sujet, sait que la plupart des enfants d'étrangers étaient français, du fait de la loi qui à l'époque reconnaissait également le droit du sol et pas seulement le droit du sang. Donc il parle bien des enfants français enfants d'étrangers, contrairement à ce que vous pensez, car vous êtes obnubilé apparemment par la dernière phrase. De même je persiste et signe : dans ce texte, avant la dernière phrase, Hilberg ne parle absolument pas des Juifs français en général, et cette dernière phrase se rapporte donc au sujet qu'il vient d'aborder, le cas des enfants français de juifs étrangers (il ne faut pas oublier d'ailleurs que c'est un interview et non un texte écrit, et donc les expressions sont souvent moins précises, bien que l'ensemble reste cohérent). Toute autre interprétation me paraît être un viol du sens du texte.


Avec tout le respect que je luis dois, Hilberg ne connaît pas si bien son sujet que ça. Mais puisque vous assimilez mon interprétation à un "viol" de texte, permettez-moi de répliquer que la vôtre me semble passablement capillotractée.

J'ai tout de même l'impression que le propos de Hilberg vous gêne, puisqu'il fragilise considérablement votre argument d'autorité (en substance: "j'ai raison parce que Hilberg pense comme moi"). Vos efforts tendant à ruiner le sens et la portée de cette interviou paraissent trahir une faille méthodologique: vous faites de Hilberg une preuve alors que ses analyses constituent une interprétation des preuves (incomplète, au demeurant). Une oeuvre d'historien, ce n'est rien d'autre que ça. Et l'oeuvre de Hilberg a beau être immense, elle n'est pas infaillible. Ni gravée dans le marbre. Elle a évolué au gré de l'historiographie, non sans lacunes de sa part, comme je m'en explique ici.



Deuxième remarque : utiliser le terme "déportation" pour le projet de Darlan au printemps 1942 de déplacer en Afrique du Nord les Juifs étrangers de zone sud me parait abusif du fait du parallèle que le lecteur fait automatiquement avec les déportations allemandes.


"Déplacer"... Qu'en de jolis mots ces choses là sont dites...



De plus, vous paraissez ignorer totalement que la xénophobie est liée à l'antisémitisme dès l'automne 1940. Pendant plus d'un an, Vichy cherche à se débarrasser des Juifs étrangers de zone sud qu'il considère comme un poids dans l'économie. Il envoie des négociateurs à la réunion du Comité international pour les réfugiés, début 1941 à St Domingue , il négocie parallèlement avec le gouvernement de Roosevelt pendant l'année 1941 (proposant même d'utiliser les avoirs français gelés aux Etats-Unis pour payer le coût du départ de ces juifs étrangers), et finalement, devant l'échec de ces tentatives, au printemps 1942 il envisage de les faire partir en Afrique du nord. C'est pourquoi Bousquet, en mai 1942, lorsqu'il comprend de Heydrich que les Allemands ont inversé leur politique et qu'au lieu d'expulser les Juifs vers l'extérieur (et notamment la France), ils les déplacent maintenant vers l'Est, Bousquet donc est très intéressé. On a enfin une solution pour faire partir ces Juifs étrangers de zone sud, C'est d'ailleurs ce que dira Laval à l'Ambassadeur des Etats-Unis en août 1942 et l'ambassadeur de France à Washington en septembre : pourquoi protestez-vous, on vous a proposé ces gens et vous n'en avez pas voulu, si vous voulez maintenant les prendre, on peut vous les envoyer! Bien entendu les Américains ne répondront rien, puisque comme souvent, ils sont prêts à donner des leçons de morale aux autres, mais sont incapables de mettre eux-même la main à la pâte, pour des questions de politique interne aux Etats-Unis (c'est déjà ce qui s'est passé à la conférence d'Evian en juillet 1938).


Euh... Attendez, là, il me semble que vous oubliez un détail: le chargé d'affaires américain, Pinkney Tuck, tentera tout de même d'obtenir de Laval l'autorisation de faire émigrer aux Etats-Unis 5.000 à 8.000 enfants juifs au cours de l'été 1942. Mais le régime de Vichy va torpiller cette manoeuvre, et les enfants seront livrés aux nazis, conformément à la promesse faite à l'occupant - voir ces articles de Francis Deleu: http://www.livresdeguerre.net/forum/con ... ndex=44882 - http://www.livresdeguerre.net/forum/con ... ndex=45793 sachant que j'en reparle ici.

