nuit du 30 au 31 mai 1941
Premier acte de la resistance grecque par Manolis Glezos et Apostolos Santos, tous deux alors age de 25 ans
Il faisait nuit, la lune etait montee au firmament. Une belle attique. Nous traversons, sans echanger un mot, le vieux quartier de Plaka. Seul outil pour notre entreprise : une torche electrique. Nous contournons l Acropole. En levant la tete, nous apercevons distinctement les sentinelles allemandes. Y en a t il aussi pret du mat? Qu il y en ait ou non, le sort en est jete! Personne alentour! Nous enjambons les barbeles qui enserrent la petite plinede sur le versant nord de l Acropole et, doucement, l un mettant les pas dans ceux de l autre,nous escladons les rochers a pic.
Nous voici devant une petite porte en bois pratiquee dans le mur. C est par la que les Anciens entroduisaient le serpent de Pallas-Athena. Par bonheur, le cadenas est ouvert. Nous poussons la porte et penetrons dans l enceinte. Le souffle court, nous jetons un regard alentour : a droite, les Propylees ; devant nous, le Parthenon ; a gauche, l Erechtheion. Tout cet ensemble imposant brille au clair de lune. Les marbres, qui gisent un peu partout, ont, dans cette lumiere blafarde, des formes fantastiques.
Pour l heure, personne ne se montre. Plies en deux, nous cachant derriere les morceaux de marbre, nous avancons. De temps en temps, nous jetons une petite pierre pour detourner l attention d une eventuelle sentinelle et nous donner ainsi le temps de fuir. Aucune trace d Allemands. Mais la garde ne se tient elle pas la, derriere ce petit mur semi-circulaire? Tapis dans l ombre, nous restons encore un long moment a guetter. Puis, courageusement, nous franchissons la distance quie nous separe du mât. Toujours personne. Au dessus, de nous le drapeau nazi claque au vent.
Nous denouons les cordes metalliques et commencons a tirer. Helas! les cordes se sont emmêlees et ne repondent pas. Que faire?
"Il faut que le drapeau descende!" crie quelque chose en nous.
Je me mets a grimper au mât et, arrive au sommet, j attrape le drapeau avec la main et tire de toute mes forces. Il ne veut pas tomber. Fatigue, je redescends. Une deuxieme tentative na pas plus de succes.
"A ton tour, Lake! dis je a voix basse a mon camarade.
Mais lui non plus n y arrive pas. Pour la troisieme fois, je crimpe au mât, je m y accroche. Je tire avec les ongles, avec les dents. En vain. Pourtant, le drapeau doit descendre!
Et il est descendu! Voici comment : le mât etait soutenu, a la base, par trois cordes metaliques attachees au sol. En les defaisant, nous pûmmes imprimer au mât des mouvement de va-et-vient, ce qui demela les cordes du drapeau. L immense toile tomba brusquementsur nous, nous envelissant. Fous de joie, nous nous en degageâmes et le foulâmes aux pieds. Ensuite, avec un canif, nous decoupâmes chacun un moceau, la, tout pres de la croix gammee. Ces lambeaux, nous les avons emportes avec nous, mais, plus tard, au temps de la terreur, nos meres les ont brules.
Le reste du drapeau, nous l avons ramasse et l avons jete dans le puit presque sec, qui se trouve entre les murs de l enceinte et les rochers;
(Cite par Andre Kedros, "la resistance grecque")