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Operation Bagration

Dans cet espace, sont rassemblés sous forme de fiches l'ensemble des biographies, résumés de bataille, thèmes importants concernant la seconde guerre mondiale.
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Operation Bagration

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de hilarion  Nouveau message 01 Juil 2006, 09:16

L'opération Bagration de Kelilean

Le 22 juin 1944, pendant que l'attention des Allemands se focalise sur la Normandie, l'Armée Rouge lance sa grande offensive d'été, trois ans jour pour jour après le début de l'opération Barbarossa, l'invasion par le IIIème Reich de l'URSS. A la surprise de son adversaire, elle n'attaque pas en Ukraine mais en Biélorussie, face au Heeresgruppe Mitte. Cette opération, menée avec une forte supériorité numérique, est aussi l'occasion pour les Soviétiques de démontrer leur nouvelle maîtrise de la guerre moderne aux dépens d'une armée allemande sur le déclin. En quelques semaines, les derniers territoires russes occupés sont reconquis et une terrible défaite est infligée aux troupes allemandes. L'opération Bagration constitue certainement une des plus grandes défaites de l'Allemagne pendant la Seconde guerre mondiale, mais elle reste pourtant relativement méconnue, obscurcie par le débarquement en Normandie quasi-simultané. Néanmoins, les conséquences à long terme de Bagration furent bien plus grandes pour l'avenir de l'Europe en guerre.

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Bagration : contexte et enjeux



Bagration est au départ conçue en mars 1944 lors des études de la Stavka (l'état-major soviétique) dans le cadre de la stratégie alliée. En effet, le débarquement en France, promis pour mai, et réalisé effectivement le 6 juin, donne des perspectives supplémentaires de victoire. Mais où faire porter l'effort soviétique ? Les opérations de 1943-44 ont certes entraîné une retraite allemande en Ukraine, permettant de prendre pied aux marches orientales de la Roumanie, de la Hongrie et de la Pologne d'avant-guerre. L'Armée Rouge a libéré le bassin du Donets puis le gros de l'Ukraine occidentale, et enfin la Crimée. Les armées russes ne se trouvent plus qu'à 80 km de l'ancienne frontière germano-soviétique sur le Boug de 1941. Von Manstein , qui a fait preuve d'une certaine habileté lors des mois précédents, mais qui a le défaut d'être trop réaliste sur la situation aux yeux du Führer, est mis à la porte le 30 mars. Le Heeresgruppe Nord s'est replié sur la ligne Panther qui court du lac Peïpous à Vitebsk, après que l'Armée Rouge a levé le siège de Léningrad fin janvier-début février 1944. Le Heeresgruppe Mitte, lui, tient une sorte de « balcon » sur le front de l'est. Depuis l'été 1943, 22 divisions et une brigade allemandes ont disparu de l'ordre de bataille, 8 divisions sont tombées à 25 % de leurs effectifs théoriques et 61 autres à 50 %.


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Toutefois, le terrain souvent accidenté rend le succès d'une vaste offensive plus qu'incertain et laisse les armées du Reich en possession de vastes étendues en URSS. Plus au nord, l'élimination de la Finlande ou une offensive dans les pays baltes n'offrent aucune chance de victoire décisive. Par conséquent, l'idée d'attaquer le Heeresgruppe Mitte (groupe d'armées Centre) occupant le sol de la Biélorussie va de soi : son élimination rend précaire toutes les autres positions allemandes ! . Afin d'assurer au maximum le succès de l'attaque, baptisée Bagration, celle-ci est intégrée dans un dispositif de cinq offensives sur l'ensemble du front. Elle doit ainsi être précédée d'une opération contre la Finlande puis suivie d'un assaut plus au sud, en Ukraine, un découpage qui a le mérite de limiter les problèmes logistiques d'une Armée Rouge toujours insuffisamment motorisée pour ravitailler ses forces au-delà de 200 km de leur point de départ ; un assaut devant Kovel et une opération contre la Roumanie en août suivront.
Pourquoi donner à cette opération le nom de Bagration, général Prince héros des guerres napoléoniennes ? Issu d'une très ancienne famille géorgienne, celui-ci est né en 1765. Il commence sa carrière militaire en 1782. Il combat en 1792 et 1794 contre les Polonais puis en Suisse et en Italie en 1799, campagne durant laquelle il se fait rermarquer par son courage et son intelligence. En 1805, il est à la tête d'un corps dans l'armée de Koutouzov, envoyé au secours des Autrichiens, battus malgré tout avec les Russes à Austerlitz le 2 décembre. Il se distingue d'ailleurs lors de cette dernière bataille, ainsi qu'à Eylau, Heilsberg et Friedland (1807). Il est ensuite placé à la tête de troupes chargées de combattre les Suédois puis à la direction de l'armée de Moldavie en 1809. Au moment de l'invasion française, en 1812, il dirige la 2ème armée russe mais il est défait à Moghilev. Il est finalement mortellement blessé lors de la bataille de la Moskowa, en 1812. Le choix de cet officier général par Staline (par ailleurs géorgien comme lui !) pour désigner l'offensive est tout un symbole. Les opérations précédentes, il faut le noter, avaient été affublées de noms beaucoup plus banals (« Uranus » pour celle du 19 novembre 1942 à Stalingrad, etc), alors qu'ici c'est un personnage historique de l'armée impériale, héros de la lutte contre les Français, qui est mis en avant. Ceci renforce l'orientation prise par Staline dès la fin de 1942 pour valoriser le sentiment national russe et l'exaltation patriotique. Dans cette politique s'inscrit également, en janvier 1943, l'adoption de nouvelles marques de grades (pattes d'épaules) similaires à celles de l'époque tsariste ou bien encore la création d'ordres militaires portant le nom de grands chefs militaires russes de l'époque moderne (Koutouzov, Souvarov).
Les Allemands ne soupçonnent pas un instant l'ampleur de l'attaque que va subir le Heeresgruppe Mitte. Il a certes reculé depuis l'automne 1943, mais en luttant pied à pied et en infligeant des pertes supérieures à celles subies, tout comme le Heeresgruppe Nord, d'où sa position quelque peu avancée par rapport à l'ensemble du front allemand. Les services de renseignement, manquant d'informations précises, ne pouvant guère compter sur les reconnaissances d'une Luftwaffe affaiblie, estiment que les Soviétiques vont attaquer au nord ou au sud de la Biélorussie. La Stavka réussit grâce à d'astucieux stratagèmes (maskirovka, l'art de dissimuler ses intentions), à masquer aux Allemands l'étendue de ses forces, ne faisant parvenir sur le front qu'au dernier moment plusieurs armées dont la fameuse 5ème armée blindée de la Garde. Sur le terrain, les inquiétudes formulées par de nombreux officiers allemands sont rejetées avec mépris par leurs supérieurs. D'ailleurs, les combats de mai en Roumanie -bataille de Targul Frumos- puis l'offensive du 10 juin contre la Finlande, qui entraîne la capitulation de ce pays en septembre, contribuent à détourner l'attention de la Biélorussie. A tel point que le LVI. Panzerkorps, principale réserve du Heeresgruppe Mitte, est redéployé en Ukraine avec d'autres unités, ce qui représente au total plus de 80 % de ses blindés. Le groupe d'armées se trouve bien dépourvu quand le ciel lui tombe sur la tête. Alors que le Heeresgruppe Nordukraine, stationné dans le secteur de Lvov, concentre le plus grand nombre de divisions mobiles : 9 Panzer-Divisionen et 1 Panzer-Grenadier-Division.
Du côté allemand, on est bien évidemment préoccupé par le débarquement allié à venir sur le front ouest, qui mobilise l'essentiel des énergies depuis la fin de 1943. Ainsi, près de la moitié des forces blindés allemandes sont concentrées à l'ouest en juin 1944 contre à peine 20 % début 1943. Au niveau des effectifs totaux, l'armée allemande aligne alors 2 460 000 combattants à l'est, plus 550 000 alliés (soit dit en passant, c'est le total le plus faible depuis juin 1941) tandis que l'Armée Rouge lui oppose 6 425 000 hommes.