Dès lors, soutenir que les Etats-Unis ont été "incapables de mettre eux-même la main à la pâte, pour des questions de politique interne" constitue en l'occurrence une contrevérité manifeste.


Bref, on ne comprend rien à l'idée de Bousquet de transférer les Juifs étrangers du sud pour les donner aux Allemands sans replacer cette question dans le contexte d'un sujet qui obsède Vichy depuis presque deux ans (toutes les sources sont dans mon livre).


Je n'ai jamais écrit autre chose - suffit de lire mes articles, auxquels je fais l'effort de vous renvoyer...



Troisièmement, en ce qui concerne le convoi 35 qui part de Pithiviers le 21 septembre, et que vous semblez agiter, excusez-moi de l'expression, comme un hochet pour soutenir votre approche,


Disons que j'ai plutôt pour habitude de répéter ma question quand mes contradicteurs n'y répondent pas... Or, en l'occurrence, mes questions ont été posées depuis une quinzaine d'années à diverses personnes qui, pour des raisons tout aussi diverses, soutenaient peu ou prou votre thèse sur le prétendu "sauvetage" des Juifs français par le régime de Vichy, sans la moindre réponse de leur part.



il est effectivement un convoi atypique.


Atypique, oui, si l'on soutient que Vichy a cherché mordicus à sauver les Juifs de nationalité française, quitte à livrer à leur place des Juifs étrangers. D'autant qu'il ne faut pas oublier l'autre convoi, parti de Drancy le 23 septembre 1942 avec 540 Juifs français à bord - un autre convoi "atypique", dans cette logique... "Atypiques", également, ces efforts de Röthke pour préparer l'arrestation et la déportation de Juifs français à partir du mois de septembre, comme s'il n'était nullement au courant de l'accord auquel son prédécesseur, Dannecker, a pourtant participé - si, bien entendu, cet accord prévoyait expressément qu'on ne toucherait jamais aux Juifs français!

Ce qui est "atypique" devient en revanche tout à fait logique dans mon scénario:

1/ les nazis n'ont jamais caché à Vichy qu'ils souhaitaient rafler et déporter l'ensemble des Juifs de France, étrangers et français;

2/ Vichy, pour des raisons que vous et moi avons déjà développées - vous voyez qu'on peut être d'accord sur un point - en profite pour livrer en priorité les Juifs étrangers, mais souhaite reporter la date de l'offensive dirigée contre les Juifs français, pour ne pas froisser l'opinion publique, réputée xénophobe;

3/ l'accord conclu entre les nazis et Vichy en juillet prévoit dès lors que la police française procédera à l'arrestation des Juifs étrangers, lesquels seront ensuite déportés "vers l'Est", et qu'à l'issue on pourra s'attaquer aux Juifs français (ce qu'attestent les expressions "Pour l'instant", "dans un premier temps");

4/ la nature d'un tel accord est si évidente aux yeux des nazis qu'ils préparent, par l'entremise de Röthke, les rafles ciblant les Juifs français dès le mois de septembre, et qu'il faut attendre un ordre direct de Himmler pour suspendre l'opération le 22 septembre 1942;

5/ c'est également de cette manière que les dirigeants de Vichy interprètent cet accord: dans le cas contraire, l'autorisation délivrée par Bousquet s'agissant de la déportation de Juifs français de Pithiviers n'a aucun sens, pas plus que le départ de 540 Français de Drancy le 23 septembre, pas davantage que les efforts de Laval, le 2 septembre 1942, pour solliciter en urgence des Allemands qu'"on ne lui signifie pas de nouvelles exigences sur la question juive", c'est à dire qu'on ne lui demande pas de faire arrêter les Juifs français. Si l'accord conclu en juillet avait la portée que vous lui conférez, Laval n'aurait nul besoin d'effectuer une telle démarche...



