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La marche à mort de Bataan

Dans cet espace, sont rassemblés sous forme de fiches l'ensemble des biographies, résumés de bataille, thèmes importants concernant la seconde guerre mondiale.
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La marche à mort de Bataan

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de hilarion  Nouveau message 04 Jan 2007, 09:00

La marche de la mort de Bataan occupe une place à part dans l'imaginaire occidental. Alors que depuis le début de la seconde guerre mondiale, l'armée shôwa avait essentiellement commis ses exactions à l'encontre des populations de race jaune, pour la première fois, elle maltraitait et exécutait ouvertement des prisonniers de race blanche.

Cet événement se déroula dans la péninsule de Bataan aux Philippines et s'étendit sur trois semaines, du 9 avril au 1 mai 1942, à la suite de la reddition du major-général Edward King à Cabcaben jusqu'à l'arrivée des prisonniers au camp O'Donnell.


1) LA REDDITION DES ALLIÉS

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Masaharu Homma

Le millitaire responsable de l'invasion des Philippines était le général Masaharu Homma, commandant de la 14ème armée. Surnommé le "général-poète", ce millitaire vouait une grande admiration aux arts et à la civillisation occidentale et parlait couramment l'anglais. Il devait vraisemblablement son poste à ses contacts auprès de la famille impériale, ayant été de 1936 à 1938, aide-de-camp de Yasuhito (prince Chichibu), l'un des frère de Hirohito, et étant demeuré depuis dans les bonnes grâces de l'impératrice douairière Teimei.

Homma n'était pas dans les meilleurs termes avec les autorités millitaires. Considéré comme "mou" et "peu rigoureux", il avait déjà eu maille à partir avec le chef d'état-major de l'armée Hajime Sugiyama, lors d'une réunion tenue en novembre 1941, au cours de laquelle il avait remis en question le délai de 50 jours qui lui était imposé pour la conquête du pays. Ce conflit s'accentua après l'invasion de la capitale.

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Hajime Sugiyama

Ainsi, alors que Homma préférait la tactique du blocus de façon à laisser les troupes alliées isolées dans la péninsule de Bataan succomber à l'épuisement, Sugiyama voyait les chose tout autrement. Ce dernier était en effet soumis à d'intenses pressions de Hirohito qui exigeait la capture immédiate des forces ennemies. A quatre reprises, les 13 et 21 janvier 1942, puis les 9 et 26 février, l'empereur s'indigna du fait que des troupes ennemies puissent encore contester la domination impériale aux Philippines et pressa Sugiyama de lui livrer des résultats immédiats. L'empereur était notamment furieux des effets de la propagande médiatique américaine qui montait en exergue l'effort héroïque de la "petite bande" de soldats alliés assiégés, capable de tenir tête à l'armée shôwa. Au grand déplaisir des alliés, l'animateur de radio William Winter de KGEI San Francisco, narguait même l'armée japonaise en l'invitant à bombarder les positions des troupes alliées qu'il décrivait comme étant "invincibles".

L'ordre impérial modifiait considérablement la stratégie de Homma qui, au lieu d'harceler l'ennemi dans la plaine de Luzon comme prévu, devait maintenant lancer un assaut contre des troupes désespérées et acculées au pied du mur. En dépit des lourdes pertes susceptibles d'être portées par les assiégés à l'armée shôwa, ni Sugiyama, ni Homma ne pouvaient se soustraire à ces ordres directs.

Avec plus de 100 jours de campagne, Homma avait de plus largement dépassé le délai de 50 jours qui lui avait été imposé pour la conquête des Philippines. Ulcéré devant ce fait, Sugiyama décida finalement de se rendre lui-même à Manille le 3 avril. Après avoir obtenu des renforts, Homma lança l'assaut et, le 9 avril, quelques semaines après la fuite de Mac Arthur en Australie, les troupes alliés rendirent finalement les armes.

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2) UN CONSEILLER SPÉCIAL

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Dès son arrivée à Manille, Sugiyama fustigea Homma et l'accusa d'être complaisant à l'égard des philippins qui "ne valaient pas mieux que les traîtres de Singapour".

