Connexion  •  M’enregistrer

l’opération Frankton

Tout ce qui concerne la libération de l'Europe et qui n'est pas développé au sein des sections ci-dessus.
MODÉRATEUR: EQUIPE ADMINS/MODOS

l’opération Frankton

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de chazette  Nouveau message 24 Déc 2008, 01:59

Kayaks sur la Gironde : l’opération Frankton
Petit historique des faits
texte AC

Le 30 novembre 1942 dans la matinée, le sous-marin britannique HMS Tuna du Lt-Cdr R.P. Raikes quitte Glasgow pour une mission très spéciale. A son bord ont pris place douze commandos du Royal Marine Boom Patrol Detachement qui sont chargés d’exécuter un raid des plus audacieux, remonter la Gironde en kayak pour aller couler les briseurs de blocus allemands dans la port de Bordeaux.
Baptisée « Frankton », l’opération a été proposée en septembre par le Vice-Admiral lord Louis Mountbatten, chef des opérations combinées. Après une sélection sévère, le Major H.G. «Blondie» Hasler, commandant le Royal Marine Boom Patrol Detachement, une unité formée en juillet pour ce type de mission, a retenu onze Marines qui se sont durement entraînés en Ecosse. Ils seront répartis en six équipes doubles à bord de six kayaks baptisés Cachalot (Marine W. Ellery et Marine E. Fisher), Catfish (Major H.G. Hasler et Marine W.E. Sparks), Coalfish (Sergent S. Wallace et Marine R. Ewart), Conger (Caporal G.J. Sheard et Marine D. Moffatt), Crayfish (Caporal A.F. Laver et Marine W.H. Mills) et Cuttlefish (Lieutenant J.W. MacKinnon et Marine J. Conway). Légers, discrets et maniables, ces kayaks Mark II surnommés « cockles » (coquilles de noix) peuvent porter 75 kg de matériel en plus de leur deux membres d’équipage (poids à vide: 45 kg; longueur: 4,80 m; largeur: 0,71 m; tirant d’eau: 0,15 m). Chaque équipe emportera huit mines magnétiques « limpets » de 5 kg qui devront être placées sous la ligne de flottaison des navires à couler.
Après une semaine de navigation, le HMS Tuna se présente dans la soirée du 6 décembre au large de la côte du Médoc. Ne pouvant se repérer en raison du brouillard, il doit patienter en immersion jusqu’à la nuit suivante. Il fait enfin surface à 20 h 00 le 7 décembre face à Montalivet dans le sud-ouest de la pointe de Grave par 45°22’ nord et 01°14’ ouest. Immédiatement, le débarquement du commando commence dans la nuit noire, sur une mer peu agitée. Les kayaks sont montés sur le pont du sous-marin. Mais au cours de la manœuvre, le flanc en toile du Cachalot est déchiré. Pour Ellery et Fisher, l’aventure se termine avant même d’avoir commencé. Les cinq kayaks restants sont mis à l’eau et les dix commandos prennent place à leur bord. A 20 h 22, par un froid vif, ils s’éloignent silencieusement dans l’obscurité.
Après trois heures de navigation, les kayaks atteignent le premier mascaret (vague déferlante engendrée par la rencontre à l’entrée de l’estuaire du flux et du reflux), à hauteur de la pointe de la Négade. Quatre parviennent à le franchir, mais le Coalfish de Ewart et Wallace est perdu de vue. Il n’est pas possible de l’attendre, la mission devant se poursuivre à tout prix sans perte de temps (le Coalfish a chaviré, mais les deux hommes pourront atteindre le rivage à la nage. Capturés le lendemain matin, ils seront remis au redoutable SD qui ne réussira pas à les faire parler. Ils seront fusillés comme terroristes au château de Dehez près de Bordeaux dans les premières heures du 13 décembre). Devant la pointe de Grave, le second mascaret apparaît plus violent que le premier. Il est fatal au Conger de Sheard et Moffatt qui chavire à son tour. Pris en remorque par le Catfish et le Crayfish dont l’allure est ainsi dangereusement ralentie, les deux hommes décident de rejoindre le rivage à la nage (plus personne ne les reverra vivant. Le corps de Moffatt sera découvert le 17 décembre près de Bois-en-Ré, celui de Sheard ne sera jamais retrouvé).