Mais, 1) le fait qu'il soit atypique vient confirmer le reste : dans les convois de déportation de juin 1942 à juin 1943 (avant intervention de Brunner dans la composition des convois, et avant la rupture de l'accord Bousquet-Oberg de juillet 1942 par les Allemands en août 1943) on compte : 75% de Juifs étrangers, 11% d'enfants français d'étrangers ou de juifs étrangers naturalisés français, 8% de Juifs français et 6% dont la nationalité est indéterminée. Dans cette période, les Juifs français semblent donc particulièrement protégés des déportations. Pourquoi? Pourquoi cela change-t-il brusquement en été 1943? Mon analyse est que le facteur principal est la protection de Vichy, concrétisée par l'accord de début juillet 1942. Si vous avez une meilleure explication qui s'adapte aux faits, je suis preneur.


Ce n'est pas l'accord conclu entre Vichy et les Allemands en juillet 1942 qui protège les Juifs français, mais la population française:

1/ parce que cette dernière proteste énergiquement contre les rafles de l'été 1942, ce qui pousse Vichy, en catastrophe, et non sans avoir tenté d'être répressif, à prier les Allemands de ne pas demander l'arrestation des Juifs français;

2/ Vichy, après avoir envisagé de dénaturaliser des Juifs français, va finalement faire machine arrière sur ce point au vu des revers subis par l'armée allemande sur tous les fronts;

3/ le refus - tardif et opportuniste - de Vichy de fournir aux Allemands ses forces de police pour procéder aux arrestations de Juifs français va certes considérablement restreindre les moyens d'action des Allemands, mais ce régime n'organise aucune politique de sauvetage des Juifs français (pas d'évacuation en lieu sûr, pas de faux papiers, pas de soutien financier ni logistique, pas de mise en échec des rafles, etc.), il se contente de rester l'arme au pied et de laisser les Allemands se débrouiller, si bien que les Juifs français doivent surtout leur salut à celles et ceux qui, anonymement, et avec leurs propres moyens, ont fait acte civique et ont entrepris de les aider.



2) Si vous lisez le commentaire de Klarsfeld dans le Mémorial, il explique que la majorité des Juifs français déportés dans le convoi n¨35 sont avant tout des enfants nés en France de Juifs étrangers. Encore une fois (et bien entendu je trouve cela scandaleux) Vichy, et notamment Bousquet et Laval, ont considéré que ces enfants d'étrangers devaient être vus comme des étrangers, exactement ce que dit de manière générale Hilberg. Mais ces quelques centaines d'enfants ne nous apprennent rien quand au sort des Juifs "vraiment français" aux yeux de Vichy.


1/ Rassurez-vous, vous n'avez pas besoin de préciser que vous trouvez le "marchandage" scandaleux, je le sais déjà (bis repetita: je ne vous range pas du tout dans la catégorie des propagandistes vichystes).

2/ Pour le reste, voir ci-dessus, je n'y reviens pas.
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Re: Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

Nouveau message Post Numéro: 365  Nouveau message de alainmichel  Nouveau message 23 Fév 2017, 23:49

