Post Numéro: 5 de LENEVETTE Roger 29 Mai 2010, 08:57
Bonjour Daniel
Pour mieux comprendre ce programme signé en mars 1944, il est bon de savoir ce qui s'est passé avant et comment on y est venu.
Roger
Le C.N.R.
Benoit Frachon, clandestin depuis 1939, assumait les fonctions politiques du PCF et pesait pour une meilleure prise en compte des questions sociales contre le tout militaire.
En 1942, il rencontre en secret à Cahors Léon Jouhaux, mais celui-ci est arrêté quelque temps plus tard et placé en résidence surveillée près de Buchenwald. Les contacts se trouvant rompus, c'est André Tollet dit "Toto" qui les renoue. Après bien des vicissitudes, "réformistes" et "unitaires" reconstituent une CGT unifiée.
Ce sont les accords du Perreux du 17 avril 1943 signés dans la plus triste clandestinité lors d'une rencontre au sommet entre Tollet et Bothereau pour les "réformistes". Cette unification qui ne gomme pas les divergences va jouer un rôle essentiel dans la constitution du CNR et sa production.
Jean Moulin devenu le représentant du Général De Gaulle le 1er janvier 1942 a pour charge d'unifier l'ensemble des mouvements de résistance.
Le 27 mai 1943, a lieu la première réunion du Conseil National de la Résistance qui se tient clandestinement dans l'appartement de René Corbin, au premier étage du 48 rue du Four dans le 6e arrondissement de Paris. Tous ces hommes risquent leur vie. Trahi, Jean Moulin ne tardera pas à être pris et torturé. Il mourra pendant son transfert en Allemagne.
Le CNR réunissait l'ensemble des mouvements de Résistance – Organisation civile et militaire (OCM), Ceux de la Résistance (CDLR), Ceux de la Libération (CDLL), Libération Nord, Front national, Combat, Libération Sud, Franc Tireur – ainsi que six tendances politiques – communistes, socialistes, radicaux, démocrates chrétiens, Alliance démocratique et Fédération républicaine – et deux syndicats – CGT et CFTC. À ces seize membres s'ajoutait le président – Jean Moulin jusqu'à son arrestation, puis Georges Bidault, qui représentait les démocrates chrétiens –; deux secrétaires participaient aux réunions sans voix délibérative.
Parmi ceux qui sont présents à la première réunion du CNR, plusieurs tomberont à leur tour : Roger Coquoin du groupe "Ceux de la Libération" tué par balles en 1943; Jacques Henri Simon (OCM) mort en déportation; Claude Bourdet de "Combat" rescapé de Sachsenhausen.
La CGT est représentée au CNR par Louis Saillant qui représente également le parti socialiste, tandis que la CFTC l'est par Gaston Tessier. Le communiste Ambroise Croizat entre au nom de la centrale ouvrière au Comité Français de Libération Nationale tandis qu'André Tollet devient président du Comité Parisien de Libération.
Le programme d'action de la CGT est élaboré en septembre 1943. Il contient les principales mesures économiques et sociales qui seront intégrées au Programme du CNR dont Saillant prendra même la présidence le 11 septembre 1944.
Au sein de l'importante commission économique de l'Assemblée d'Alger dont font partie les syndicalistes Buisson, Gazier (ex-réformistes) ainsi que Croizat et Fayet (ex-Unitaires), la CGT joue un rôle moteur dans l'élaboration des réformes de structure. Neuf des vingt deux rapports ou propositions déposés à l'Assemblée Consultative concernant les Comités d'Entreprise, la Sécurité Sociale ou les Nationalisations proviennent directement de la CGT. Le syndicaliste Pierre Neumeyer joue un rôle essentiel dans l'élaboration du statut des fonctionnaires et son collègue André Tollet en matière de ravitaillement.
Parmi les mesures envisagées alors et appliquées à la Libération, on trouve la nationalisation de l'énergie, des assurances et des banques, la création de la Sécurité Sociale, les Comités d'Entreprise.
Pour la première fois la CGT a ses ministres, le plus connu d'entre eux étant Ambroise Croizat, député communiste de la Seine de 1936 à 1940, arrêté en 1939, déporté en Algérie. Il représentera la CGT à l'Assemblée Consultative d'Alger. A la Libération, Croizat sera nommé ministre du travail du général De Gaulle du 21 novembre 1945 au 26 janvier 1946, puis ministre du travail et de la sécurité sociale du 26 janvier au 16 décembre 1946 et du 22 janvier 1946 au 4 mai 1947 (fin de la participation communiste au gouvernement).
Ce fut ainsi la seule fois que sans rien renier de sa souveraineté ou de la définition de son rôle, une centrale syndicale participait directement à l'élaboration d'un programme de gouvernement qui fut de loin le plus réformateur dans le domaine économique et social.