Grandeur et misère du Groupe d'Armées Centre


Le Heeresgruppe Mitte, dont le QG est à Minsk, n'est plus que l'ombre de lui-même depuis l'opération Barbarossa. Son chef, le General-Feldmarschall Busch, compétent mais sans éclat, doit surtout son poste à sa loyauté sans faille à Hitler. Il applique en effet sans sourciller les ordres de « tenir sur place » du Führer, en particulier dans les Festerplatz, des villes fortifiées à défendre jusqu'à la dernière cartouche, à la fois abcès sur les arrières ennemis et pivots pour les contre-attaques blindées. Le 20 mai, il est allé voir Hitler pour lui proposer un repli de ses troupes sur le Dniestr et la Dvina, pour consolider ses positions défensives et raccourcir le front de près de 250 km, mais celui-ci a poussé l'audace jusqu'à lui demander s'il était « de ces généraux qui regardent toujours derrière eux. » .
Il faut tenir à l'est jusqu'à ce que les renforts libérés par l'écrasement du débarquement anglo-saxon permettent de reprendre l'initiative. Pour ce faire, Bush dispose de quatre armées : la 3. Panzer-Armee (sans chars !), les 4. et 9 Armee, et la 2. Armee non concernée par Bagration -soit 40 divisions pour un total de près de 800 000 soldats dont 50 % de combattants. Ces chiffres à priori impressionnants doivent être mis en relation avec l'étendue du front à défendre, plus de 1 000 km. Chaque division d'infanterie tient un secteur de 24 à 30 km, plus du double du raisonnable ! . Les réserves se limitent par conséquent à peu de choses au niveau tactique et quasiment rien au-dessus excepté quelques divisions dont certaines de « sécurité » qui traquent sans pitié les partisans. Deux des cinq divisions « mobiles », les 18. et 25. Panzer-Grenadier-Divisionen, défendent d'ailleurs la première ligne et la seule Panzer-Division, la 20., reste sous le contrôle direct de Hitler, comme en France à la même époque ! . Encore ces handicaps seraient-ils compensés par la puissance de l'infanterie, mais celle du Heeresgruppe Mitte souffre de carences notamment sur le plan des effectifs : les divisions n'alignent en général guère plus de 3 000 combattants. Quant aux armes antichars, les excellents PAK 40 de 75 mm et les lances-roquettes individuels Panzerschreck ne remplacent que partiellement les matériels plus anciens. D'ailleurs, les troupes engagées en France sont souvent mieux équipées. Enfin, en raison des pertes, la qualité du personnel diminue, à l'image de celle des deux divisions « terrestres » de la Luftwaffe tenant la Festerplatz de Vitebsk. Quant à l'aviation à proprement parler, elle se limite à 800 appareils de la Luftflotte 6, dont seulement une quarantaine de chasseurs. Après ce tableau bien sombre, quels peuvent bien être les atouts du Heeresgruppe Mitte ? D'abord et surtout, le soldat allemand demeure, en général, un bon combattant bien encadré et expérimenté. Ensuite, le groupe d'armées s'appuie sur d'efficaces fortifications de campagne, érigées sur plusieurs kilomètres de profondeur, et s'estime capable de repousser des attaques limitées, d'autant que le terrain compte quantité de forêts, de marais et de cours d'eau. Enfin, il dispose de blindés : 286 chars et StuG, dont 29 Tiger I, mais aussi 116 automoteurs antichars pour un total de plus de 400 engins. Mais cela paraît bien faible face aux moyens adverses.
Les forces allemandes concernées par l'opération Bagration représentent en tout 849 000 hommes (en comptant la 2. Armee qui n'est pas engagée par les Soviétiques), 533 Panzer et StuG, 3 000 canons et mortiers et 839 avions.

Ordre de bataille allemand :

Heeresgruppe Mitte (Feldmarschall Busch) : 792 196 hommes.

3.Panzer-Armee (General Reinhardt)

IX.Armee-Korps : 252 I.D., Korps-Abteilung « D »
LIII.Armee-Korps : 206., 246. I.D., 4., 6. Luftwaffe-Feld-Divisionen
VI.Armee-Korps : 197., 256., 299. I.D.
Sous commandement direct : 131. et 95. I.D.

4.Armee (General von Tippelskirch)

XXVII.Armee-Korps : 25. Panzer-Grenadier-Division, 78. Sturm-Division, 260. I.D.
XXXIX.Panzer-Korps : 12., 31., 110., 337. I.D.
XII.Armee-Korps : 18. Panzer-Grenadier-Division, 57., 267. I.D.
Sous commandement direct : 286. I.D.

9.Armee (General Jordan)

XXXV.Armee-Korps : 6., 45., 134., 296., 383. I.D.
XLI.Panzer-Korps : 35., 36., 129. I.D.
LV.Armee-Korps : 102., 292. I.D.

Réserves du Heeresgruppe Mitte :

Panzer-Grenadier-Division « Feldherrnhalle »
14.,707. I.D.
201., 286. Sicherungs-Divisionen
390. Feldausbildung-Division
20.Panzer-Division (réserve de l'OKH).

6. Luftflotte

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Sur un pont capturé ou reconstruit par le génie de l'Armée Rouge, un camion montant en ligne croise un StuG mis hors de combat, qui semble avoir basculé dans le petit cours d'eau. Les StuG forment un gros pourcentage des effectifs blindés du Heeresgruppe Mitte.



Une Armée Rouge « revigorée »



Pour l'offensive, l'Armée Rouge dispose d'une supériorité écrasante, combinée à une excellente planification. Il ne s'agit ni d'un rouleau compresseur ni d'une vague humaine mais d'une force ayant appris dans le sang les méthodes de la guerre moderne. Elle veut d'ailleurs rendre la monnaie de sa pièce à ses durs professeurs germaniques. Les chiffres donnent le vertige. Les quatre Fronts -groupes d'armées- attaquants, les 1er, 2ème et 3ème de Biélorussie et le 1er Front de la Baltique engagent 1,7 millions d'hommes ! . Ils sont commandés par des chefs souvent plus jeunes et plus compétents que leurs adversaires, comme le général Tcherniakhovski, qui dirige à 38 ans le 3ème front de Biélorussie, chargé de l'effort principal (il suscite, en dépit de ses qualités professionnelles, la méfiance de Staline en raison de ses origines juives ; il est tué par un éclat d'obus en Prusse Orientale, le 18 février 1945). Ajoutons la présence de 143 000 partisans, ravitaillés par air, sur les arrières ennemis, qui fournissent des renseignements précieux et se tiennent prêts à soutenir l'offensive par leurs sabotages et embuscades. Les troupes régulières disposent en abondance d'un excellent matériel. Pour l'artillerie, plus de 10 500 canons et obusiers plus 11 500 mortiers appuient les assaillants, sans même parler des canons antichars. Quant aux blindés, ils totalisent 2 700 chars et 1 300 canons d'assaut articulés autour des régiments et brigades autonomes appuyant les divisions de fusiliers, complétés par pas moins de quatre corps de chars servant de groupes mobiles à la tête des 15 armées d'infanterie engagées. Ajoutons deux groupes « cavalerie-mécanisé » combinant chacun un corps de cavalerie et un mécanisé. Enfin, la 5ème armée blindée de la Garde se tient en réserve, derrière le 3ème Front de Biélorussie, sous les ordres du général Rotmistrov, qui a participé à la contre-offensive face au I. SS-Panzer-Korps lors de la bataille de Koursk, en juillet 1943. En ce qui concerne l'aviation, 40 % de l'ensemble des moyens disponibles sont alloués à l'offensive, soit quelques 6 000 appareils... . Les Soviétiques conçoivent leur offensive comme une succession d'encerclements. Le Heeresgruppe Mitte doit être pris dans une gigantesque poche à l'est de Minsk, elle-même comprenant d'autres poches, réalisées par les Fronts attaquants autour de Vitebsk et Bobrouisk. Au-delà des rapports de force (2 contre 1 pour l'infanterie et 10 pour 1 pour les blindés !), l'Armée Rouge affronte une armée peu mobile, dépendant de la traction hippomobile, quand elle peut enfin déployer plusieurs unités mécanisées à même de déborder l'infanterie adverse.

