Post Numéro: 5 de le pitaine 23 Oct 2010, 10:20
En réponse à votre réponse en MP,
Je vous transmets donc, un petit historique issu de mes recherches et que j'ai rédigé,
afin que tout le monde en profite :
" Yves Durant 1 nous dit :
« Ainsi traversant une partie de la France du Nord et de la Belgique, les prisonniers de mai 1940, ceux de Flandres, de Dunkerque, des Ardennes, vont de cantonnement en cantonnement. Ces étapes du calvaire se prolongent par celui du transfert en Allemagne dans les jours qui suivent leur capture. Dans les cantonnements surpeuplés de France, les allemands rassemblent une partie des hommes. Ce n’est pas pour le départ au travail. Ils doivent emporter tout ce qu’ils possèdent encore et on leur distribue des vivres pour deux ou trois jours. Cela se produit pour certains, quelques jours après leur internement dans les camps de transit, de mai en juin 1940 ». Il apparaît également dans ce même ouvrage, que pour certains avant l’étape du train, le transfert en Allemagne a commencé par un voyage fluvial sur les rivières et les canaux de Belgique et de Hollande, depuis le Nord de la France. Ils ont embarqué sur des péniches.[/align]Les numéros des prisonniers ont été attribués selon les mêmes principes, que les numéros des soldats allemands. Ils furent enregistrés par la « Wehrmachtauskunftselle für Kriegerverluste (WASt) » à Berlin. A ce jour une administration appelée : « Deutsche Dienstsstelle (WaSt) für die Benachrichtigung der nächsten Angehörigen von Gefallenen der ehemaligen deutschen Wehrmacht » est toujours en fonction. En 1945, cette dernière a délivrée aux alliés, tous les dossiers des prisonniers de guerre en sa possession.
Le stalag VB était situé à Villingen-Schwemmingen (Sud-ouest de l’Allemagne, province du Württemberg) et installé dans la région du Bade-Wurtemberg allemand, sur les pentes de la Forêt Noire, à huit cent mètres d’altitude. Proche des abords de Villingen et à 40km de Fribourg-en-Brisgau, il n’est distant que d’environ 40km de la frontière suisse. C’est pour cette raison qu’en 1941, il était réputé comme l’un des plus fertiles en évasions, en raison de la proximité de la poche de Schaffhouse, qui réduisait considérablement la distance avec la frontière de la liberté. Le chiffre V signifie2 qu’il dépendait de la région militaire n°V (Sud-ouest de l’Allemagne), ayant comme administration centrale ; Stuttgart. Avant son ouverture en avril 1940, il existait un camp pour une courte période à Zimmern, près de Rottweil. Tous les stalags ont été construits selon un plan uniforme avec des bâtisses en bois ; le VB possédait également des bâtisses en maçonnerie. Le camp hébergea environ 30 000 personnes durant son activité comprise entre le mois d’avril 1940 et janvier 1945.
1 « La captivité, histoire des prisonniers de guerre français 1939-1945 ». Yves Durant, éditions de la fédération nationale, combattants, prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc, 1980. 542 pages
2 D’après Monsieur Joachim Sturm, archiviste du conseil général de Villingen.
En 1941 il compte 15 000 prisonniers. Les personnels composant la garde de ce camp, appartiennent à l’unité ‘‘Landesschützenbataillon 411’’ de Rottweil ou au ‘‘Landesschützenregiment 55’’ de Donaueschingen. Ces hommes de plus de 40 ans, étaient trop âgés pour être incorporés dans la Wehrmacht, ou présentaient une inaptitude au combat. Ils étaient assistés dans leur tâche par les habitants originaires du lieu, habitants les villages aux alentours.
Les différents dirigeants du camp nous sont actuellement inconnus dans leur intégralité, les archives furent brûlées en 1945, lors de l’avance de la 1ère armée française du général de Lattre. Mais en se référant aux trois « avis contre les évasions » édités par le commandant de ce stalag et publiés dans le livre d’Yves Durand, nous pouvons lire : Barten, major (commandant). Par contre, un de ces responsables est bien connu, il s’agit de l’hauptmann Goetz (capitaine) en poste au VB, de mai 1941 à avril 1945 et de son adjoint, le sous-officier Klein. Ce stalag a accueilli des prisonniers de guerre, anglais, écossais, canadiens, serbes, polonais, ukrainiens, russes et effectivement des français, dont de nombreux corses. Beaucoup de prisonniers français sont libérés en 1942 grâce au S.T.O. instauré par le gouvernement de Vichy. Cette obligation de travailler en Allemagne concernait les civils à partir d’un certain âge. Ces derniers n’étaient pas placés dans des camps comme les militaires, mais vivaient chez l’habitant.