Nous ne pourrons jamais nous comprendre pour deux raisons : la première raison est une raison de méthode, j'y reviendrai dans une dizaine de jours mais je pense que vous avez d'énormes failles dans votre méthode pour traiter l'histoire. Ce que vous écrivez sur les américains est typique des mélanges et des désordres de votre analyse, à mon humble avis. Autre exemple, comme "apéritif" de ce que je vous enverrai : vous citez la question de la dénaturalisation, dont le refus final (après des hésitations) par Vichy a lieu en été 1943, avec pour conséquence l'abandon de l'accord Oberg-Bousquet par les Allemands. Or c'est justement à partir de cette date que le sort des Juifs français bascule, et que leur proportion dans les convois de déportation devient beaucoup plus importante. Par conséquent, votre point 2 de "comment la population française aurait sauvé les Juifs" vient souligner un fait qui est exactement opposé à ce que vous défendez : l'accélération de la déportation des Juifs français qui démarre à ce moment là. Donc soit vous ne vous intéressez pas aux statistiques, soit vous amenez un point qui prouve exactement le contraire de ce que vous affirmez : c'est lorsque Vichy cède à l'opinion publique et aux circonstances (les défaites allemandes) que la situation empire pour les Juifs français. Bref, une "démonstration" qui ne tient pas debout parce qu'elle ne part pas des faits mais des a priori.
Ceci m'amène à la la deuxième raison de l'impossibilité de nous comprendre, qui est une question d'aveuglement, et celle-ci qui me paraît la plus grave. Quelque soit ce qu'on vous propose comme argument ou manière de regarder les choses autrement, au lieu d'y réfléchir, et de le soupeser, vous l'écartez immédiatement pour en revenir aux affirmations de ce que j'appelle (mais également Berlières et Prost) la Doxa. Dans la Bible, il y a un joli passage qui dit, à propos de la justice, que la corruption aveugle les yeux des Justes. Je pense qu'on peut faire un parallèle avec l'histoire : l'idéologie aveugle les yeux des historiens. Votre manière d'aborder la question de la Shoah en France repose d'abord et avant tout, d'après ce que je crois comprendre, sur le désir de condamner Vichy à tout prix et pour tout, et surtout d'empêcher que l'on puisse dire que leurs agissements n'étaient pas le mal absolu. Comme je l'ai déjà dit (et écrit dans mon livre) je déteste tous ces gens et n'ai aucune nostalgie de la Révolution nationale. Mais je tente, parce que je suis historien, de regarder les événements tels qu'ils se sont déroulés, même si parfois cela "donne des points" à ce régime ou inversement que cela enlève des points à d'autres (le fait par exemple que la France Libre à Londres n'ai donné aucune consigne pour aider les Juifs. De Gaulle n'a pas sauvé, directement ou indirectement, un seul Juif). Le rôle de l'historien n'est pas de juger, mais d'essayer de montrer avec l’honnêteté la plus grande possible ce qui s'est réellement passé. Même si vous êtes sans doute totalement sincère dans ce que vous écrivez, vous avez sans doute du mal à réaliser à quel point vos démonstrations reposent sur des préjugés et des idées reçues.


 

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Re: Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

Nouveau message Post Numéro: 366  Nouveau message de Nicolas Bernard  Nouveau message 24 Fév 2017, 12:42

Beaucoup de blabla, et autres remarques perso - mais hélas, pas le moindre raisonnement, pas la moindre preuve, pas le moindre exemple susceptible d'illustrer ce que vous avancez

Or donc, je répète mes questions, auxquelles vous opposez un silence aussi curieux que persistant:

- Si un accord de sauvegarde des Juifs français a été conclu avec les Allemands en juillet 1942, que signifient les mentions "Pour l'instant", "dans un premier temps", que l'on retrouve dans les compte-rendus allemands intéressant le calendrier des déportations tel que convenu avec Vichy en juillet 1942?

- Si un accord de sauvegarde des Juifs français a été conclu avec les Allemands en juillet 1942, pourquoi, lesdits Allemands (en l'occurrence: Heinz Röthke) planifient-ils, visiblement sans se poser de question, la rafle des Juifs français en septembre 1942, avant que cette opération ne soit suspendue par Himmler le 22 septembre 1942?

- Si un accord de sauvegarde des Juifs français a été conclu avec les Allemands en juillet 1942, pourquoi les nazis font-ils déporter 1.000 hommes, femmes et enfants, dont 540 français de naissance, presque tous les autres étant naturalisés français, du camp de Pithiviers pour Auschwitz, le 21 septembre 1942, avec l'accord de la Préfecture de Police? Et quid de la déportation de 540 autres Juifs français le 23 septembre 1942, à partir de Drancy? Pourquoi Vichy ne rue-t-il pas dans les brancards/ne fait pas poliment remarquer qu'il y a là, comme qui dirait, un problème?

- Si un accord de sauvegarde des Juifs français a été conclu avec les Allemands en juillet 1942, pourquoi Laval se complique-t-il la vie à supplier aux Allemands de ne pas lui demander de déporter les Juifs français, le 2 septembre 1942, alors qu'il lui suffit de faire valoir... la conclusion de cet accord?

En ce qui me concerne, la réponse coule de source: si l'accord conclu avec Vichy prévoyait expressément que seraient livrés aux Allemands, "pour l'instant", "dans un premier temps", les Juifs étrangers (quitte à dénaturaliser des Juifs français), il n'impliquait nullement, pour l'avenir, de mettre à l'abri des rafles et des déportations les Juifs français (déjà exclus de la société, spoliés, etc.), et n'avait nullement été perçu de cette manière par les parties en présence.