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Un Panzer IV allemand détruit est examiné avec curiosité par trois Frontoviki. En arrière-plan, on aperçoit différentes épaves de chars soviétiques dont celle d'un T-34. Le Panzer IV reste un blindé performant en 1944 mais seule l'habileté tactique et l'expérience des équipages lui permettent de contrer les derniers modèles de blindés russes.


Bagration, qui a été préparée lors de réunion à Moscou pendant les 22 et 23 mai, engagent quatre fronts, du nord au sud : le 1er Front de la Baltique (général Bagramian), le 3ème Front de Biélorussie (général Tcherniakhovski), le 2ème Front de Biélorussie (général Petrov, remplacé par le général Zakharov) et le 1er Front de Biélorussie (général Rokossovski). La Stavka a délégué deux représentants pour coordonner l'action des différents fronts : le maréchal Vassilievski pour les deux fronts les plus septentrionaux et le maréchal Joukov pour les deux fronts les plus méridionaux. En tout, l'Armée Rouge met en ligne pour Bagration 2 441 600 hommes, 2 715 blindés et 1 355 canons d'assaut, 24 363 canons et mortiers, 5 363 appareils de combat renforcés par les 1 007 appareils de l'aviation à longue portée (ADD).


Ordre de bataille soviétique :

1er front de la Baltique (général Bagramian)

- 4ème armée de choc : 83ème corps d'armée (119ème, 332ème et 360ème divisions de fusiliers)
- 16ème division de fusiliers
- 101ème brigade de fusiliers

- 6ème armée de la Garde : 2ème corps d'armée de la Garde (9ème et 46ème divisions de fusiliers de la Garde, 166ème division de fusiliers), 22ème corps d'armée de la Garde (90ème division de fusiliers de la Garde, 47ème et 51ème divisions de fusiliers), 23ème corps d'armée de la Garde (51ème, 67ème et 71ème divisions de fusiliers de la Garde), 103ème corps d'armée (29ème et 270ème divisions de fusiliers).
- 34ème brigade de chars de la Garde
- 143ème brigade de chars

- 43ème armée : 1er corps d'armée (179ème, 306ème et 357ème divisions de fusiliers), 60ème corps d'armée (235ème et 334ème divisions de fusiliers), 92ème corps d'armée (145ème et 204ème divisions de fusiliers)
- 156ème division de fusiliers
- 10ème et 39ème brigades de chars de la Garde.

Sous commandement direct : 1er corps blindé, 154ème division de fusiliers, 46ème brigade mécanisée.

3ème armée aérienne : 902 appareils.

Total : 359 500 hommes, 561 chars, 126 canons d'assaut, 778 canons antichars, 2 133 canons, 2 213 mortiers, 604 lance-roquettes Katyoushas, 420 canon antiaériens et 19 537 camions.


3ème front de Biélorussie (général Tcherniakhovski)


- 11ème armée de la Garde : 8ème corps d'armée de la Garde (5ème, 26ème et 83ème divisions de fusiliers de la Garde), 16ème corps d'armée de la Garde (1ère, 11ème et 31ème divisions de fusiliers de la Garde), 36ème corps d'armée de la Garde (16ème, 18ème et 84ème divisions de fusiliers de la Garde)
- 2ème corps blindé de la Garde
- 120ème brigade de chars

- 5ème armée : 45ème corps d'armée (159ème, 184ème et 338ème divisions de fusiliers), 65ème corps d'armée (97ème, 144ème et 371ème divisions de fusiliers), 72ème corps d'armée (63ème, 215ème et 277ème divisions de fusiliers).
- 2ème brigade de chars de la Garde
- 153ème brigade de chars

- 31ème armée : 36ème corps d'armée (173ème, 220ème et 352ème divisions de fusiliers), 71ème corps d'armée (88ème, 192ème et 331ème divisions de fusiliers), 113ème corps d'armée (62ème et 174ème divisions de fusiliers)
- 213ème brigade de chars

- 39ème armée : 5ème corps d'armée de la Garde (17ème, 19ème, 91ème divisions de fusiliers de la Garde, 251ème division de fusiliers), 84ème corps d'armée (158ème, 164ème et 262ème divisions de fusiliers).
- 28ème brigade de chars de la Garde

- Groupe de cavalerie mécanisée Oslikovski (en réserve) : 3ème corps de cavalerie de la Garde, 3ème corps mécanisé de la Garde

- 5ème armée blindée de la Garde (en réserve) : 3ème corps blindé de la Garde, 29ème corps blindé

Sous commandement direct : 5ème corps d'artillerie

1ère armée aérienne : 1 864 appareils.

Total : 579 300 hommes, 1 169 chars, 641 canons d'assaut, 1 175 canons antichars, 2 893 canons, 3 552 mortiers, 689 lance-roquettes Katyoushas, 329 canons antiaériens et 16 208 canons.


2ème front de Biélorussie (général Zakharov)

- 33ème armée : 70ème, 157ème, 344ème divisions de fusiliers

- 49ème armée : 62ème corps d'armée (64ème, 330ème et 369ème divisions de fusiliers), 69ème corps d'armée (42ème et 22ème divisions de fusiliers), 76ème corps d'armée (49ème, 199ème et 290ème divisions de fusiliers), 81ème corps d'armée (32ème, 95ème et 153ème divisions de fusiliers)
- 42ème et 43ème brigades de chars de la Garde

- 50ème armée : 19ème corps d'armée (324ème et 362ème divisions de fusiliers), 38ème corps d'armée (110ème, 139ème et 385ème divisions de fusiliers), 121ème corps d'armée (238ème et 380ème divisions de fusiliers)
- 307ème division de fusiliers

Sous commandement direct : 23ème et 256ème brigades de chars de la Garde.

4ème armée aérienne : 528 appareils.

Total : 319 500 hommes, 102 chars, 174 canons d'assaut, 833 canons antichars, 1 768 canons, 1 957 mortiers, 264 lance-roquettes Katyoushas, 329 canons antiaériens et 7 727 camions.


Aile droite du 1er front de Biélorussie (Général Rokossovski)

- 3ème armée : 35ème corps d'armée (250ème, 323ème et 348ème divisions de fusiliers), 40ème corps d'armée (129ème et 169ème divisions de fusiliers), 41ème corps d'armée (120ème divisions de fusiliers de la Garde, 269ème division de fusiliers), 46ème corps d'armée (82ème, 108ème et 413ème divisions de fusiliers), 80ème corps d'armée (5ème, 186ème et 283ème divisions de fusiliers)
- 9ème corps blindé

- 28ème armée : 3ème corps d'armée de la Garde (50ème, 54ème et 96ème divisions de fusiliers de la Garde), 20ème corps d'armée (48ème et 55ème divisions de fusiliers de la Garde, 20ème division de fusiliers), 128ème corps d'armée (61ème, 130ème et 152ème divisions de fusiliers)

- 48ème armée : 29ème corps d'armée (102ème et 217ème divisions de fusiliers), 42ème corps d'armée (137ème, 170ème et 399ème divisions de fusiliers), 53ème corps d'armée (17ème, 73ème et 96ème divisions de fusiliers)
- 194ème division de fusiliers

- 65ème armée : 18ème corps d'armée (37ème et 44ème divisions de fusiliers de la Garde, 69ème division de fusiliers), 105ème corps d'armée (75ème division de fusiliers de la Garde, 193ème et 354ème divisions de fusiliers)
- 15ème et 356ème divisions de fusiliers
- 115ème brigade de fusiliers
- 1er corps blindé de la Garde

- Groupe de cavalerie mécanisée Pliev (en réserve) : 4ème corps de cavalerie de la Garde, 1er corps mécanisé

Sous commandement direct : 4ème corps d'artillerie

16ème armée aérienne : 2 033 appareils.

