Post Numéro: 389 de tietie007 21 Aoû 2009, 21:48
Un livre d'Edward Klein, un familier de Jacky Kennedy, La malédiction des Kennedy, Presse de la Cité, 2003. Klein est plus un journaliste qu'un historien, mais sa connaissance de la famille Kennedy est indéniable et il s'est appuyé sur de nombreux ouvrages dont la thèse de Michael Beschloss, Kennedy and Roosevelt, The Uneasy Alliance (1980). Le portrait de Joseph Kennedy est dressé de la page 101 à 150.
Pour beaucoup d'historiens révisionnistes, le fait que Kennedy, dont les idées isolationnistes et pro-fascistes étaient notoires, démontreraient la duplicité de Roosevelt. Edward Klein nous livre les dessous de la relation entre les deux hommes.
1°) Kennedy bailleur de fond de Roosevelt.
Jo Kennedy, issu d'une famille de la bourgeoisie irlandaise, a fait fortune dans la distribution d'alcool, durant la prohibition et était la 4eme fortune des USA, à la fin des années 20. Il avait contribué largement à la victoire de Roosevelt, en 1932.
Kennedy avait une conception de la politique assez classique pour un businessman, et pourrait se résumer à l'intérêt de son porte-monnaie. Le choix de soutenir Roosevelt n'était en rien un choix idéologique, mais s'inscrivait dans une tradition familiale.
L'irlandais avait ses entrées dans le monde de la presse, il était en excellente relation avec William Randolph Hearst, farouchement isolationniste qui, après la crise de 29, perdit de sa superbe et Robert McCormick, le propriétaire isolationniste du Chicago Tribune. De même, Henry Luce, le propriétaire de Fortune et du Time, était ouvertement à la solde de Kennedy et surtout Arthur Krock, l'éditorialiste du New-York Times qui d'après Klein, recevait 25 000 $ par an de la part du milliardaire irlandais. Tout ça pour dire que Jo Kennedy était un homme extrêmement puissant dans l'Amérique d'avant-guerre.
Comme il est de tradition aux USA, les bailleurs de fonds sont souvent récompensés en cas de victoire de leur poulain et Kennedy, en 1932, demanda le Trésor au président, ce Roosevelt lui refusa. Joseph eut le tort de penser que le président était aussi aisément corruptible que son fils, Jimmy, et en privé, l'irlandais ne cachait pas son mépris pour Delano, qu'il trouvait faible et hésitant ...
Mais Joe dut se contenter dans un premier temps, de la présidence du Securities Exchange Commission puis, de la Commission Maritime Fédérale !
2°) Kennedy ambassadeur au Royaume-Uni.
Faute de grives, il reste les merles, comme dit le proverbe ... Après la réélection de Roosevelt en 1936, Kennedy demanda le poste d'ambassadeur des USA au Royaume-Uni, poste prestigieux si il en est, sachant que 5 anciens ambassadeurs auprès de sa Majesté étaient devenus, par la suite, président des USA ! Prestige et arrières-pensées présidentielles étaient les ressorts de cette demande. Perplexe, Roosevelt refusa la demande et lui proposa le secrétariat d'Etat au Commerce, ce que le tycoon irlandais refusa. Mais Kennedy avait plus d'un journaliste dans son sac, et Arthur Krock, à la solde du milliardaire, à la Une du New-York Times, le 8 décembre 1937, lança l'information comme quoi Kennedy avait été nommé amabassadeur auprès de sa très grâcieuse Majesté !! Le Président, en colère, fit une conférence de presse le 21 décembre pour nier tout en bloc, mais, d'après Henry Morgenthau, le secrétaire d'Etat au Trésor, Roosevelt comprit alors que Kennedy allait être un danger pour sa réélection en 1940, autant l'envoyer le plus loin possible avec un hochet pour le faire tenir tranquille !
Le 19 février 1938, Kennedy prêta serment dans le Bureau Ovale, et 4 jours plus tard, il prit le SS Manhattan du port de New-York en direction de Southampton.