Convaincu que Homma perdrait son temps dans des "broutilles" comme le traitement des prisonniers de guerre, Sugiyama avait amené avec lui le colonel Masanobu Tsuji, qu'il délégua avant son départ comme conseiller spécial auprès de l'armée.

Soldat sanguinaire ayant pratiqué le cannibalisme, Tsuji avait été notament été impliqué dans une tentative d'assassinat contre le premier ministre Fumimaro Konoye, dans l'incident de Nomohan qui mena à la guerre contre l'Union soviétique et dans le massacre de Singapour, où près de 10 000 civils avait été tués. Pour ce dernier "fait d'armes", il avait d'ailleurs reçu un sabre d'honneur des mains même de l'empereur.

Pour prendre en charge les prisonniers, Homma désigna trois officiers, le major-général Kawane, le colonel Takatsu et le major Sekiguchi, responsable du corps médical. Ceux-ci présentèrent un plan préliminaire impliquant le transport et l'approvisionnement des prisonniers lors de leur trajet de 120 kilomètres. Il concentra alors son attention sur les moyens de vaincre les dernières forces alliées sur l'île de Corregidor qui se rendirent finalement le 6 mai.

Le plan élaboré par les officiers de Homma comportait d'importantes lacunes. Il était ainsi fondé sur les évaluations du colonel Haba qui avait estimé le nombre de prisonniers alliés à 25 000 et certainement pas plus de 40 000 alors que leur nombre s'élevait à 78 000. Les ressources étaient donc nettement insuffisantes. Plus encore, ces évaluations ne tenaient pas compte de l'état de santé des hommes, jugés capables de franchir 50 kilomètres par jour comme un soldat japonais en santé. Conjugué au fait qu'en raison du fait que les délais prévus avaient été dépassés, les troupes de Homma s'étaient vu diminué leur approvisionnement, la situation s'avérait catastrophique. Ainsi, avant même le départ, les prisonniers alliés, dépossédés de leurs maigres rations par les troupes japonaises en manque, n'avaient ni eau ni nourriture pour le trajet, de Cabcaben au Camp O'Donnell.

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Entretemps, Tsuji utilisait la même tactique qu'à Singapour. Il transmit de faux ordres indiquant que "tous les prisonniers devaient être exécutés" et attribua ces ordres à Sugiyama lui-même. Plusieurs officiers refusèrent d'obtempérer avant d'avoir de voir les ordres écrits mais bon nombre obéirent, notamment les hommes de la 16ème division qui s'étaient "illustrés" à Nanking en 1937 et la 65ème brigade qui exécuta au sabre 400 philippins.

La pagaille la plus complète règna tout au long du trajet et l'un des deux hôpitaux de Balanga, prévus pour accueillir les blessés, fut même pris d'assaut par des soldats japonais qui tuèrent les patients et violèrent les infirmières.

En raison d'une combinaison de facteurs comme la désertion d'un bon nombre de soldats et la désorganisation des troupes alliés, l'estimation du nombre de victimes impliquées s'avère très variable. Elle varie ainsi de 9000 à 15 000 soldats américains capturés, dont 600 à 1 500 morts, et de 60 000 à 70 000 soldats philippins cappturés, pour 5 000 à 25 000 morts. Les chiffres retenus par le Tribunal de Manille sont quant à eux de 78 000 soldats capturés, dont 20 000 morts.

Les cause de décès sont innombrables. Les victimes sont notamment mortes de désydratation, de coup de soleil, de maladie, de blessure, d'épuisement ou encore simplement exécutés au sabre ou à la baïonette par les soldats japonais.


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3) LE JUGEMENT

Incapable d'accepter la défaite, Sugiyama se suicida peu après la reddition des forces shôwa en se tirant 4 balles dans la poitrine.

Mac Arthur, maintenant commandant des forces d'occupation, manifesta clairement sa volonté de voir les généraux qui l'avaient affronté aux philippines, en l'occurence Homma et Tomoyuki Yamashita, inculpés de crime de guerre.