Total : 1 071 000 hommes (aile gauche comprise), 883 chars, 414 canons d'assaut, 1 444 canons antichars, 3 769 canons, 3 792 mortiers, 749 lance-roquettes Katyoushas, 762 canons antiaériens et 17 717 camions.


La concentration des troupes soviétiques

Une fois le principe du plan Bagration adopté, l'état-major soviétique se met à l'oeuvre. Le déroulement d'une opération si grande, entraînant plus de 2 millions d'hommes, requiert en effet une préparation soignée.
Le principal problème des Russes est de parvenir à concentrer suffisamment de forces pour percer en profondeur le dispositif défensif allemand, reposant sur trois lignes de défense. Les Soviétiques tirent les leçons de l'échec allemand à Koursk, pendant l'été 1943 : ces derniers avaient réussi par endroit à percer deux lignes de défense avant d'échouer devant la troisième, faute de réserves employées sur les flancs pour briser des contre-attaques incessantes de l'Armée Rouge. Celle-ci prend donc le temps de concentrer suffisamment de forces à l'arrière du front : unités d'infanterie destinées à intervenir sur les flancs et unités mobiles (brigades et régiments de chars, de canons automoteurs) ainsi que d'artillerie pour réaliser la percée après la rupture du front.
Dans chaque secteur, des concentrations énormes sont mises sur pied : une division tous les kilomètres et demi, même dans le second échelon (contre 2,5-3 km en temps normal). Chaque régiment de fusiliers doit ainsi percer sur un km seulement ! . Cela est bien peu comparé aux 24 km (minimum) en moyenne que doivent tenir les divisions allemandes du Heeresgruppe Mitte... . Ainsi, à chaque bataillon allemand fait face une division de fusiliers à 9 bataillons de 380 hommes, soit en gros 350 Allemands contre 3 250 Soviétiques ! .

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Une section d'infanterie soviétique, largement pourvue de fusils antichars PTRD (alors obsolètes mais néanmoins toujours utiles dans certaines circonstances) et de PPSh-41 monte en ligne. En arrière-plan, un tracteur d'artillerie remorque un obusier de 122 mm M-30 modèle 1938.

Il faut acheminer sur les lieux de l'offensive 400 000 hommes qui viennent s'ajouter aux 1,6 millions présents sur place. Certaines unités parcourt ainsi plus de 2 500 km. Elles sont amenées le plus souvent par chemin de fer et débarquées sur les arrières du 1er Front de Biélorussie, au sud des marais de Pripet. Elles gagnent ensuite à pied des positions plus septentrionales, quasiment toujours de nuit pour garantir toute discrétion. Le trafic routier est limité aux heures valables de nuit et aux jours de mauvais temps. Les transferts commencent le 21 mai avec la 2ème armée de la Garde et la 51ème armée qui viennent de Crimée. Elles gagnent respectivement Yarstevo et Gomel avant de rejoindre à pied la ligne de front. La réserve de la Stavka est ensuite mise à contribution : le 1er Front de Biélorussie reçoit le 1er corps blindé, le 3ème Front de Biélorussie, la 11ème armée et le 2ème corps blindé de la Garde, le 2ème Front de Biélorussie le 81ème corps de fusiliers. La 28ème armée, le 9ème corps blindé, le 1er corps blindé de la Garde et le 2ème corps de cavalerie mécanisée sont mis à la disposition du flanc droit du 1er Front de Biélorussie, la 8ème armée de la Garde, la 2ème armée blindée et le 2ème corps de cavalerie de la Garde sur son flanc gauche. De nombreuses unités indépendantes -blindés, artillerie, génie, mortiers- sont également affectées aux différents Fronts. Les armées aériennes, particulièrement celles en soutien des 1er et 3ème Fronts de Biélorussie, sont complétées par l'envoi de 11 corps et 5 divisions. Le transfert le plus délicat est celui de la 5ème armée blindée de la Garde, déplacée d'Ukraine début juin 1944. La concentration n'est terminée que le 20 juin : en tout, 56 divisions de fusiliers, 4 corps de cavalerie, 10 corps blindés, 2 corps mécanisés, 1 brigade et 18 régiments blindés, 31 régiments de canons d'assaut ont été véhiculés. Une armée de fusiliers nécéssite à elle seule 16 trains, un corps d'armée blindé 20 trains, un corps d'armée mécanisé 33 trains, un corps de cavalerie 57 trains (chevaux obligent), une brigade blindée 3 trains, un régiment blindé 2 trains, un régiment de canons d'assaut 1 train. En tout donc, 1 433 trains sur 10 semaines soit 21 par jour ! . En ajoutant les unités diverses, artillerie et autres, la moyenne s'élève à 31 trains quotidiens.
Il y a ensuite la question du matériel, des munitions et des rations. La division de fusiliers soviétique a besoin chaque jour de 311 t de munitions, 19 t de rations, 15 t de foin pour les chevaux et 13 t de carburant : 358 t au total. Les divisions de réserve n'ont droit qu'à 275 t. Puisqu'il y a 150 divisions impliquées dans les 4 Fronts concernés par Bagration, il faut 41 250 t par jour ! . Ce qui fait 20 trains par jour, à raison de 2 000 t transportées par des convois de 45 wagons. Un train sur cinq est destiné à la réserve. Les six semaines précédant l'offensive, 5 718 916 t d'approvisionnements sont débarquées. 1,2 millions (400 000 de munitions, 300 000 de carburant et 500 000 de rations) constituent le stock nécessaire pour l'attaque. Les 4,5 millions de t restantes sont destinées à la poursuite. 2 800 trains sont utilisés soit 65 par jour en moyenne. Ces chiffres montrent l'ampleur de l'effort accompli par les Soviétiques : rien n'est laissé au hasard.


