Post Numéro: 17 de Kristian Hamon 29 Juil 2009, 22:02
Cher Roger Lenevette,
Une dernière réponse de ma part, avant de laisser la place à d’autres internautes, qui vont finir par croire que je monopolise ce forum ! Le 6 juin dernier, avec l’historien fougerais René Cintré, nous étions invités par la Municipalité de Fougères à une rencontre débat pour le 65ième anniversaire des bombardements des 8 et 9 juin qui ont fait plus de 200 victimes civiles dans la ville. La salle était pleine, avec des interventions très dignes et émouvantes des survivants. Eric Chopin, le journaliste d’Ouest-France qui animait le débat, a fait preuve de beaucoup de tact et maîtrisait parfaitement le sujet. La soirée fut une vraie réussite. J’ai bien sûr rencontré Huguette Gallais qui s’est déplacée avec sa fille. Madame Gallais ne pouvait guère intervenir, n’ayant pas connu ces bombardements, et pour cause !
Parmi les différentes interventions, celle d’Henri Fleury n’est pas passée inaperçue. Ne le connaissant pas, hormis le fait d’avoir vu son nom à plusieurs reprises dans les documents de l’époque et les archives de Loulou Pétri, je n’ai pas été déçu ! Debout au milieu de la salle, notre homme semble encore tout à fait prêt à en découdre avec les collabos du coin. Quant aux « Breiz Atao », heureusement pour eux qu’il n’a plus de Sten… Cette rage au ventre et cette volonté de vivre pour témoigner jusqu’au dernier souffle sont assez fascinantes chez ces anciens résistants de la première heure.
Rappelons que le groupe René Gallais de Fougères (CDLL) a été infiltré par un jeune couple d’autonomistes bretons des Côtes-du-Nord (Le mari intègrera le Bezen Perrot en juillet 1944). Le 9 octobre 1941, le groupe est démantelé et une cinquantaine de personnes arrêtées. Parmi celles-ci, 12 sont jugées à Ausburg le 23 février 1943 et condamnées à mort. Trois femmes vont être graciées : Andrée Gallais, sa fille Huguette, et Louise Pitois, qui va mourir à Bergen-Belsen au moment d’être libérée. Huit hommes seront décapités le 21 septembre 1943 à la prison « Stadelheim »de Munich : René Gallais le premier à 17 H 05, Jules Frémont le dernier à 17 H 24.
Andrée Gallais et sa fille vont alors endurer les pires épreuves jusqu’à leur libération. Huguette Gallais, arrêtée à l’âge de vingt ans, ne pesait guère plus de 30 kilos à son retour : « Je suis restée à la prison d’Angers du 10 octobre au 15 novembre puis transférée à la Santé jusqu’au 18 décembre, de là à Ausburg où je suis arrivée le 22 décembre. Je suis restée au secret pendant 14 mois, ma mère pendant un an et mon père pendant 18 mois. J’ai été condamnée à mort et jusqu’à ma libération, en suspension d’exécution ; ma condamnation à mort est du 23 février 1943. J’ai quitté Ausburg le 9 septembre 1943 pour Munich où je suis restée au secret spécial des condamnés à mort jusqu’au 19 novembre 1943. A cette date, je suis partie pour le bagne de Lübeck en passant par la Pologne avec des Arrêts à Thorn, Losen. Le voyage a duré cinq semaines. Nous sommes arrivées à Lübeck le 18 décembre 1943 jusqu’à Pâques 1944. De là envoyées au bagne de Cottbus en passant par Stettin. Nous avons quitté Cottbus pour être conduites au camp de concentration de Ravensbrück où nous y sommes restées jusqu’au 28 février 1945 d’où nous sommes parties pour le camp d’extermination de Mauthausen où nous avons été libérées le 22 avril 1945 par la Croix-Rouge suisse. Pendant mes interrogatoires et toute ma détention, j’ai été l’objet de mauvais traitements, de privations de nourriture et de travaux forcés » (Déposition du 1er juin 1945).
Henri Fleury était également entré au groupe Gallais en 1941 à l’âge de vingt ans. Après les arrestations du 9 octobre, il part se planquer en Mayenne pendant l’année 42. Il tente de rejoindre ensuite l’Angleterre mais est arrêté à Guernesey puis incarcéré à la prison de Saint-Servan. Déporté en Allemagne, il s’évade le 14 juillet 1944 mais est arrêté par les Rexistes à la frontière belge. Renvoyé en Allemagne, il s’évade à nouveau et revient en France fin octobre 1943. C’est à ce moment qu’il entre en contact avec Guy Bellis, lieutenant FTP. A son grand regret, il ne participe pas à l’attaque de la Feldgendarmerie, car : « N’ayant pas été prévenu à temps ».
Le 11 mai 1944, commandés par Guy Bellis, les FTP attaquent les garages Opel de Fougères, détruisent une trentaine de camions allemands, brûlent l’essence, l’huile et le matériel de réparation. Le 9 juin, Guy Bellis et quatre de ses camarades FTP s’attaquent cette fois au garage de la Feldgendarmerie de Fougères, mais l’opération est un échec. Louis Bellis et ses hommes sont arrêtés : Marcel Boulanger, Michel Huguet, Roger Launay, François Lambert. Emprisonnés et torturés, ils seront fusillés le 23 juin 1944, Butte de la Maltière près de Rennes.
Fougères libérée, il y aura 65 ans le 3 août, tous ces supplétifs des nazis, regroupés à Rennes, vont prendre la fuite vers l’Allemagne.
K.H.