En 1945-46, le stalag accueille le 19e G.C.,[b]3[b] puis est utilisé comme centre de rapatriement et centre d’accueil pour les réfugiés d’Allemagne de l’Est, ensuite il est en grande partie détruit. Le terrain appartenait à l’armée française, au moins jusqu’en 2000 (année des rétrocessions de terrain à l’Allemagne), qu’elle utilisait en temps que caserne (Kaserne Richthofenstr, Waldkasern).
Les emplois au stalag :
L’emploi dans les fermes, les chantiers, les ateliers, les mines et les usines du pays ennemi, fait partie de la condition du prisonnier de guerre. La convention de Genève autorise expressément la puissance détentrice des prisonniers à les utiliser dans son économie, pourvu que ce ne soit pas dans des entreprises de guerre. Dès 1940, un document établi par la direction du ‘‘plan de quatre ans’’ en présence de représentants de l’O.K.W. et sous l’autorité de Goëring, envisage d’employer les prisonniers seulement dans l’agriculture. Malgré ce document, les prisonniers sont déjà employés à la construction d’usines d’explosifs par l’organisation Todt4. À peine arrivés au camp et après avoir reçu leur numéro d’immatriculation, les P.G. sont dirigés vers un lieu de travail en Arbeitskommandos5, sans véritable critère de sélection, en début de captivité. L’emploi le plus répandu est certainement le travail agricole. Les P.G. se disent volontiers cultivateurs, afin de pouvoir sortir des barbelés et échapper aux affres de la faim. Ceci leur permettait également d’oublier ou d’échapper à la rumination quotidienne de leur malheur. S’intéresser à son travail pour ne plus penser à autre chose…Les emplois ne concernait pas que les travaux agricoles, d’après les témoignages, certains sont répartis chez les artisans, dans les services urbains en ville, ou l’industrie. Mais jusqu’en 1942, les P.G. sont essentiellement employés dans des kommando d’agriculture.
3 Groupement de chars.
4 « Le rôle des prisonniers de guerre dans l’économie de guerre du IIIe Reich ». Joseph Billing, revue d’histoire de la 2e G.M, n° 37, janvier 1960. Pages 53 à 76.
5 Commandés la majeure partie du temps par les feldwebel-kommando-führer : chef de kommando.
Les témoignages précisent qu’à l’automne 1941, les prisonniers effectuant ce travail dans les champs de pomme de terre, dormaient sur les exploitations. L’hiver, ils déblayaient des routes ; « des kommando se rendaient à Donaueschingen afin de réaliser le drainage des routes ». Plus tard, ils sont envoyés dans les usines des environs (l’usine SABA-RADIO n’est qu’a une centaine de mètres, du camp principal de Villingen), également sous forme de Kommando : les ‘‘Kommando d’allmendingen’’. Ces usines d’horlogerie fabriquaient des instruments de précision pour la Luftwaffe et les U-Boot. Elles fabriquaient également des détonateurs et autres pièces de précision en métal.
Il est important de noter que l’usine SABA-RADIO possédait, avant guerre, la Waldkasern, sorte de camp annexe situé à une centaine de mètre du camp principal. Grand bâtiment en pierre et en maçonnerie, elle héberge au début de la guerre les Hitlerjungend, puis en avril 1940 les premiers prisonniers de guerre (environ 500 personnes), le temps de la construction fin 1940-début 1941, du stalag VB. Elle possédait une infirmerie, des cellules, des chambres de préventionnaires pour les suspects et les évadés en attente de départ pour le camp disciplinaire de Heuberg. D’autres usines employaient les P.G. pour la fabrication de ciment, de textile (usine d’Onsettingen) ou de l’aluminium.
Ce sont les employeurs qui viennent parfois eux même au camp, choisir leur main-d’œuvre. Fin 1940, tous les P.G. sont répartis à travers la région, dans les villages et les fermes alentours. Au sein du camp, ne restent que les prisonniers destinés à assurer les services, souvent ce sont des sous-officiers réussissant à s’incruster sur place, ce sera le cas de Fernand. Ces ‘‘Bau-Kommando’’ étaient chargés de la construction, de l’aménagement et de l’entretien du VB.
La répression.