Les débuts de Bagration


L'offensive, prévue pour le 15 juin, doit être retardée d'une semaine pour des raisons logistiques. Même si les Allemands avaient eu des soupçons, ne serait-ce que par les nombreux sabotages menés par les partisans à partir du 19, ce report n'aurait pas joué en leur faveur. En effet, le commandement refuse toujours de croire au lancement d'une si vaste opération en Biélorussie, et vient par exemple d'expédier le II. SS-Panzer-Korps (9. et 10. SS-Panzer-Divisionen Hohenstaufen et Frundsberg), au repos en Galicie, en Normandie. Après des reconnaissances en force lancées le 22, pour repérer les points faibles des défenseurs, Bagration débute réellement le lendemain par une forte préparation d'artillerie. Un millier d'appareils de l'aviation à longue portée ont pilonné les plus grosses concentrations de troupes allemandes pendant la nuit. Busch n'est même pas à la tête de son groupe d'armées lors de l'attaque : il est en Allemagne, en Bavière, auprès d'Hitler... .
Les Soviétiques attaquent dans six secteurs et remportent vite de grands succès dans le nord, contre la 3. Panzer-Armee, autour de Vitebsk, et après des échecs initiaux, dans le sud près de Bobrouisk, contre la 9. Armee. Dans ce dernier cas, mal employée, la 20. Panzer-Division ne réussit pas à empêcher la percée des corps blindés soviétiques. Au centre, à Orsha, la 4. Armee, dont la 78. Sturm-Division (certainement une des meilleures unités d'infanterie allemandes du front russe), tient d'abord tête même si les divisions de la 11ème armée de la Garde du général Galitskij mettent le paquet. Qu'on en juge : chaque force d'assaut avance précédée de T-34 démineurs appuyés par des chars lourds KV-1 ou JS-2, eux-mêmes suivis par un bataillon d'assaut du génie et un régiment de 20 canons automoteurs lourds JSU-152. L'infanterie arrive ensuite avec une compagnie de chars lance-flammes et 21 canons automoteurs SU-76 par régiment de fusiliers. Un tel dispositif n'a rien à envier à celui du 6 juin sur les plages normandes ! . Il est néanmoins stoppé par les trous d'obus, mines et autres défenses statiques et surtout par les redoutables armes antichars individuelles, les Panzerfaüste, maniées par des combattants résolus. Il faut attendre le 25 pour que les défenses soient submergées, après que la 1ère division de fusiliers de la Garde a repéré une faille entre la 78. Sturm-Division et la 256. I.D. . Orsha tombe dans la nuit du 26, avec la 78. St.-D., détruite par l'infanterie des 31ème armée et 11ème armée de la Garde. Le même scénario se répète à Mogilev le 30 juin, où c'est cette fois la 12. I.D. qui est annihilée mis à part un Kampfgruppe qui parvient à se retirer. Les Soviétiques sont eux-mêmes surpris par l'ampleur de leur réussite. Le front allemand cède en plusieurs endroits.

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Un Panzer IV H détruit lors de combats avec les Soviétiques. Les Schürzen de tourelle et le camouflage sont particulièrement visibles.


Le premier désastre a lieu dans le secteur de la 3. Panzerarmee, autour de la Festerplatz de Vitebsk, dont la défense se révèle vite impossible. Le premier jour, la 6ème armée de la Garde et et la 43ème armée du 1er Front de la Baltique ont enfoncé le IX. Armee-Korps au nord de la ville. Au sud, les 39ème et 5ème armées du 3ème Front de Biélorussie mettent en pièces le VI. Armee-Korps. Dès le 24, les avant-gardes russes se trouvent à l'ouest de la ville, laquelle est définitivement encerclée le lendemain. Busch se contente de répéter de tenir sur place, après avoir mollement essayé le 23 d'obtenir de Hitler l'autorisation de replier le LIII. Armee-Korps. La situation continuant de se dégrader, une percée vers l'ouest est autorisée le 25 mais après quelques kilomètres, les quatre divisions qui la composent sont anéanties par les 39ème et 43ème armées. 28 000 hommes disparaissent de l'ordre de bataille allemand (au moins 20 000 morts et 5 000 prisonniers). Les cinq généraux présents sont tués ou capturés. Seules quelques dizaines de soldats allemands échappent à la capture. Au centre, autour d'Orsha et Mogilev, les unités de la 4. Armee s'efforcent de se replier en bon ordre. Leur chef, le général von Tippelskirch, décide en effet de désobéir à Busch -et par là-même à Hitler. Il fait croire qu'il défend les Festerplatz d'Orsha et de Moghilev et ses positions avancées -souvent déjà tombées- afin de sauver ses troupes. La progression russe au nord et au sud de son armée condamnent de toute façon une défense statique. Il s'agit maintenant de gagner la rive occidentale de la Bérésina (de sinistre mémoire) en prenant de vitesse les corps mobiles des 2ème et 3ème fronts de Biélorussie, dont ceux de la 5ème armée blindée de la Garde qui montent en ligne au matin du 26 juin.

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Une colonne motorisée allemande sous le feu de l'aviation soviétique. Les VVS disposent d'une complète maîtrise du ciel et harcèlent sans relâche les troupes allemandes en retraite. Leur impact sur le cours de la bataille est considérable.


La dernière grande percée a lieu dans le secteur de la 9. Armee, près de Bobrouisk, une autre Festerplatz, premier objectif du 1er front de Biélorussie de Rokossovsky. Malgré les contre-attaques de la 20. Panzer-Division, le 1er corps blindé de la Garde et le 9ème corps blindé entament l'encerclement de la ville dès le 26. Le XXXV. Armee-Korps peut encore s'échapper vers l'ouest mais Busch persiste dans ses ordres de tenir sur place et le général Jordan, chef de la 9. Armee, n'est pas homme à désobéir. Le lendemain, le XXXV. Armee-Korps est cerné par les Soviétiques qui peuvent lancer vers l'ouest le groupe « cavalerie-mécanisé » Pliev afin de menacer les arrières de l'aile gauche de la 9. Armee et la 2. Armee en position au sud-ouest. Le 27, 40 000 soldats se retrouvent pris au piège dans une poche de 25 km autour de Bobrouisk et subissent même le feu de canonnières de la flottille du Dniepr qui progressent sur la Bérésina, tandis que Jordan est remplacé par Weidling (chef du XLI. Panzer-Korps, lui aussi encerclé dans cette poche) à la tête de la 9. Armee. Les troupes assiégées reçoivent l'autorisation de percer, couverts par une arrière-garde et, menés par la 20. Panzer-Division, franchissent les lignes russes dans la nuit du 28, laissant 60 % de leurs effectifs sur le terrain. La garnison de Bobrouisk cède finalement le 29, après deux jours d'intenses combats de rues. Les vainqueurs ne font guère de prisonniers, massacrant la plupart des 3 500 blessés allemands laissés sur place. Les Allemands ont perdu 10 000 prisonniers à Bobrouisk (notamment parmi la 383. I.D., sacrifiée sur place) et 6 000 autres plus 10 000 morts lors des tentatives de percée (selon les Soviétiques).


Le Heeresgruppe Mitte part en lambeaux

En quelques jours, l'Armée Rouge a déjà remporté une énorme victoire et le Heeresgruppe Mitte semble incapable de reconstituer un front. Faute de réserves, les Allemands engagent tous les moyens disponibles dans des groupes ad hoc tel le Sperrverband Bergen -groupe d'arrêt Bergen- devant protéger les approches de Minsk par la route de Bobrouisk avec trois bataillons de sécurité et un groupe d'artillerie, aucun n'ayant l'expérience du front. Signalons aussi le Kampfgruppe (groupe de combat) von Gottberg, chargé de couvrir l'est de Minsk avec quatre ou cinq régiments de police et trois compagnies de chars obsolètes destinés à la lutte anti-partisans. Mais ces improvisations ne pallient pas au manque de troupes expérimentées. Hitler et le haut-commandement, toujours convaincus que l'offensive principale reste à venir, consentent cependant à envoyer la 5. Panzer-Division le 24 puis la 12. Panzer-Division. De leur côté, les assaillants démontrent une nouvelle maîtrise tactique, opérant en groupes interarmes, s'infiltrant à travers les failles de la défense et envoyant des détachements avancés s'emparer des points stratégiques, perturber l'arrivée des rares renforts et, d'une manière générale, accentuer la confusion dans les rangs allemands. Par exemple, les trois armées, 39ème, 43ème et 6ème de la Garde, attaquant Vitebsk, organisent chacun un détachement avancé avec un bataillon de fusiliers portés par des chars et appuyés par de l'artillerie motorisée ou automotrice. Ce sont eux qui referment la poche autour du LIII. Armee-Korps.

