Journées du patrimoine 2014 : au cœur de l'ancienne gare de déportation de Bobigny ouverte au public exceptionnellementOn y accède par une porte dérobée, sur un pont de l'avenue Henri Barbusse qui mène à Drancy en Seine-Saint-Denis. Quelques marches descendues, une petite allée bordée d'une dense végétation traversée et nous voici au cœur de l'ancienne gare de déportation de Bobigny, d'où partirent 21 convois de juifs français vers Auschwitz-Birkenau entre juillet 1943 et août 1944.
Construit sur une zone de friche comme il en existe des dizaines dans le département, ce symbole de la déportation en France lors de la Seconde Guerre mondiale s'inscrit parfaitement dans le thème des 31e Journées européennes du Patrimoine, les 20 et 21 septembre: "Patrimoine culturel, patrimoine naturel".
Avant d'évoquer l'aspect nature du site, et en cette année de commémorations de "39-45" (70 ans du débarquement et de la Libération, 75 ans du début de la guerre), il faut s'imaginer, là, sur la grande dalle de béton face à la halle des marchandises, en train de fouler le sol où 22.500 juifs français posèrent le pied pour la dernière fois avant de gagner Auschwitz dans des wagons à bestiaux. En 1945, à la fin de la guerre, seulement 1759 d'entre eux survivront, dont des témoignages poignants sont retranscrits sur les murs de la gare:
Au total, près d'un tiers des juifs déportés de France vers Auschwitz partirent de la gare de Bobigny, quand les quelque 50.000 autres entamaient le périple de 53 heures vers la Pologne depuis la gare du Bourget-Drancy, trois kilomètres plus loin.
Depuis 2012, le site est accessible au public, uniquement lors de visites organisées. "Celui-ci reste hétéroclite: des groupes scolaires, des touristes, des Parisiens venus découvrir un lieu historique au-delà du périphérique et bien entendu des familles de déportés", énumère Anne Bourgon, chargée de mission patrimoine mémoriel à la ville de Bobigny.
Une riche biodiversité, propre à la Seine-Saint-DenisAujourd'hui, un projet de valorisation de la gare est mené. Condamnée par des grands murs de béton peints en noir, la halle des marchandises (édifiée en 1930), après six mois de travaux, accueillera en 2015 des manifestations commémoratives et culturelles en rapport avec l'histoire et la mémoire du lieu. Le bâtiment des voyageurs (1928) sera lui aussi réhabilité pour héberger un espace d'accueil pour les visiteurs ainsi qu'une institution.
Le projet est d'autant plus intéressant qu'au milieu de cette zone de friche de 3,5 hectares qui doit sans cesse "trouver un équilibre entre préservation à l'état sauvage et mise en valeur de certaines zones", on recense une riche biodiversité, propre au département francilien. "On a ici trois espèces rares de fleurs, dont une jamais observée ailleurs, ainsi que 25 variétés d'oiseaux, dont deux espèces patrimoniales", note Anne Bourgon. Au sein de ce lieu de mémoire de la Shoah, le respect et l'entretien de la nature est donc une priorité. Ronces, fougères et hautes herbes reprennent régulièrement le dessus sur les rails, près du bâtiment des voyageurs ou le long de la clôture.
Le projet de valorisation de la gare, après un inventaire floristique et des recommandations de gestion écologique, permettra à une équipe paysagiste-écologue désignée par la ville de Bobigny de concevoir un jardin de friche destiné à mettre en valeur ce lieu de mémoire et de nature.
"Patrimoine culturel, patrimoine naturel", Shoah et biodiversité: les 20 et 21 septembre pour les Journées du Patrimoine, un philosophe devrait être présent sur le site, annonce Anne Bourgon, pour répondre à cette question existentielle: finalement, "qu'est-ce que le vivant?"
Visites guidées avec Anne Bourgon les 20 (14h30 et 16h30) et 21 (11h) septembre. Rendez-vous sur place -51, avenue Henri Barbusse (sur le pont)- après inscriptions auprès de l'office du tourisme (01 48 30 83 29;
[email protected]).
Source : huffingtonpost france/AFP