3°) Kennedy sous l'influence du groupe de Cliveden.
Le groupe de Cliveden, du nom de la résidence de Lord Waldorf Astor et de sa femme Nancy Astor, imposant manoir de 46 pièces. A la mort de son mari, Nancy Astor, élu à la Chambre des Communes, avait institué un salon regroupant des intellectuels et hommes politiques anglais, qui avaient une certaine conception de la civilisation anglo-saxonne, et qui refusaient d'intervenir militairement contre Hitler. Certains membres ne cachaient d'ailleurs pas leur sympathie pour le nazisme. Dès l'arrivée du couple américain sur le territoire britannique, Nancy Astor prit sous son aile le couple Kennedy et les invita régulièrement dans sa noble résidence. Francis C. Cockbun, un journaliste anglais de gauche, qui avait travaillé pour The Daily Worker, le canard du PC anglais, qui avait couvert la guerre d'Espagne pour le journal communiste (Orwell l'accusa, dans son opus [i]Reporter in spain, d'avoir déformé les faits en faveur des staliniens ![/i]), accusa le groupe de Cliveden d'être un vrai "cabinet de l'ombre". Il faudra noter qu'en 1933, Cockburn, créera son journal, The Week, contre la politique de l'appeasement de Chamberlain qui fut d'ailleurs interdit par le gouvernement britannique !
Très vite sous l'influence du groupe de Cliveden, Kennedy, loin de jouer les utilités mondaines, commença à prendre des initiatives un peu tapageuses. D'ailleurs, dans un dossier du Foreign Office concernant Kennedy, il y était noté que l'ambition véritable de l'ambassadeur était la Maison Blanche !
Kennedy eut rapidement la conviction que la puissance montante de l'Allemagne nazie obligerait les USA et le Royaume-Uni à négocier avec Hitler, pour éviter une guerre qui serait ruineuse pour ...son empire financier ! Il commença à jouer les électrons libres en s'adonnant à des considérations qui n'étaient guère en phase avec les opinions du Président. Il commença d'ailleurs à faire un intense lobbying auprès de ses amis éditorialistes pour se poser comme un possible recours pour une autre politique aux élections de 1940.
"L'ambassadeur Kennedy ferait un candidat de première force" écrivit le magnat William Randolph Hearst, isolationniste comme l'irlando-américain.
Mais c'est surtout son obligé, Arthur Krock, éditorialiste du NY Times, qui, en mai 1938, dans le magazine Liberty, fit paraître un article intitulé :
"Kennedy se présentera-t-il à la présidentielle ?"
Roosevelt irrité par cette duplucité keynedienne, fit envoyer aussi envoyer l'artillerie lourde pour démasquer Kennedy, par le biais du Chicago Tribune le 23 juin 1938, qui publia en première page un article intitulé :
« LES AMBITIONS DE KENNEDY POUR 1940 OUVRENT UNE BRECHE DANS LE CAMP ROOSEVELT »
La parution de cet article fit revenir l'ambassadeur en Amérique, pour s'expliquer avec son Président et les deux hommes signèrent une paix provisoire ...
Le 19 octobre 1938, après Munich, Joseph Kennedy fit un discours devant un parterre d'amiraux anglais, invité qu'il était par George Ambrose, le président de la Navy League en l'occasion du Trafalgar Day.
Le discours de Joseph Kennedy, très personnel, insistait sur la nécessité de s'entendre entre démocratie et dictature !! Inondé de coups de fils et de télégrammes pour savoir si le discours de l'ambassadeur reflétait l'orientation de la Maison Blanche. Roosevelt choisit de parler à la radio pour désavouer son ambassadeur, initiative que Joseph considéra comme « un coup de poignard dans le dos ».
Mais ce qui le blessa pardessus tout, ce fut la vitesse foudroyante à laquelle la plupart de ses amis de la presse se retournèrent contrelui.
« Qu'un homme comme lui suggère que les Etats-Unis se lient d'amitié avec un individu qui proclame son désir de liquider la démocratie, la religion et tous les autres principes chers aux américains libres […], voilà qui dépasse l'entendement », s'offusqua The New York Times dans un éditorial.
