Post Numéro: 5 de clayroger 21 Mar 2011, 18:49
Si débat il doit y avoir sur ce sujet, autant partir sur de bonnes bases.
Donc commençons par une tentative afin de mieux définir ce qu'a été ce mouvement d'origine allemande appelé fonctionnalisme (par T. Mason en 1981), car voyez-vous, la définition donnée ci-dessus m'apparaît un tantinet hermétique. Ce n'est pas simple, mais je le fais pour que tout le monde comprenne.
Pour ma part, je définirai ainsi :
Il s'agit d'un débat académique d'historiens, orienté principalement sur les causes de l'holocauste, et secondairement sur des questions touchant l'action nazie, dans le domaine de politique extérieure notamment.
En particulier on tente de répondre à deux questions :
1 ) Y a-t-il eu un plan défini, ordonné, précis imaginé aux débuts du nazisme (mettons à partir de Mein Kampf pour simplifier) afin de procéder à l'élimination physique des juifs d'Europe ?
2 ) La décision de procéder à ce génocide vient-elle du sommet, c'est à dire d'Hitler, ou alors de ses collaborateurs (Himmler, Goering), voire de leur administration trop zélées ?
A ces deux questions, les fonctionnalistes répondent non, à divers degrés, ou non à l'une des deux questions. Ils expliquent l'holocauste comme une succession d'événements ou de causes extérieures au nazisme comme la sauvagerie de la guerre à l'Est, la lutte pour le pouvoir, etc.
Quant aux intentionnalistes, ils répondent oui à divers degrés. Majoritairement Hitler avait mis tout en oeuvre pour réaliser les génocides.
Il existe des extrêmes dans les deux camps. Ceux par exemple qui affranchissent totalement Hitler, qui affirment qu'il ne savait rien ou très peu de choses, du côté des fonctionnalistes , ou ceux qui le charge totalement du côté intentionnalistes, en affirmant qu'il a tout voulu, tout conçu, et seul, jusque dans les moindres détails. Toutefois, la majorité des historiens appartenant à l'un des bords sont modérés.
Notons qu'aucun camp ne conteste les crimes nazis, ni l'existence des génocides par des moyens industriels, ce qui distingue notamment les fonctionnalistes des négationnistes. En revanche, certains fonctionnalistes extrémistes ont été parfois très proches des thèses négationnistes.
Ces débats se sont majoritairement déroulés il y a une trentaine d'années et ont abouti à la Historikerstreit (querelle des historiens) de 1986 à 1989.
Il s'agit d'un débat qui a enflammé le monde intellectuel et politique allemand à propos de la nature exacte de l'Holocauste, en reprenant certains éléments du débat fonctionnalistes/intentionnalistes, et de ce fait, souvent confondu avec ce débat historiographique. Il était alimenté par la parution de L'Archipel du Gulag de Soljenitsine avec l'idée de comparer les camps spéciaux soviétiques à Auschwitz et à démontrer la non-spécificité de la Shoah au régime nazi et à Adolf Hitler.
En France, Léon Poliakov clos ce débat par la démonstration de l'implication directe d'Hitler dans le processus via la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942.
Ces débats sont désormais majoritairement clos.
Un consensus existe aujourd'hui chez de nombreux historiens pour définir l'implication des nazis dans l'Holocauste comme la volonté intrinsèque d'Hitler, prédéfinie, consciente et ordonnée, mais sans véritable plan général, servie par des structures zélées, profitant de circonstances favorables pour légitimer leurs actions criminelles.
Il s'agit donc d'une synthèse des deux courants, matérialisée par les travaux de Ian Kershaw, Arno J. Mayer, Michael Marrus et Yehuda Bauer.
J'ajoute qu'il me paraît excessif de qualifier un intervenant du forum de fonctionnaliste par le simple fait qu'il emploie un argument entrant dans cette catégorie. Un fonctionnaliste est conscient de son fonctionnalisme, c'est à dire qu'il défend un groupe d'idées qui tend à atténuer la responsabilité des nazis et de Hitler dans l'Holocauste.
Un forumiste qui adhère à l'idée que Hitler était fou peut parfaitement penser qu'il est en même temps à l'origine de l'Holocauste, qu'il en a donné l'ordre, abstraction faite de toute cause structurelle du régime.
J'espère avoir été clair, et tout en pensant que personne n'est obligé d'être d'accord avec ce qui est exprimé ici, je reste à votre disposition pour éclaircir tel ou tel point.