Compte tenu de ce qui précède, il est pour le moins piquant de vous voir, vous, m'imputer un "aveuglement" qui parasiterait mon analyse. Qu'une telle accusation ne soit assortie d'aucune démonstration et tienne donc de la jérémiade du type pris la main dans le sac n'est pas le seul problème. Vous apparaissez manifestement si soucieux d'exonérer Vichy de toute responsabilité dans l'assassinat des Juifs de France

- que vous invoquez les travaux de Hilberg à tort et à travers, en les agitant comme en hochet (je vous emprunte votre expression) sans tenir compte de leurs incohérences, ni de leurs évolutions, bref pour en faire un argument d'autorité, et non un argument scientifique;

- que vous commettez un lapsus révélateur sur le concept même de "déportation": "lorsqu'il comprend de Heydrich que les Allemands ont inversé leur politique et qu'au lieu d'expulser les Juifs vers l'extérieur (et notamment la France), ils les déplacent maintenant vers l'Est, Bousquet donc est très intéressé". Or donc, les Allemands se bornent à "déplacer" les Juifs? Qui me reprochait, il y a peu, de soi-disant mélanger les notions de "déportation" et de "déplacement"?

- que vous allez jusqu'à proférer une énormité intéressant le rôle joué en l'espèce par le gouvernement américain: vous avez en effet osé écrire que les Américains ne voulaient pas recueillir les Juifs de France au second semestre 1942 (quitte à vous fendre d'une critique acerbe, mais pas très scientifique, sur l'hypocrisie bien-pensante étasunienne) alors que, par l'intermédiaire de leur chargé d'affaires, Pinckney Tuck, ils ont au contraire proposé à Vichy de recueillir plusieurs milliers d'enfants juifs, ce qui s'est heurté à une sérieuse mauvaise volonté du régime de Vichy?

- que vous commettez encore un magistral contresens:

Autre exemple, comme "apéritif" de ce que je vous enverrai : vous citez la question de la dénaturalisation, dont le refus final (après des hésitations) par Vichy a lieu en été 1943, avec pour conséquence l'abandon de l'accord Oberg-Bousquet par les Allemands. Or c'est justement à partir de cette date que le sort des Juifs français bascule, et que leur proportion dans les convois de déportation devient beaucoup plus importante. Par conséquent, votre point 2 de "comment la population française aurait sauvé les Juifs" vient souligner un fait qui est exactement opposé à ce que vous défendez : l'accélération de la déportation des Juifs français qui démarre à ce moment là. Donc soit vous ne vous intéressez pas aux statistiques, soit vous amenez un point qui prouve exactement le contraire de ce que vous affirmez : c'est lorsque Vichy cède à l'opinion publique et aux circonstances (les défaites allemandes) que la situation empire pour les Juifs français. Bref, une "démonstration" qui ne tient pas debout parce qu'elle ne part pas des faits mais des a priori.


1/ Evitez-moi à l'avenir le terme "apéritif", même avec les guillemets: on parle d'hommes, de femmes et enfants qui ont été diffamés, exclus, spoliés, humiliés, arrêtés, internés, transportés dans des wagons à bestiaux et, pour l'écrasante majorité d'entre eux, assassinés à l'arrivée par gazage au Zyklon B, avant d'être incinérés dans des crématoires et leurs cendres jetées au vent ou dans les cours d'eau adjacents.

2/ C'est "lorsque Vichy cède à l'opinion publique et aux circonstances (les défaites allemandes) que la situation empire pour les Juifs français", puisqu'en 1943 (des mois plus tard, tout de même) "leur proportion dans les convois de déportation devient beaucoup plus importante"... Quand donc de n'est pas la faute des Américains (cf. plus haut), l'opinion publique est coupable, ainsi que les Alliés... En toute hypothèse, votre "raisonnement" pèche sur un point majeur: vous oubliez carrément que, de 1942 à 1943, les statistiques de la déportation connaissent une baisse sensible: si près de 42.000 Juifs en 1942, ces chiffres baissent à dix-sept mille en 1943 et seize mille en 1944. Bref, l'accroissement de la proportion des Juifs français dans les convois est à apprécier au regard de la baisse importante des statistiques de la déportation d'une année à l'autre. Une telle baisse est surtout imputable à la population française: parce qu'elle proteste, ce qui conduit Vichy à retirer progressivement aux Allemands l'appui de la police française, et parce qu'elle aide les Juifs en cavale (à l'inverse de l'Etat, qui ne bouge pas le petit doigt), les chiffres de la déportation plongent littéralement d'une année à l'autre. Le sort des armes à l'échelle mondiale a évidemment pesé.