A hauteur du Verdon, les trois derniers kayaks réussissent à déjouer la vigilance de trois patrouilleurs placés en surveillance à l’entrée de l’estuaire. Le Catfish et le Crayfish passent l’un après l’autre, mais ils perdent définitivement le contact avec le Cuttlefish. Désormais seuls, ils entament leur longue remontée de la Gironde. Après huit kilomètres, Hasler donne alors l’ordre de rejoindre la rive pour se mettre à l’abri. Il est déjà 6 h 30 et le jour va bientôt se lever. Les quatre Marines épuisés accostent à la pointe aux Oiseaux et camouflent leurs kayaks dans les roseaux avant de prendre un repos bien mérité.
Ils repartent à 23 h 30 le 8 décembre. Plusieurs étapes seront nécessaires pour couvrir les 80 km qui les séparent encore de Bordeaux. Ils vont naviguer de nuit, progressant par étapes d’une trentaine de kilomètres en utilisant le flux portant de la mer. Durant six à sept heures, les quatre hommes pagayent à bout de force dans la nuit noire et glacée, prenant des comprimés de benzédrine pour rester éveillés. Un véritable exploit sportif! Au matin du 9 décembre, ils font halte sur la rive droite face à Saint-Estèphe, et le matin suivant ils atteignent l’entrée de la Garonne et s’arrêtent à la pointe sud de l’île de Cazeau. A chaque fois les kayaks sont camouflés dans les roseaux de la berge et les hommes peuvent alors récupérer de leurs efforts, vivant sur leurs réserves d’eau et de nourriture. Les journées se passent sans incident. Après une ultime étape nocturne de 24 km, ils arrivent devant Bassens le 10 décembre vers 23 h 00 et aperçoivent au loin les quais de Bordeaux tout éclairés. Mais il est trop tard pour tenter l’aller-retour. Hasler décide d’attendre la nuit suivante pour passer à l’action. Les deux kayaks gagnent alors l’abri de la rive gauche.
La journée du 11 décembre est mise à profit pour revoir le plan d’attaque. Il est ainsi décidé que le Crayfish s’en prendra aux cargos ancrés à Bassens pendant que le Catfish remontera jusqu’à Bordeaux. Malgré l’épuisement, les quatre hommes conservent toute leur détermination. Enfin à 21 h 10, les deux kayaks prennent le départ. Séparément, ils se dirigent vers leurs objectifs. A Bassens, Laver et Mills posent leurs mines sur les cargos Alabama et Portland. De leur côté, arrivés à Bacalan vers 23 h 00, Hasler et Sparks placent leurs « limpets » successivement sur le cargo Tannenfels, le gros Sperrbrecher 5 Schwanheim, le cargo Dresden et un pétrolier. A chaque fois, l’opération est répétée à l’identique : pendant que Sparks maintient le kayak contre la coque du navire avec un crampon aimanté, Hasler pose ses mines à un mètre sous la ligne de flottaison à l’aide d’une perche spéciale. Leur mission accomplie, les deux kayaks se retrouvent ensuite au point de rendez-vous, à hauteur de Bassens. Dès le départ, il avait été décidé que les commandos devraient rejoindre l’Espagne par leurs propres moyens en se faisant aider par la Résistance française. Les quatre hommes gagnent les environs de Blaye où ils débarquent, détruisant leurs kayaks. Pour plus de sécurité, ils se séparent ensuite, se donnant rendez-vous à Barcelone.