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Un T-34/76 équipé semble-t-il d'un dispositif de déminage traverse un cours d'eau à gué à côté d'un pont détruit. Les nombreux cours d'eau de Biélourussie sont l'un des facteurs capitaux dans la bataille de l'opération Bagration. On note le slogan, typiquement soviétique, inscrit en cyrillique sur la tourelle du blindé


En outre, l'aviation soviétique met à profit sa maîtrise des airs pour assaillir efficacement les colonnes en retraite. Elle domine complètement la Luftwaffe et opère en formations massives : le 23 juin, quinze minutes avant l'assaut, l'état-major de la 78. Sturm-Division subit l'attaque de 18 Il-2 Stormoviks et les positions avancées celles de 160 bombardiers Pe-2. La seule 1ère armée aérienne soutenant le 3ème front de Biélorussie effectue plus de 2 500 sorties dans les trois premiers jours de l'offensive contre 65 pour la Luftflotte 6 (selon les sources soviétiques). Malgré un savoir-faire encore en deçà des standards occidentaux, les VVS se montrent particulièrement redoutables, probablement plus que l'aviation alliée en Normandie. En effet, la densité de Flak est moindre, en raison de l'étendue du front, et les troupes allemandes, avec leurs colonnes hippomobiles, doivent franchir un certain nombre de ponts où leur concentration rend leur destruction assez aisée. Les Stormoviks n'ont jamais autant mérité leur surnom de « bouchers » attribué par les Allemands.
En effet, la retraite de ces derniers est vite générale. Le premier jour, plusieurs unités ne sont pas attaquées mais s'aperçoivent qu'elles sont en train d'être encerclées. Cependant, il n'y a tout d'abord que peu d'inquiétude vis-à-vis d'une situation déjà connue sur le front de l'est. Maintes unités pensent former un Kessel -chaudron- itinérant et se voir tirer d'affaire par les chars en quelques jours. Mais cette fois, les chars brillent par leur absence et l'Armée Rouge n'est aucunement disposée à laisser les Allemands organiser leur décrochage. L'Infanterie Regiment 18, par exemple, de la 6. Infanterie Division du XXXV. Armee-Korps de la 9. Armee, plie bagages seulement le 25 et finit anéanti deux jours plus tard dans les bois à l'est de Bobrouisk. Si la retraite commence généralement en bon ordre, la puissance de l'assaut soviétique transforme vite la situation en chaos. C'est en particulier le cas lors du passage des ponts sur les nombreux cours d'eau qui jalonnent la route des troupes. La discipline cède souvent devant le sauve-qui-peut, surtout si l'ennemi est proche. Malgré les scènes dantesques, les bombardements aériens et les attaques des partisans, les unités gardent en général une certaine cohésion. Peu de soldats sont prêts à se rendre, craignant que les vainqueurs n'exercent des représailles. Après avoir d'abord minoré l'importance de l'offensive, Hitler et son état-major commence à prendre conscience de l'ampleur du désastre.


Succès initiaux, prolongement de Bagration



Le 28 juin, la première phase de l'opération Bagration est terminée. L'Armée Rouge a réalisé avec succès trois encerclements, à Vitebsk, Mogilev et Bobrouisk. Si des poches de résistance subsistent, les positions du Heeresgruppe Mitte sont définitivement débordées. Cette situation stupéfie même les généraux soviétiques, qui cherchent à exploiter au mieux leur réussite pour maintenant refermer la tenaille autour de Minsk. La puissance matérielle des assaillants se révèle décisive. En particulier, plusieurs types de blindés performants sont utilisés conjointement en masse pour la première fois et donnent une supériorité qualitative considérable aux Soviétiques. D'abord, pas moins de 14 régiments de canons automoteurs lourds JSU-122 et JSU-152 jouent un rôle crucial dans la réduction des lignes de défense et des Festerplatz. Ensuite, tous les corps de blindés utilisent les T-34/85 qui font merveille en particulier contre la 20. Panzer-Division et ses Panzer III et IV. Enfin, quatre régiments de chars lourds JS-2 sont engagés. Au final, les assaillants se situent parfois à plus de 120 km de leurs points de départ et plusieurs unités mobiles, dont les deux groupes « cavalerie-mécanisé », se trouvent en mesure de frapper en profondeur les arrières allemands.

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L'infanterie soviétique à l'attaque pendant Bagration. Même si l'Armée Rouge reste peu économe du sang de ses soldats et maintient des tactiques trop souvent généralisées comme celles de la vague humaine, elle n'en fait pas moins preuve de remarquables qualités et surclasse souvent son équivalente allemande à l'été 1944.


Busch a engagé toutes ses maigres réserves afin de contre-attaquer et de reconstituer en vain un semblant de front. Après avoir minoré l'attaque, Hitler réagit et charge le 28 juin son « pompier » Model de prendre la place de Busch, limogé, sans pour autant revenir sur son ordre de tenir sur place (Model est remplacé formellement à la tête du Heeresgruppe Nordukraine par son adjoint, le Generaloberst Harpe, chef de la 4. Panzer-Armee). Le Generalfeldmarschall Model, spécialiste des situations désespérées, trouve ici un cas d'école. Il doit maintenant réussir là où Busch a échoué. Le nouveau chef du Heeresgruppe Mitte découvre un panorama catastrophique. S'il s'efforce de sauver ce qui peut l'être, il lui apparaît que plusieurs unités sont perdues. Au nord, Vitebsk étant tombée, les forces de la 3. Panzer-Armee décrochent en désordre et un boulevard s'ouvre vers Minsk pour le 3ème front de Biélorussie. Au centre, la 4. Armee retraite en assez bon ordre mais le groupe d'armées n'arrive pas à rétablir le contact et ignore même sa position exacte. Au sud-est, la 9. Armee s'extraie difficilement du chaudron de Bobrouisk.
Pour sauver la situation, Model compte sur ses quelques renforts, dont les 5. et 12. Panzer-Divisionen. Le 26, à peine arrivée à Minsk, la première envoie toutes ses unités disponibles, dont son groupe de reconnaissance, vers le nord-est, pour tenir les ponts sur la Bérésina et couvrir le passage de la 4. Armee. Quant à la seconde, elle part vers le sud-est prêter main forte à la 9. Armee. Model sait qu'il n'aura pas suffisamment de renforts, en particulier du fait du débarquement en Normandie, qui immobilise plusieurs des plus puissantes Panzer-Divisionen. En tout cas, son arrivée a un effet positif sur le moral des troupes et le journal de guerre de la 9. Armee prend acte de sa nomination « avec satisfaction et confiance » . Parallèlement, les Russes rencontrent quelques difficultés. D'abord la montée en ligne des unités mobiles se fait souvent dans la confusion. Le meilleur exemple reste celui de la 5ème armée blindée de la Garde de Rotmistrov, seule armée de chars participant à Bagration (elle compte deux corps blindés, le 29ème et le 3ème de la Garde, équipés de T-34/85, soit en tout plus de 500 chars et canons automoteurs). Placée en réserve du 3ème front de Biélorussie, elle ne peut être engagée comme prévu le 24, en raison de la résistance allemande à Orsha, mais seulement le 26. Ensuite, les corps de chars, souvent plus habitués aux vastes espaces du sud de l'URSS qu'aux forêts et aux marais de Biélorussie, perdent un temps précieux suite à la résistance des arrière-gardes allemandes. Cependant, ces quelques problèmes ne sont rien à côté de ceux des Allemands.

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Un Sdkfz 251 abandonné par les Allemands dans leur retraite. Un des gros désavantages du Heeresgruppe Mitte est le manque d'infanterie mécanisée : les Landsern doivent se contenter de moyens de traction hippomobiles, ce qui les ralentit et les expose aux encerclements par l'Armée Rouge, de plus en plus motorisée et mécanisée.



