Post Numéro: 2 de Daniel Laurent 12 Juil 2008, 04:47
Bonjour,
Le Pacte a été signé à Moscou, Yak, pas à Berlin.
Je ne suis guère équipé pour parler des motivations de Staline, mais je peux montrer qu’il s’est à l’occasion fait superbement blouser par plus malin que lui.
Nous sommes en 1939. Hitler a décidé d’agresser la Pologne et sait que la France et la Grande-Bretagne vont probablement lui déclarer la guerre car il a détecté le changement d’attitude des occidentaux, il n’y aura pas d’autre Munich.
Il n’en est pas ému d’ailleurs, car il lui faut écraser la puissance militaire de la France avant de pouvoir se retourner tranquillement vers l’Est.
La comédie démarre avec les négociations que les Occidentaux mènent avec Staline pour tenter de signer avec lui un pacte d’alliance destiné à encercler le Reich. Mais les négociations traînent, la méfiance anticommuniste prévaut et ni la France ni l’Angleterre ne mettent sur la Pologne la pression nécessaire pour l’obliger à accorder, en cas d’attaque allemande, le droit de passage de l’Armée Rouge sur son sol. Et sans cet accord polonais, pas d’accord avec l’URSS [1]. Paul Reynaud mentira à ce sujet dans ses Mémoires en prétendant avoir réellement tenté de mettre cette pression. Il n’en fut rien.
Pendant ce temps la, les négociations économiques entre l’Allemagne et l’URSS arrivent à un accord, Hitler ayant fait de nombreuses concessions commerciales, et il embraye aussitôt sur des négociations politiques. La-aussi, il fait des concessions : Accord de partage de l’Europe, l’URSS se réservant les pays Baltes, la Bessarabie et un morceau de la Pologne. Concessions sans frais, il sait qu’il va prochainement renier ses engagements à ce niveau… La sorte de frénésie qui agite les diplomates allemands, les pressions d’Hitler et l’étendue de ses concessions portent leur fruit et le Pacte est signé sous le nez des négociateurs occidentaux fort marris. [2]
Hitler a les mains libres à l’Ouest, dévore la Pologne, écrase la France et échoue de peu dans son 3eme objectif, à savoir signer avec la Grande-Bretagne une sorte d’Entente cordiale qui, moyennant la reconnaissance de la puissance anglaise sur mer et dans ses colonies, lui donnerait toute liberté en Europe de l’Est. Je dis échoue de peu car il s’en est fallu d’un cheveu en 1940. Un cheveu buveur de whisky et fumeur de cigares, mais cela nous éloigne du sujet. [3]
Ensuite, de juin 1940 a juin 1941, il déploie une grande activité destinée d’une part à tenter de faire tomber Churchill et d’autre part a continuer à faire croire à Staline que son objectif est à l’Ouest, pas à l’Est. [4]
S’il échoue pour Churchill, cela réussit parfaitement avec Staline qui ira jusqu’à envoyer à son Ambassade à Berlin un télégramme répondant positivement à une invitation bidon à venir rencontrer Hitler et ce la veille de Barbarossa ! Une belle réussite de Goebbels.
De même, Staline donna à ses troupes stationnées face au Reich des ordres de modération destinés à éviter tout incident de frontière et les maintiendra quelques jours après le début de l’offensive de la Wehrmacht…
Je ne taxerais pas l’Armée Rouge d’impréparation à cette occasion. Ces ordres de modération, la totale surprise, l’effet Blitzkrieg expliquent bien les premiers succès de l’offensive allemande. L’Armée Française était considérée comme bien préparée et a été balayée en quelques semaines, ne l’oublions pas.
Notes :
[1] François Delpla, Les papiers secrets du Général Doumenc, Orban, 1992
[2] Le même, Hitler, Grasset, 1997
[3] Le même, La face cachée de 1940, F-X de Guilbert, 2003
[4] Encore lui, Montoire, Albin Michel, 1995