Dans la matinée du 12 décembre, les explosions vont s’enchaîner à Bassens et Bordeaux, les détonateurs ayant été réglés pour exploser avec un retard de huit heures. Entre 7 h 45 et 9 h 45, quatre cargos vont ainsi sauter. Appelés à l’aide par les autorités allemandes, les sapeurs du Port Autonome de Bordeaux, sous la direction de l’ingénieur Brard et du lieutenant Carteau, feront tout pour aggraver les dégâts. L’Alabama, le Dresden et le Tannenfels coulent, pendant que le Portland est ravagé par les flammes. Seul ce dernier pourra être rapidement réparé. Sous les ordres du Kapitän Tünemann, il appareillera pour le Japon le 29 mars 1943. Les mines posées sur le Schwanheim se sont détachées et le sperrbrecher ne subit aucun dommage. Enfin, le pétrolier n’est que légèrement endommagé grâce à la protection de ses cloisons doubles.
Laver et Mills seront arrêtés dès le 14 décembre près de Saintes par des gendarmes français qui les remettront au SD. En cellule, ils retrouveront leurs camarades du Cuttlefish, MacKinnon et Conway. Après avoir perdu le contact avec les autres kayaks devant Le Verdon au cours de la première nuit de l’opération, les deux hommes avaient poursuivi seuls leur mission. Mais parvenus jusqu’à l’île Cazeau, leur kayak a été éventrée par une épave dans la nuit du 10 au 11 décembre. Ils ont été capturés le 18 décembre par des gendarmes français qui les ont remis au SD. En application de l’ordre spécial du Führer, dit «Ordre des Commandos», les quatre hommes seront fusillés à Paris le 23 mars 1943. Finalement, seuls Hasler et Sparks atteindront l’Espagne, début mars, après un périple de plus de trois mois qui les aura conduit successivement à Ruffec, Lyon, Marseille et Perpignan. Sparks rejoindra Gibraltar et Hasler prendra à Madrid un avion pour Londres.
L’opération « Frankton » constitue l’un des plus beaux faits d’armes de la seconde guerre mondiale. Malgré la perte de huit commandos sur dix, son succès est indéniable. Pour leur grande bravoure, les dix hommes ayant pris part au raid recevront la Royal Medal. Hasler se verra en plus décerner la DSO et Sparks la DSM.


AC


 

Voir le Blog de chazette : cliquez ici


Re: l’opération Frankton

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de Tom  Nouveau message 18 Jan 2009, 11:52

Cher A. C., comme tu (on se tutoie sur le forum) n'as pas indiqué ton adresse électronique perso (à ce qu'il me semble, en tout cas), je me permets de m'adresser à toi sur ce fil qui m'en a donné l'idée, bien que ma question n'ait aucun rapport avec l'opération Frankton.

Il y a belle lurette, avant la parution de ton livre sur les paras allemands en France, tu m'as envoyé de précieux renseignements sur la composition et l'armement de la 157. Reserve-Division au début 1944, qui m'ont été bien utiles pour rédiger ma page sur cette unité en mars 1944, en tête de laquelle je cite ton nom aux côtés de Georg Tessin : http://alain.cerri.free.fr/index9.html.

Bref, si je ne te l'ai pas déjà demandé, aurais-tu des infos ou de nouvelles infos (ordre de bataille, plan d'attaque, rapports d'opérations, journaux de marche...) au sujet de l'opération Hoch-Savoyen menée contre le maquis des Glières fin mars 1944 ? Ou, à défaut, des sources où je pourrai en trouver !

En effet, à part des télégrammes de la Sipo-SD et des fragments d'un journal de marche de compagnie, aucun document authentique n'est apparu pour l'instant. Seuls, certains "historiens" locaux publient de prétendus "fac-similés", en fait des traductions en français d'originaux allemands qu'ils ne produisent pas et dont ils ne mentionnent pas les références (et pour cause !).

Grand, grand merci d'avance ! :D

A. C.

vétéran
vétéran

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 947
Inscription: 17 Oct 2006, 18:39

Voir le Blog de Tom : cliquez ici


Re: l’opération Frankton

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de brehon  Nouveau message 01 Avr 2011, 21:57

Bonsoir,

Sur le site de la Marine Nationale:
http://www.defense.gouv.fr/marine/au-fi ... e-grave-33
Cordialement.
Yvonnick

vétéran
vétéran

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 11127
Inscription: 14 Déc 2009, 15:45
Région: Bretagne
Pays: France

Voir le Blog de brehon : cliquez ici


Re: l’opération Frankton

Nouveau message Post Numéro: 4  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 01 Avr 2011, 22:14

Très bonne initiative que d'ériger ce monument !