Mais il est totalement faux d'imputer la survie de la majorité des Juifs de France à Vichy: ce régime n'a conduit aucune stratégie de sauvetage, même limitée aux Juifs français. Il les a exclus, spoliés, humiliés, isolés, en a arrêté des dizaines de milliers, mais ne les a jamais assistés, financés, planqués. Du reste, que faites-vous du rôle de la Milice, qui relevait, pour rappel, du gouvernement de Vichy?
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Re: Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

Nouveau message Post Numéro: 367  Nouveau message de alainmichel  Nouveau message 24 Fév 2017, 15:06

Premièrement, je vous ai dit que je pourrais vous répondre en détail seulement dans quelques jours!
Deuxièmement évitez de me faire des leçons de morale : je travaille, enseigne et guide autour du sujet de la Shoah depuis plus de trente ans, en Israël, en France et en Pologne, et j'ai moi-même directement des personnes proches qui ont été victimes de la Shoah, notamment dans la famille de ma femme. Mais votre remarque montre à quel point vous avez une lecture selective et obsessionnelle : le mot "apéritif" est directement lié grammaticalement à la suite "ce que je vous enverrai". Cela n'a donc rien à voir d'une manière quelconque avec les victimes. Cette remarque justifie pleinement tout le "blabla" que je vous ai envoyé : la science historique, ce n'est pas seulement accumuler (n'importe comment quelques fois en ce qui vous concerne) des connaissances et des faits, c'est aussi une philosophie et une manière d'être dont vous semblez, apparemment, être pas mal dépourvu.


 

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Re: Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

Nouveau message Post Numéro: 368  Nouveau message de Nicolas Bernard  Nouveau message 24 Fév 2017, 16:30

alainmichel a écrit:Premièrement, je vous ai dit que je pourrais vous répondre en détail seulement dans quelques jours!


La bande-annonce s'éternise, dites donc...



Deuxièmement évitez de me faire des leçons de morale : je travaille, enseigne et guide autour du sujet de la Shoah depuis plus de trente ans, en Israël, en France et en Pologne, et j'ai moi-même directement des personnes proches qui ont été victimes de la Shoah, notamment dans la famille de ma femme. Mais votre remarque montre à quel point vous avez une lecture selective et obsessionnelle : le mot "apéritif" est directement lié grammaticalement à la suite "ce que je vous enverrai". Cela n'a donc rien à voir d'une manière quelconque avec les victimes. Cette remarque justifie pleinement tout le "blabla" que je vous ai envoyé : la science historique, ce n'est pas seulement accumuler (n'importe comment quelques fois en ce qui vous concerne) des connaissances et des faits, c'est aussi une philosophie et une manière d'être dont vous semblez, apparemment, être pas mal dépourvu.


Vous travaillez sur la Shoah? Bizarre, parce que dans ce fil, vous vous bornez à émettre des remarques imaginatives sur mon immodeste personne... sans avancer le moindre élément matériel quant à la thèse défendue.
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Re: Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

Nouveau message Post Numéro: 369  Nouveau message de alainmichel  Nouveau message 24 Fév 2017, 16:33

Je ne répond rien à votre dernier post car je risquerai de sortir du bon goût. A bientôt donc


 

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Re: Comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort.

Nouveau message Post Numéro: 370  Nouveau message de Nicolas Bernard  Nouveau message 24 Fév 2017, 17:09

alainmichel a écrit:Je ne répond rien à votre dernier post car je risquerai de sortir du bon goût.


Dites-vous... en répondant à mon dernier post. Ce n'est effectivement pas la logique qui vous étouffe. ::mortderire::
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