Le coup le plus dur fut porté par Walter Lippman
, un des intellectuels les plus influents de la presse. 3 jours après le discours de Joseph, il se moqua de lui en le décrivant comme un de ces diplomates qui prennent leurs désirs pour la réalité se prenant pour « un petit département d'Etat à eux tout seuls, avec sa propre petite politique étrangère ».
En décembre 1938, Kennedy revient à Washington pour s'entretenir avec le Président. Roosevelt se montra plutôt amical et dit à son ambassadeur « qu'il allait aider l'Angleterre en lui fournissant des armes et de l'argent, et plus tard, en fonction de l'état des choses, il se lancerait dans la bataille ».
Kennedy essaya d'infléchir l'opinion du Président, persuadé que lutter contre la puissance militaire des nazis était mission impossible pour les démocraties et que « pour combattre le totalitarisme, il fallait adopter des méthodes totalitaires » !
Dans une curieuse note adressée à Roosevelt, il décrivit les grandes lignes d'un nouveau plan stratégique par lequel une poignée de grandes puissances, dont l'Allemagne, la Russie, la Grande-Bretagne, le Japon et la Chine, partageraient le monde en sphères d'influence et « établiraient une paix et une sécurité durables qui donneraient partout aux forces de la liberté une nouvelle chance de se développer ».
4°) La guerre et la rupture Kennedy-Roosevelt !
Lors de la déclaration de guerre, début septembre, Kennedy vit tous ses rêves de paix s'effondrer ... La guerre allait le ruiner et prendre ses fils !
Très rapidement, Roosevelt court-circuita son ambassadeur en qui il n'avait aucune confiance. S'apercevant de la chose, Kennedy demanda à être relevé de ses fonctions pour revenir au pays, ce qui se heurta au veto présidentiel ! Kennedy serait moins nocif à 5 000 kms des USA que sur le territoire américain, la présidentielle arrivant. Mais le rusé irlandais réussit à se faire rappatrier, en octobre 1940.
Le scrutin présidentiel n'était plus qu'à 10 jours, et les spéculations allaient bon train pour savoir si Joseph profiterait de son retour pour apporter son soutien à Wendel Willkie.
Mais Roosevelt qui reçut Kennedy juste après son retour d'Europe, réussit à circonvenir le bouillant Joe et d'après comme il le confirma à son ex-maîtresse peu après, à Clare Booth Luce :
« J'ai simplement conclu un marché avec lui. On s'est mis d'accord sur le fait que si je le soutenais à la présidence de 1940, il soutiendrait mon fils Joe pour le gouvernorat du Massachussets, en 1942 ».
A 9 heures du soir, le 29 octobre, Joseph fit un discours à la chaîne de radio CBS, apportant clairement son soutien à Roosevelt.
Mais peu après la réélection de Roosevelt, Joseph déjeunait au Ritz-Carlton avec 3 journaistes. Lewis Lyons, du Boston Globe avait prévu une grande interview pour l'édition dominicale de son journal. Les deux autres reporters, Ralph Coughlan et Charles Edmundsen, du Saint Louis Dispatch étaient aussi présents. Et alors que le Département d'Etat lui avait conseillé la discrétion par rapport aux affaires européennes, Joe ne put s'empêcher de dévier sur le sujet. Il déclara que la démocratie était finie en Angleterre et que la reine ferait mieux de négocier personnellement avec Hitler …
2 jours plus tard, la Une du Boston Globe titrait, en gros caractère :
KENNEDY: LA DEMOCRATIE EST FINIE EN GRANDE-BRETAGNE ET PEUT-ETRE ICI.
Si Joseph fut content de son coup, ce fut un véritabe tollé, aux USA !
Quelques jours plus tard, Kennedy alla voir le président dans sa résidence de campagne à Hyde Park. L'entretien fut si orageux, Roosevel dit à sa femme à propos de Kennedy :
« Fais-le partir. Je ne veux plus voir cet homme jusqu'à la fin de mes jours »