Proche de Stetten, il existait un camp spécial : le camp disciplinaire de Heuberg. Il fut construit à mile mètres d’altitude sur un plateau rocailleux où les prisonniers de guerre pouvaient apercevoir la ligne des sommets enneigés suisses. Les prisonniers condamnés par le tribunal interne du stalag VB, y purgeaient une peine de deux à trois mois, voir dix huit mois dans des conditions que nous pouvons imaginer... Ce tribunal interne placé sous l’autorité du colonel commandant l’ensemble du stalag VB, faisait office de conseil de guerre. Certains noms des membres y siégeant, nous sont parvenus6 : Teufel, était chargé des enquêtes pour tenter de retrouver les fuyards. Fricke, officier de justice et avocat général, en fonction au camp après mars-avril 1942, était chargé d’instruire les affaires et d’établir les procès-verbaux qu’il transmettait au conseil de guerre.
Pour cela, il était adjoint de deux secrétaires. Schandelmeyer, officier et avocat, était chargé de défendre les P.G. devant le conseil de guerre. Les inculpations concernaient principalement les tentatives d’évasions, mais également le refus de travail dans les usines d’armement, les agressions sur les sentinelles, les vols de denrées alimentaires (aux allemands)…etc.
6 « Histoire du temps perdu », collectif. Edition à compte d’auteur : ‘‘les captifs de la Forêt Noire’’, 68 rue de la chaussée d’Antin, Paris, 1950. 256 pp.
La libération du camp.
le stalag VB est libéré le 20 avril 1945 (date officielle : le 21 avril 1945), après la fuite d’une grande partie de son encadrement allemand. Dès le matin, sur ordre, de nombreuses colonnes de prisonniers russes encadrées par des sentinelles allemandes armées, se dirigent vers la Suisse. A 19 heures, l’hauptmann Goetz s’enfuit à vélo, sac tyrolien au dos, révolver au ceinturon, mitraillette en bandoulière, coiffé d’une casquette souple et casque accroché au guidon, par les bois à la sortie de Villingen et suivant la dernière colonne… Durant la journée du 20 avril, les P.G. s’efforcent de rester calme et de ne prendre aucune initiative prématurée, contre l’autorité encore présente. A 22 heures, les chars du 3e R.S.M. de la 2e D.I.M. sont présents aux abords de la ville de Villingen et ne tardent pas à engager le combat avec quelques résidus de la Wehrmacht. Pendant ce temps, le Sturmbannführer (commandant SS) Schindler qui assure le remplacement du commandement du camp, se rend à l’aspirant Larroze. Aussitôt les sentinelles mettent bas les armes et une section complète ainsi que quelques officiers, sont fait prisonniers par les P.G. Le 21 avril, derrière l’église de Villingen, un des chars du 3e R.S.M. est atteint par un panzerfaust dans sa tourelle et le Spahis Louis Mercier, est tué sur le coup. Le samedi 22 avril au soir, l’infanterie française arrive et est accueillie par des tirs d’éléments ennemis cachés dans les maisons de la ville. Aidée par des P.G. désormais libérés et armés répandus en ville, le maire ne tarde pas à faire élever des drapeaux blancs sur tous les bâtiments. Le 23 avril, le colonel du 3e R.S.M. préside la cérémonie qui consacre la libération officielle du camp. Dès le 25 avril, le rapatriement des P.G. commence à pied et par leurs propres moyens. Parmi ceux-ci, certains parlant allemand, sont réquisitionnés par le C.Q.G. afin d’occuper des postes de surveillance et d’administration. Ils sont également nommés chef de district ou occupent des postes de choix. Aux alentours de Villingen dans les plus importantes bourgades, ils sont chargés de la recherche des nazis. Perquisitions et arrestations sont nombreuses et en dix jours, le stalag VB est à nouveau rempli, mais cette fois on parle allemand à l’intérieur des barbelés. Ils peuvent ainsi mettre la main sur Goetz, que le contre espionnage français à découvert en train de labourer un champ.
Avant 1950, Goetz est condamné par le tribunal français de Freiburg-en-Brisgau à 5 ans d’emprisonnement, selon la loi n°10 sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Fricke, après la guerre à travaillé comme conseiller financier à la maison Hohner à Baden-Baden, mais il est rattrapé par son passé et écope d’une peine de vingt mois de prison, lors du même procès.7
7 « Histoire du temps perdu », page 236. Passim.
cordialement
le Pitaine
2° régiment de Dragons
"da materiam splendescam"
(condé-dragon 1635)