Une semaine plus tard, Stéphane Courtois crachait, je le répète, sur sa tombe ouverte. Le fait même que le calomnié ait été jusqu'au bout en forme pour répondre condamne cette exploitation immédiate de son silence définitif et doit révulser, s'ils en sont informés, les honnêtes gens. Ce qui n'empêche pas qu'on puisse et doive répondre.
En admettant par hypothèse qu'il était secrètement inféodé à une puissance étrangère -jusqu'à une date que le souilleur de mémoire ne précise pas, mais faisons-le à sa place, en poussant les choses à l'extrême : jusqu'en 1991-, cela mériterait deux lignes en bas de page s'il ne s'agissait pas d'une personnalité de la Résistance française, bénéficiaire d'une spectaculaire évasion montée par son épouse enceinte en mystifiant Barbie et ses sbires. C'est bien cela qu'il s'agit de dévaloriser, tout lecteur sachant lire des deux papiers de Courtois
http://www.marianne2.fr/blogsecretdefen ... _a573.html
http://www.causeur.fr/aubrac-cote-ombre%E2%80%A6,17022
le constatera sans effort intellectuel excessif.
Si Courtois écrit en tant que militant anticommuniste, c'est à ses camarades qu'il doit rendre des comptes, sur le plan de la morale et de l'efficacité à court et long terme : je n'ai pas à en dire plus ici.
S'il écrit sous sa casquette d'historien universitaire, on ne peut que constater, comme je le faisais plus haut, une absence totale de souci de la chronologie, aussi bien au départ qu'à l'arrivée, et en matière de nuances entre divers moments correspondant peut-être, sait-on jamais, à divers degrés d'engagement. On a bien là un portrait manichéen, celui d'une essence particulièrement maléfique qui a saisi un individu, sans doute à l'âge de ses premières couches qui n'étaient pas encore culottes.
Mais il y a plus, et plus fâcheux encore pour un historien : l'absence de la moindre source, sans que cela paraisse poser problème à celui qui écrit. Certes je suis le premier à dire que l'histoire ne doit pas être frileuse devant les dissimulateurs (un zélateur de Courtois me le rappelle ici : http://fboizard.blogspot.fr/2012/04/ray ... ortem.html ); ainsi peut-elle affirmer, en dépit de l'absence de trace écrite ou de témoignage direct, que Hitler a très probablement fait brûler le Reichstag ou donné l'ordre, à la fin de 1941, de tuer méthodiquement les Juifs d'Europe accessibles à ses SS. Mais c'est en désespoir de cause, parce qu'il n'y a vraiment pas de meilleure preuve et en ayant scruté toute la paperasse possible ! Et le fait qu'il y ait eu un système dictatorial où personne n'aurait pris une telle initiative sans consulter le chef est une forme de preuve tout à fait admissible et convaincante. La preuve ! les efforts que font ceux qui ne sont pas d'accord pour décrire le système nazi comme une pétaudière anarchique.
En l'occurrence, désolé pour le sycophante, Raymond Aubrac ne s'est pas suicidé au lendemain de son cinquante-sixième anniversaire ans en laissant à la postérité une hotte d'énigmes en cadeau. Il est resté, jusqu'à cent ans ou presque, ouvert à tout questionnement. Il a consacré notamment dans ses mémoires, en 1996, tout un chapitre à l'évocation de ses liens avec le mouvement communiste. Il se peut que nos lecteurs ignorent que Stéphane Courtois dirige depuis 1982 une revue d'histoire, souvent de bonne tenue, appelée Communisme. S'il avait quelque chose à redire à ces mémoires, son devoir eût été de les y commenter ligne à ligne, ou de commander à quelque autre spécialiste un article sur ce sujet.
Mais revenons à nos moutons.
Aldebert a écrit:Alors pourquoi dites-vous il ne semble pas avoir d’engagement militant. Qu’en savez vous. ?
Il ne semble est un terme pour le moins très imprécis, je note là comme une partialité.
Quand vous dites « il ne semble pas » au bout du compte vous n’apportez aucune preuve.
Encore une fois vous tendez à minimiser voir à nier à tout prix l’engagement politique de Raymond Aubrac auprès du parti communiste. Que cela fut, cela n’enlève en rien sa participation à la résistance cette participation qui pouvait être justement stimulée par son appartenance au PC.
C’est ma conviction. et je la partage
Belle leçon de rigueur que ces derniers mots !
J'espère t'avoir convaincu que la calomnie resurgie le 11 avril visait autant la Résistance que le communisme.
Sur la question précise du groupe étudiant de formation marxiste fréquenté par Raymond vers 1936, que peut et doit dire l'historien ? D'une part il y a son témoignage : des cours, pas de carte, pas de missions militantes à la clé. D'autre part, des éléments "sociétaux" : il n'est pas entravé par un étiquetage en rouge pour aller étudier aux Etats-Unis (pays qui semble l'attirer nettement plus que l'URSS), ni pour faire la préparation militaire supérieure à une époque de fichage compulsif des communistes dans l'armée française, ni pour faire son service comme officier. Donc, effectivement, de deux choses l'une : soit il nous a dit toute la vérité et il était un étudiant intéressé par le marxisme sans inféodation, soit il était vraiment un agent jouissant depuis le début de couvertures à toute épreuve.
En l'absence de toute preuve de la dernière version, il n'y a pour l'instant aucune raison de mettre en doute le témoignage.