A propos de l'opération Frankton, pour ceux qui aiment lire, je recommande ce livre :

Cockleshell Heroes de CE. Lucas Phillips, traduit en français en 1956 sous le titre Opération Coque de Noix. Ce livre est paru ensuite aux éditions J’ai lu leur aventure, et en voici la couverture :
Image

Et si mes souvenirs sont bons tous les ans un défi est réalisé en canoë pour commémorer l'exploit sportif que constitue l'Opération Frankton.

;)
Vincent
"L'ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent ; elle compromet, dans le présent, l'action même."
Marc Bloch
Fusillé par l'occupant le 16 juin 1944

vétéran
vétéran

 
Messages: 2794
Inscription: 20 Fév 2008, 22:44
Localisation: Laon
Région: Entre Picardie et Champagne
Pays: France

Voir le Blog de Vincent Dupont : cliquez ici


Re: l’opération Frankton

Nouveau message Post Numéro: 5  Nouveau message de omega.067  Nouveau message 02 Avr 2011, 12:37

Bonjour
un documentaire d'archives en DVD est paru il y a quelques années,( 2001 je pense) sous le titre "Raid sur Bordeaux, des commandos sur des coquilles de noix" dans la collection 1944 archives inédites, n° 3760 12946 2895, il est pas mal fait et dure 45mn
plus d'info sur http://www.militaris.fr ou le catalogue sur http://www.epidif.fr (taper "Bordeaux" dans la barre de recherche de la rubrique deuxième guerre du site, car il est vaste


 

Voir le Blog de omega.067 : cliquez ici


Re: l’opération Frankton

Nouveau message Post Numéro: 6  Nouveau message de fbonnus  Nouveau message 03 Avr 2011, 21:54

Excellent ce documentaire, je l'ai et je vous le recommande.
« Alors mon petit Robert, écoutez bien le conseil d'un père !
Nous devons bâtir notre vie de façon à éviter les obstacles en toutes circonstances.
Et dites-vous bien dans la vie, ne pas reconnaître son talent, c'est favoriser la réussite des médiocres. »
_________________________________________________
Michel Audiard

Administrateur
Administrateur

Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 9865
Inscription: 18 Avr 2010, 16:07
Localisation: En Biterre
Région: Languedoc
Pays: France

Voir le Blog de fbonnus : cliquez ici



Connexion  •  M’enregistrer

Retourner vers LA LIBERATION




  • SUR LE MEME THEME DANS LE FORUM ...
    Réponses
    Vus
    Dernier message
 
  ► Les 10 Derniers Posts du jour Date Auteur
    dans:  Quiz suite - 7 
il y a 2 minutes
par: Prosper Vandenbroucke 
    dans:  Maquettes à l'école. D Day 80. 
il y a 19 minutes
par: Dog Red 
    dans:  Les Feux de la rampe 2.0 : Connaissons-nous bien la British Expeditionary Force (BEF) ? 
il y a 46 minutes
par: iffig 
    dans:  Les Feux de la rampe 2.0 : La guerre en Indochine, 1 er septembre 1939/14 septembre 1956. 
il y a 49 minutes
par: iffig 
    dans:  L'armée d'armistice 
il y a 59 minutes
par: iffig 
    dans:  Reinhard Heydrich androgyne ? 
Aujourd’hui, 09:04
par: Jumbo 
    dans:  Paul Nizan, un intellectuel mort au combat 
Aujourd’hui, 02:04
par: dynamo 
    dans:  Qui est Edwige Thibaut ? 
Hier, 23:17
par: alfa1965 
    dans:  Osprey annonce (encore et toujours ...) 
Hier, 22:12
par: Loïc 
    dans:  Uniformes et équipement de l'Armée impériale japonaise 
Hier, 21:02
par: iffig 

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Philippemorvan et 41 invités


Scroll