La défense et la chute de Minsk : le triomphe de Bagration


Dès le 28, les premiers combats opposent autour de Borisov, sur la Bérésina, la 5. Panzer-Division à la 5ème armée blindée de la Garde, notamment son 3ème corps blindé de la Garde équipé de Shermans. Les hommes de Rotmistrov découvrent un redoutable adversaire, d'autant que les 125 Panzer IV et Panzer V Panther de l'unité ont été renforcés par les 19 Tiger I du schwere Panzer-Abteilung 505. Pour la première fois durant Bagration, les Allemands déploient des blindés aussi puissants que ceux des Russes. Mais, si la 5. Panzer-Division et les quelques unités qui lui ont été allouées défendent efficacement leur secteur, les assaillants, vite appuyés par de nouvelles troupes comme la 11ème armée de la Garde, trouvent aisément des failles et contournent les défenseurs trop peu nombreux. Le 30 juin, Borisov est d'ailleurs libérée par l'Armée Rouge et la ligne de la Bérésina débordée. Plus au sud, la 12. Panzer-Division doit recueillir la 9. Armee tout en protégeant les abords de Minsk, meilleur échappatoire vers l'ouest. Mais à la différence de sa consoeur, elle ne dispose que de 44 chars dont 9 Panzer III obsolètes et ne dispose ni de groupe de reconnaissance, ni de groupe antichar et de Flak ! . Elle n'est pas en mesure d'arrêter les chars russes. Le 28, elle permet en tout cas à 15 000 hommes venant de Bobrouisk d'échapper à l'ennemi et se replie à son tour, en s'efforçant avec quelques unités de la 9. Armee, de ralentir l'avance du 1er front de Biélorussie, précédé par deux corps blindés ! . En outre, l'avancée du général Pliev oblige la Panzer-Division à contre-attaquer vers l'ouest le 2 juillet, pour maintenir ouverte les,lignes de communication. En effet, plus au sud, le groupe « cavalerie-mécanisé » poursuit sa chevauchée infernale vers l'ouest, dans les marais du Pripet, sur les arrières des 2. et 9. Armee.
Devant l'ampleur du désastre, les Allemands ramènent des unités en catastrophe. Le Kavallerie-Korps von Harteneck, avec quelques excellentes troupes, dont la 4. Panzer-Division, s'avance à la rencontre des cavaliers et des blindés soviétiques et les engage dès le 29 juin. A l'extrémité nord de la percée, le 1er front de la Baltique progresse vers Vilnius face à une 3. Panzer-Armee en pleine retraite pour laquelle aucun renfort n'est disponible. Elle réussit néanmoins à reculer à peu près en bon ordre avant que n'arrivent, le 12 juillet, les premiers éléments de la 6. Panzer-Division. C'est pourtant dans le secteur de Minsk, vers lequel convergent deux fronts plus le 2ème front de Biélorussie repoussant la 4. Armee, que la situation est la plus critique. Si l'armée ne réussit pas à tenir, l'aviation obtient encore moins de succès. La Luftwaffe combat en effet à un contre dix. L'attaque des ponts russes sur la Bérésina par des Fw 190 par exemple se révèle décevante et il faut faire flèche de tout bois. On ordonne même aux He 177 du II./KG 1, les seuls bombardiers « stratégiques » du Reich, de pilonner à basse altitude les colonnes blindées russes avançant vers Minsk pour des résultats médiocres et de lourdes pertes. Quant aux parachutages pour la 4. Armee espérés par Model, ils se limitent à peu de choses faute d'appareils.

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Une colonne de prisonniers allemands après la chute de Minsk. On note le char Tiger I capturé par les Soviétiques en arrière-plan, appartenant probablement à la s. Panzer-Abteilung 505, seule unité à aligner de tels chars dans le secteur.


Même si la 5. Panzer-Division lutte pied à pied pour retarder la progression russe, l'étau se referme inexorablement sur Minsk. Malgré les demandes de Model, Hitler refuse de faire évacuer la ville avant le soir du 2 juillet. A cette date, le 2ème corps blindé de la Garde, avant-garde de la 11ème armée de la Garde, a trouvé une brèche entre le Gruppe Gottberg et la 267 I.D., et le lendemain, à 2h du matin, la 4ème brigade de chars de la Garde atteint les faubourgs de la capitale biélorusse. Défendue par à peine 1 800 hommes, Minsk contient pourtant d'importants stocks de ravitaillement. Model ordonne que leur destruction commence dès le 1er juillet, mais beaucoup restent intacts. 35 000 blessés, fuyards, et personnels administratifs se trouvent encore à cette date dans la ville. Les combats se rapprochent, les derniers trains partant vers l'ouest sont pris d'assaut. Quand, à l'aube du 3 juillet, le 2ème corps blindé de la Garde entre dans Minsk, il se heurte à une résistance décousue. La 5. Panzer-Division contourne l'agglomération par le nord, bataille pour protéger la voie ferrée au nord-est de Minsk contre la 5ème armée blindée de la Garde, et poursuit sa retraite vers l'ouest, maintenant talonnée par le groupe « cavalerie-mécanisé » Oboukhov, du 3ème front de Biélorussie. Elle a perdu 112 de ses 125 blindés dans les derniers combats, dont tous ses Tiger, mais elle a donné du fil à retordre aux Soviétiques. Au sud, la 9. Armee et la 12. Panzer-Division continuent également leur repli devant les forces du 1er front de Biélorussie. La chute de Minsk marque la fin du Heeresgruppe Mitte : après les dernières redditions et les derniers combats contre les groupes allemands épars des 4. et 9. Armee, on peut évaluer les pertes à près de 350 000 hommes, dont 150 000 prisonniers ! .

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Un Panther G de la 5. Panzer-Division mis hors de combat près de Minsk. Les chars de cette unité gênent beaucoup la progression des Soviétiques, au prix de lourdes pertes.


Les Russes viennent de refermer le piège sur le gros du Heeresgruppe Mitte. La chute de Minsk condamne en effet les forces allemandes à l'est de la ville, essentiellement celles de la 4. Armee, échappées à grand peine de Mogilev et d'Orsha et dont certaines n'ont pas encore franchi la Bérésina ! . Von Tippelskirch garde dans un premier temps le contact avec la plupart de ses troupes, même si la transmission des ordres est laborieuse. Puis, il déplace son QG à l'ouest de Minsk. L'avance soviétique et la prise de la ville rendent dès lors son commandement extrêmement difficile. Le 4 juillet, les éléments de 7 divisions, parfois encore correctement équipés, se trouvent dans une large poche, et non réapprovisionnés en munitions, les lignes allemands s'étirant vers l'ouest. Les armées du 2ème front de Biélorussie les cernent maintenant de trois côtés et celles des 1er et 3ème fronts de Biélorussie leur barrent la route de Minsk. Le 5, les Allemands essayent par conséquent de percer à la tombée de la nuit en abandonnant armes lourdes, véhicules et blessés. Toutes les tentatives échouent et les groupes importants doivent se fractionner en détachements plus modestes dans l'espoir d'atteindre les lignes allemandes. Même les troupes les mieux préparées comme la 267. I.D. du général Drescher, qui met sur pied un escadron de cavalerie grâce aux chevaux de ses artilleurs, sont dispersés. Le nettoyage s'achève le 11 juillet, avec l'assistance des partisans, qui guident l'Armée Rouge vers les groupes importants et liquident eux-mêmes les plus petits. Un des groupes les plus importants, autour du General Müller (chef du XII. Armee-Korps), se rend le 8 juillet avec 57 000 hommes.

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Un Fw 190 abattu au-dessus des lignes soviétiques. On distingue deux blindés russes en arrière-plan, dont peut-être un canon automoteur (SU-122 ?). La Luftwaffe, surclassée numériquement, ne peut opposer qu'une faible résistance aux VVS et à l'offensive soviétique. Ses pertes sont assez lourdes pour des résultats insignifiants.


