Jules Lafontaine a écrit:La "nuit de cristal" fut la "vangeance" des nazis en réponse a l'assassinat du conseiller d'Ambassade Von Rath à Paris, par un jeune juif, Hershel Grynspan. Non seulement, les groupes de SA et de SS ont détruit et saccagés la plupart des commerces juif du Reich, molestant au passage leurs propriétaires, mais en plus, Goëring leur a infligé une amende collective de 1 milliard de Marks, en précisant publiquement :" Ainsi, ces cochons de juifs ne recommencerons plus ! "
Effectivement, les guillemets apposées au mot "vengeance" sont entièrement justifiées, car la
Kristallnacht résulte davantage d'un coup monté.
Depuis 1933, les Juifs sont peu à peu exclus de la société allemande (lois de Nuremberg de 1935). A leur encontre, Hitler use d'une stratégie éprouvée : tout en les dépouillant de leurs biens, il contraint la plupart d'entre eux à l'émigration (dans des pays qui seront d'ailleurs destinés à être envahis ultérieurement), et justifie chaque montée en puissance des persécutions par une "rhétorique des représailles" faisant appel à l'imaginaire conspiration israélite mondiale - ladite rhétorique sera utilisée dès 1933 pour justifier un boycott des magasins juifs, et en 1941 pour donner un fondement à l'extermination. Le
Führer doit, en effet, faire preuve de prudence, adapter sa politique au contexte international et aux aspirations de l'opinion publique allemande. D'où la nécessité de la "tester", tout en s'efforçant de ne pas passer pour le commanditaire de l'escalade.
La
Kristallnacht obéit à cette logique.
Le contexte international explosif de l'année 1938 (
Anschluss, crise des Sudètes, guerre d'Espagne, guerre de Chine), dont il est pour une bonne part responsable, pousse Hitler à aggraver les persécutions antisémites, afin de tester la réactivité de l’opinion publique allemande et étrangère. C’est en ce sens que peut se comprendre ce pogrom massif déclenché dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 sur le prétexte de l’assassinat d’un diplomate allemand par un Juif polonais réfugié à Paris - voilà pour la "rhétorique des représailles".
Menés par les SS, les militants nazis mettent à sac, détruisent, incendient magasins juifs et synagogues. Les Juifs sont emmenés de force dans les rues, battus, parfois assassinés – l’on recensera une centaine de morts, sans compter les suicides – et 30.000 d’entre eux sont envoyés dans des camps.
Hitler a pris soin de ne pas apparaître en première ligne, se servant de Goebbels pour adresser ses directives aux sections du Parti, Himmler et Heydrich ayant pour mission d’encadrer le mouvement, voire le canaliser, le tempérer, ou dans d'autres cas l’encourager. Göring poussera le cynisme jusqu’à faire payer la facture des réparations… aux Juifs eux-mêmes. Malgré l'indignation qui secoue l'étranger, les Allemands ordinaires, pour leur part, se signalent par leur passivité.
L'important est là : pour la première fois, un déchaînement de violences (très contrôlé) s'est abattu sur les Juifs allemands. Ce n'est pas encore Babi-Yar ni Birkenau, mais ce n'est plus le stade des lois de Nuremberg. Et aux yeux de Hitler, le bilan est globalement positif. Ce qui ne peut que l'encourager à passer à l'étape supérieure.