Dans son dernier ouvrage, Présumé Jean Moulin (Grasset, 2006), Jacques Baynac fait, entre autres, une remarque intéressante au sujet de la frénésie qui, au printemps 1943, s’est emparée aussi bien de la Résistance française que des services de répression allemands, conduisant à « l’affaire de Caluire » et à la mort de Jean Moulin.
Page 690 : «Les intox Cockade […] et plus encore l’intox Barclay, révélée ici pour la première fois en France, ont en effet incontestablement contribué à pousser de Gaulle à rejoindre Alger fin mai et l’ont non moins indiscutablement incité à y engager aussitôt la bataille pour le contrôle de l’armée, mais elles ont simultanément fait office de catalyseur aux divergences sur l’AS entre chefs de la Résistance. Ils ont cru, et leur base avec eux, en un imminent débarquement en France ; et c’est en voulant s’y préparer qu’ils se sont heurtés. […] »
Page 695 : « [Dans la zone sud, l’intox Barclay] a pour but véritable de dérouter l’ennemi en l’empêchant de comprendre que le prochain objectif réel des Anglo-Saxons est le débarquement en Sicile, programmé pour le 10 juillet. […] »
Page 696 : « L’intox Barclay a donc été une réussite partielle, au contraire de Cockade qui a totalement manqué son objectif principal. […] L’important est toutefois que tant Cockade que Barclay ont généré des effets pervers désastreux. Au nord, avec le drame [du réseau sacrifié] Prosper, partout ailleurs, mais surtout au sud, en obligeant l’Abwehr et le SD à se prémunir contre toute mauvaise surprise par la destruction préventive de l’AS. L’arrestation de Hardy, dans la nuit du 7 au 8 juin, celle de Delestraint, le 9, et celle de Moulin avec toute la direction de l’AS, le 21, à Caluire, n’auront été que les plus spectaculaires résultats de l’offensive ravageuse lancée par les polices allemandes et leurs agents français. […] »
Page 697 : « En somme, le conflit Frenay-Moulin sur l'AS fut surdéterminé par l’intox Barclay. C’est elle qui aggrava la nervosité des deux camps, qui leur imposa un calendrier serré, qui les dressa l’un contre l’autre. Affrontement sans objet, on le voit aujourd’hui, mais qui, si un débarquement avait effectivement eu lieu en Provence en juin 43, aurait eu pour inévitable conséquence de laisser la Résistance hors jeu et de liquider son projet. Car, de deux choses l’une : ou les résistants auraient été sans armes au jour J […] ; ou ils auraient trouvé de quoi se battre, et leur combat aurait consisté à aider les libérateurs qui soutenaient Giraud.»
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