La poursuite de l'offensive vers l'ouest


Malgré la fatigue et le manque de ravitaillement, l'offensive continue même si elle a d'ores et déjà atteint son principal objectif, détruire le Heeresgruppe Mitte. Dès le 28 juin, la prise de Minsk ne faisant plus de doute, la Stavka fixe de nouveaux objectifs plus à l'ouest, en Pologne ou dans les Etats baltes : Kaunas, Grodno, Byalistok et Brest-Litovsk. La 5ème armée blindée de la Garde reçoit l'ordre de pousser au nord-ouest vers Vilnius. Dans le même temps, Model essaie de en vain de reconstituer un front, de Vilnius au nord jusqu'à Baranovichi, dans les marais du Pripet, au sud. Il manque de troupes, doit combler une brèche de 70 km entre les Heeresgruppen Mitte et Nord et subit toujours la pression des assaillants. Baranovichi est prise dès le 8 par le groupe Pliev. Puis c'est le tour de Vilnius, déclarée Festerplatz par Hitler. La 6. Panzer-Division ne sauve qu'une partie de la garnison (3 000 hommes, 12 000 restant dans la place) avant la chute de la ville le 13 juillet. Au sud, les cavaliers et les chars de Pliev, suivis par pas moins de 3 armées d'infanterie, continuent leur chevauchée destructrice, quoique ralentis par le Kavallerie-Korps Harteneck et la 2. Armee.
Enfin, comme prévu, une violente offensive du 1er front d'Ukraine de Koniev éclate le 13 devant le Heeresgruppe Nordukraine. Seulement, si les Allemands anticipent cette fois l'assaut, repliant leurs premières lignes et déplaçant leurs réserves, les meilleures unités mobiles manquent car envoyées au secours du Heeresgruppe Mitte. Les quelques Panzer-Divisionen présentes sont non seulement trop faibles mais en plus très mal déployées face à l'assaut principal russe. Le 18 juillet, l'aile gauche du 1er Front de Biélorussie lance son attaque contre Kovel avec les 47ème, 69ème et 70ème armées, la 1ère armée polonaise, la 8ème armée de la Garde et la 2ème armée blindée, tandis que la 61ème armée tient la ligne de front du Pripet. Le 20 juillet, l'Armée Rouge franchit l'ancienne frontière germano-soviétique de 1941 en Pologne, le jour même où Hitler échappe à un attentat fomenté par des officiers allemands. La 2ème armée blindée et la 1ère armée polonaise atteignent la Vistule le 25 juillet. Les 29 et 31, deux têtes de pont sont établies au-delà du fleuve au sud de Pulawy et à Magnusew par la 69ème armée, la 8ème armée de la Garde et la 1ère armée polonaise. Le 31 juillet, le 1er Front de la Baltique atteint le golfe de Riga et coupe le Heeresgruppe Nord du reste de l'Allemagne, celui-ci pouvant cependant être ravitaillé par le port de Riga.
Encore une fois, l'Armée Rouge réussit parfaitement à déguiser ses intentions. Il en résulte l'encerclement du XIII. Armee-Korps dans la poche de Brody, la prise de Lvov et la retraite allemande sur les Carpathes et la Vistule. Cette nouvelle défaite ne marque pas la fin des succès soviétiques qui, pendant l'été, repoussent les Allemands dans les pays baltes, arrivent aux portes de la Prusse Orientale et détruisent la 6. Armee en Roumanie. Cette dernière opération -Jassy-Kichinev- va faire basculer la Roumanie puis la Bulgarie dans le camp allié et ouvrir tout le flanc sud à l'avance russe. Par ses conséquences, à court et moyen terme, Bagration a, comme prévu, chassé les Allemands d'URSS et balayé leurs positions à l'est.


Bagration : une victoire sans appel


Dire que le Heeresgruppe Mitte a été détruit n'est pas une exagération. Ses pertes s'élèveraient fin août à près de 300 000 tués ou disparus -dont 150 000 prisonniers ?-, 44 % des effectifs du 22 juin 1944. Le 17 juillet, plus de 55 000 soldats capturés sont exhibés dans Moscou, une façon d'humilier « la race des seigneurs » qui voulait coloniser la Russie et réduire sa population en esclavage. Sur les trottoirs se trouve une foule haineuse mais parfois, aussi, compatissante. Plusieurs divisions allemandes sont tout simplement rayées de la carte. Pas moins de 17 généraux sont tués, disparus ou se sont suicidés, 19 ont été pris. A la date du 15 juillet, 22 divisions sont considérées « disparues » et 11, dont la 20. Panzer-Division, très diminuées. La 3. Panzer-Armee par exemple ne contrôle plus que 2 divisions et des Kampfgruppen. Les Allemands ne peuvent rétablir un front cohérent que fin août devant Varsovie

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Dernière édition par hilarion le 07 Sep 2008, 20:29, édité 3 fois.


 

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Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de hilarion  Nouveau message 01 Juil 2006, 09:18

Cette brillante victoire a un coût relativement « modeste » pour les Soviétiques avec 178 500 tués, disparus et prisonniers, soit 8 % des effectifs, plus 587 308 blessés. Quant au matériel, les dégâts subis par la 5ème armée blindée de la Garde sont jugés excessifs, en particulier face à la 5. Panzer-Division. Rotmistrov a déçu, tout comme à Koursk. Aussi un placard doré l'attend au commandement suprême des forces blindées.

Image
Un Panzer IV est en flammes et des cadavres de la Wehrmacht jonchent la plaine : image résumant à elle seule la déconfiture du Heeresgruppe Mitte face à Bagration, qui menace à terme tout le front de l'est du côté allemand. Les pertes ne pourront jamais être comblées dans une Allemagne exsangue, après près de 5 années de conflit.


Une telle victoire ne résulte pas seulement du rapport de forces mais aussi d'une excellente stratégie soviétique, à tous les niveaux. On a le sentiment de voir un retournement de la situation de 1941. Les Allemands, sur l'ordre d'Hitler, se figent dans une défense statique de Festerplatz qui sont en fait autant de pièges face à un adversaire plus puissant et plus mobile. L'absence de Panzer-Divisionen pouvant dégager les garnisons encerclées condamne de toute façon les Kesseln à brève échéance. Non seulement le Heeresgruppe Mitte possède peu de réserves, résultat d'erreurs d'interprétation des plans ennemis, et de l'ampleur des fronts à défendre, de la Normandie à l'Ukraine en passant par l'Italie, mais en outre il n'a aucune position de repli préparée. Etait-il pour autant possible d'en établir une sur un front de plus de 1 000 km ? En tout cas, Hitler contribue par son refus de tout recul à aggraver la situation. Il charge d'ailleurs ses généraux, limogeant les commandants d'armées. Quant à Model, quoique meilleur tacticien que Busch, il ne réussit pas à rétablir la situation avant l'anéantissement du gros de la 4. Armee -le pouvait-il ? C'est l'éloignement des unités russes de leurs bases qui les ralentit puis les oblige à s'arrêter, d'autant que les Allemands effectuent dans leur retraite des destructions puis amènent des renforts mobiles très efficaces, comme la 5. Panzer-Division. Au final, en moins de 15 jours, l'Armée Rouge inflige une défaite écrasante à son ennemi, la pire de tout le conflit en une seule offensive. Le seul exemple des pertes allemandes est significatif : la bataille de Normandie coûte plus de 210 000 tués, blessés et prisonniers à comparer au seul total des tués et des disparus en Biélorussie. Même si, stratégiquement, le débarquement a joué un rôle crucial dans la victoire alliée, la guerre s'est d'abord livrée en URSS et y a été perdue par l'Allemagne.

Sources

NAUD (Philippe), « Opération Bagration : l'Armée Rouge lamine la Wehrmacht », in Batailles n°4, Paris, Histoire et Collections, octobre-novembre 2004 (p.32-43).

BORG (Hervé), « Bagration 1944 ; l'élève dépasse le maître », in Histoire de guerre n°57, Schiltigheim, Histopresse, avril 2005 (p.24-43).

DE LANNOY (François), Opération Bagration, la ruée de l'Armée Rouge, Besançon, Heimdal, 2002 (2 tomes).

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