Post Numéro: 2 de Kristian Hamon 25 Oct 2013, 21:27
Merci Brehon de nous rappeler cette date. Vous m'avez gentiment grillé la politesse ! J'attendais demain pour envoyer un post.
Cette jeune femme a fait preuve d'un courage extraordinaire. Je vous livre ci-joint le maigre extrait que j'ai pu développer à son sujet dans mon dernier ouvrage. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire (elle n'a pas été arrêtée par la Gestapo pais par le SD). S'il y avait un Panthéon pour toutes ces femmes anonymes de la Résistance, elle y aurait toute sa place.
"L’arrestation de Thérèse Pierre
Nommée professeur à l’EPS de Fougères en octobre 1941, Thérèse Pierre prend immédiatement en charge la propagande du Front National, sous les ordres de Louis Pétri. Elle participe activement au développement des mouvements de résistance et à la fabrication de faux papiers pour les réfractaires. Cette institutrice arrive de Redon, où elle était en poste aux côtés d'une autre résistante, Melle Jan : « J’avais bien reçu la visite de Thérèse Pierre qui enseigna quelques mois à l’EPS de Redon, elle venait de Vitré où elle avait eu comme collègue une de mes amies qui lui avait conseillé de venir me voir. Je l’ai reçue en présence de mes parents et elle ne voulut sans doute pas parler nettement. Peu de temps après, elle fut nommée à Fougères. Ce n’est qu’après sa mort que j’appris son appartenance au Front National, son martyre et sa fin héroïque à la prison de Rennes. Qui m’aurait dit alors que cette jeune fille d’apparence timide et un peu effacée, supporterait les plus cruelles tortures sans livrer un seul nom ? »
Le 21 octobre 1943, Thérèse Pierre est arrêtée à son domicile, 32 rue des Prés à Fougères, sous les yeux de François Morinais, un commerçant de 39 ans, qui observe la scène : « Je me trouvais dans la salle du café tenu par ma sœur, 36 rue des Prés. Mon attention fut alors réveillée par la vue d’une voiture allemande en stationnement devant la maison et je restais aux aguets derrière la vitre. Vingt minutes plus tard, je vis Mlle Thérèse Pierre descendre la rue en compagnie d’un officier nazi qui la fit monter en voiture et referma brutalement la portière. Cela fait, l’officier se dirigea vers le bas de la rue et revint, cinq à six minutes plus tard, accompagné d’un jeune homme dont voici le signalement : âge 18 à 20 ans, taille moyenne, 1m68 tout au plus, mince de corps, quoique ayant les épaules bien carrées et le buste bien droit. Figure très jeune, un peu pâle, figure plutôt ronde sans être grosse, cheveux châtains tirant sur le foncé et rejetés en arrière, costume de couleur bleu foncé. L’individu portait en outre sur le bras un imperméable beige, et à la main une mallette marron de petite taille. Ce jeune homme ne paraissait pas être en état d’arrestation, il ne semblait ni inquiet ni gêné. Tandis que l’officier s’installait sur le siège avant de la voiture près du chauffeur, il ouvrit lui-même l’une des portes arrière et s’assit près de Mlle Pierre. L’automobile démarra aussitôt. Je dois préciser qu’en conduisant Mlle Pierre à la voiture, l’officier allemand la tenait par le bras droit. Le jeune homme dont je vous ai parlé ci-dessus au contraire marchait librement . »
Cette arrestation de Thérèse Pierre survient après celle de Mme Gautry, 66 ans, directrice de l’EPS de Fougères : « Je sais que Mlle Pierre appartenait au mouvement de résistance puisque j’ai moi-même participé à ce mouvement en collaboration avec elle. J’ai été arrêtée par trois agents de la Gestapo le 14 octobre 1943. Ces personnages m’avaient été présentés quelques temps auparavant comme appartenant à l’Intelligence Service par un camarade de la résistance qui, je le suppose, avait lui-même été trompé par les apparences. J’ai l’impression qu’il existe une corrélation entre mon arrestation et celle de Mlle Pierre. En effet, cette dernière fut appréhendée huit jours après moi. La veille de mon arrestation, elle se trouvait chez moi et je suppose que cette visite n’a pas échappé à l’attention de ceux qui me surveillaient. Au cours de mon interrogatoire, on m’a fait allusion à Mlle Pierre, pour me montrer que l’on connaissait les relations que j’entretenais avec cette personne. L’homme qui me questionnait n’a pourtant pas insisté sur ce sujet. Des individus qui m’ont arrêtée, tous paraissaient être allemands . »
Thérèse Pierre va connaître une fin tragique, sans que l’on sache avec précision ce qui s’est réellement passé, sinon ce témoignage de Louis Pétri : « Peu de temps après Mme Gautry, elle fut arrêtée à son domicile par la Gestapo. Je garde d’elle le souvenir d’une militante active, courageuse et dévouée. Sa prudence était extrême et tous ses gestes médités. Son calvaire et sa mort ne sont pas très connus. Transférée à la prison Jacques Cartier, elle fut, dès son arrestation et jusqu’à sa mort, torturée heure par heure, battue et flagellée deux jours consécutifs. Elle restait en contact avec ses compagnons de prison par le canal du chauffage central. Mme Lequeu de Dol, a recueilli ses dernières paroles. Le corps entièrement meurtri, elle se traînait sur le sol de sa cellule, sanglotait, criait de douleur, répétait inlassablement : « Je ne parlerai pas… Ils ne me feront pas parler. » Vers la fin de ce deuxième jour, elle prononça distinctement : « Ils n’ont rien obtenu de moi… » Le lendemain matin on la retrouva pendue aux barreaux de sa geôle avec un de ses bas. De toute évidence, c’était là une mise en scène allemande pour faire croire à un suicide. Mais quelle invraisemblance que, martyrisée comme elle l’était, au point de ne pouvoir plus marcher, elle ait eu la force de se pendre ! La Gestapo, en maquillant son crime de si grossière façon, achevait de le signer. Les obsèques de Thérèse Pierre eurent lieu à la cathédrale de Rennes, où son corps fut transporté de la morgue . »