L'enquête, menée de façon expéditive, fut bâclée au point où deux juges de la cour suprême des E-U critiquèrent vertement la façon de faire de la commission millitaire des Philippines. Outré, Mac Arthur répliqua que "ceux qui s'oppposent à une si honnête procédure ne peuvent être qu'une minorité" et "qu'aucun sophisme ne peut limiter la justice à une forme particulière".

Homma fut reconnu coupable et condamné à à mort le 11 janvier 1946. Il fut fusillé le 3 avril de la même année à la prison de Los Banos.

Tsuji échappa quant à lui à tout procès. Après avoir servi comme mercenaire en Indochine lors de la reddition, il revint au Japon en 1952 et publia ses mémoires. Il rejoignit ensuite ses anciens collègues au parti libéral démocrate et se fit élire député, poste qu'il perdit en 59 alors qu'il fut renvoyé par Nobosuke Kishi qui le jugeait incontrôlable. Il disparut dans la jungle cambodgienne et 1961 et est considéré légalement mort depuis.

Les témoignages suivants sont tirés des livres Without shame et The remains of war , tous deux publiés chez Lyons press.


Tsutomu Suzuki :
"Nous avions à peine de quoi nous nourrir et voilà que des officiers nous demandaient de partager avec l'ennemi. Encore plus, on nous avait enseigné que cet ennemi était méprisable. Ils se rendaient sans résistance. Ils devaient s'attendre à ce qui est arrivé. Nous, nous continuions le combat pendant que ces lâches voulaient se reposer. D'ailleurs, les officiers eux-même étaient confus puisque certains nous encourageaient à les battre."

Masaharu Ueda :
"Les Philippins étaient suspicieux, hédonistes et ne voulaient pas travailler; peut-être parce qu'ils étaient sous le joug colonial depuis longtemps. Quand nous étions puissants, ils nous suivaient. Mais dès que nous n'avons plus été en mesure de leur donner quelque chose, ils se sont alliés aux américains. Ils manquaient de patriotisme et agissaient seulement pour leur bien être. Je ne pouvais pas les aimer... Bien que je fusse un officier, je ne me battais pas pour l'empereur. Je me battais en sol étranger pour défendre les japonais restés chez nous. ... Pour ce qui est des prisonniers, on nous a ordonné de confisquer leur nourriture car nous n'avions plus rien et nous avions encore à combattre l'ennemi."

Kenji Oda :
"Il y avait des rumeurs qui racontaient qu'un officier envoyé par l'empereur se promenait en camion tout le long du convoi et décapitait les prisonniers. Je ne l'ai pas vu mais tout le monde en parlait. Nous étions fiers de lui car il il donnait un sens à notre sacrifice... Je ne me sens pas désolé pour les philippins. C'est arrivé pendant la guerre. Nous n'étions pas en sécurité, même avec les femmes et les enfants. Ils portaient des grenades sous des paniers de bananes et nous tiraient aussi au fusil. J'ai vu de mes yeux une femme aprocher d'un soldat, utilisant son charme sexuel et soudainement lui tirer dessus avec un pistolet qu'elle cachait. Nous devions toujours faire attention."

Motoichi Tanabe :
"Lorsque je suis arrivé à l'hopital de Balanga avec mes camarades, tous les patients avaient été tués, même nos propres soldats. On disait qu'un envoyé de l'empereur avait voulu les punir de s'être rendu à l'ennemi et fait soigner par lui. On nous a ordonné de tuer les prisonniers et de prendre leur nourriture. Quand je repense à tout cela, je sais que nous avons commis des actes horribles. Nous volions, nous tuions. C'était raisonnable pour eux d'agir contre nous les japonais. Si j'avais été un jeune philippin, je serais sûrement devenu un combattant de la guérilla."


COURTE BIBLIOGRAPHIE SUR LE SUJET :


-Bataan, the march of death, Stanley Falk, Norton 1962
-Brothers from Bataan, Adrian Martin, Sunflower university press, 1992
-Prisonners of the japanese , Gavan Daws, William Morrow 1994
-Teikoku Rikugun no-Saigo Shinko-hen, Masanori Ito, Kojin-sha, 1988
Rédacteur Romualdtallion
Le lien pour débattre


 

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