François Delpla a écrit:Eh bien il y a peut-être là une généralisation propre à nous faire avancer, car pour une fois elle ne vise pas ma personne, n'argumente pas sur mon travail récent à partir de ce que je faisais il y a 15 ans etc.
Il s'agit d'un tic, hautement revendiqué : au lieu de fouiller une question, on se barre dans une autre et on raisonne par analogie. Ca se fait dans l'univers judiciaire et c'est de bonne guerre. Cependant si des maillons de la chaîne sont moins performants que d'autres dans le maniement de cette dialectique convenue, ça donne des Outreau.
En histoire, désolé, c'est un dossier après l'autre, et on prend son temps. Il y a sur d'autres sujets des documents non déclassifiés qui, que, quoi..., on s'en moque. On reste dans celui-là.
Blablabla... (désolé)
Et qu'y voit-on ? Qu'une version officielle est contestée. Or, à la bien examiner elle a été un peu facilement avalée au départ : thèse de vainqueur, vaincus les plus antipathiques de l'histoire, leurs plus graves turpitudes en plein dévoilement... On exhibe un cadavre, on convoque les Alliés et sur leurs talons la presse, on enterre vite fait dans un lieu inconnu... Il y avait de quoi se méfier, l'époque ne s'y prêtait pas.
Je vois mal en quoi le dossier pouvait, dès le jour même, se prêter à des soupçons. Himmler s'est suicidé devant témoins, en un lieu dépourvu de toute discrétion.
60 ans plus tard, enfin, le dossier s'ouvre.
... suite à la publication de trois documents qui seront expertisés comme des faux.
Soulagement général des historiens, surenchère de finesse dans l'analyse des causes et des effets, exigence d'une déclassification globale des documents pour qu'enfin on puisse travailler ? Que non pas. Une expertise unique et incontrôlable
Ben voyons. Ladite expertise a été effectuée dans le cadre d'une très sérieuse enquête menée par le tout aussi sérieux
Daily Telegraph.
Elle a été pratiquée par le Dr.
Audrey Giles, qui a dirigé la
Questioned Documents Section du
Metropolitan Police Forensic Science Laboratory de
Scotland Yard. Regardez le CV de la dame : c'est une pointure.
déclare deux documents grossièrement faux et suppose qu'un troisième l'est aussi
Elle déclare que tous les documents sont des faux. Que l'un d'entre eux soit plus habilement conçu ne change rien à l'affaire.
sous le seul chef d'accusation qu'il va dans le même sens, celui de la thèse contestataire...
Comment savez-vous qu'elle se limite à cet argument ?
Par ailleurs, ce document ne se comprend pas, ne se conçoit pas sans les autres falsifications. Il leur est par trop lié. Il est apparu au même moment. Il est trop beau pour être vrai. Et il serait, lui, authentique ? Absurde.
et la communauté historienne, un instant troublée dans sa digestion, retombe dans son sommeil dogmatique.
Elle a autre chose à faire que se compliquer la vie à discuter d'une affaire classée. La "thèse" du meurtre reposait sur des faux : dès lors, il n'y a plus de thèse. C'est aussi simple que ça.
Du moins en apparence. Car il est aussi imprudent en l'occurrence de la faire voter par procuration que d'estimer que, dans un débat de forum Internet, "tout le monde" vous a donné raison sauf un.
Mais qui croit sérieusement, ici, que Himmler ait été supprimé par les Britanniques ? A par vous - et, je sais, votre acolyte Daniel Laurent ?
Je ne peux parler que pour moi. Je ne sais pas, moi, ce qu'il y a derrière tout ça, et il est commde mais inexact de me prêter une thèse de "meurtre" que je serais le seul à défendre.
C'est pourtant le cas, François, comme tous peuvent s'en rendre compte.
Je constate un fait : si quelqu'un a fait son boulot, c'est bien Selvester (avant de râler, svp, bien lire le dossier, dont je rappelle la cote :
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=203). Donc, très forte probabilté d'une absence de poison dans la bouche, observée minutieusement pendant 8h à l'occcasion de conversations et de repas (pourquoi, Nicolas, ne JAMAIS rappeler ce fait ? de même que la réduction des horaires et la négation des repas par les tenants de la thèse officielle ? ).
Mais d'où sort ce délire ? Quelle négation des repas, quelle réduction des horaires par les
"tenants de la thèse officielle" ? J'écrivais par exemple,
le 5 novembre 2005 :
Ce n’est pas parce qu’il [Himmler] a mangé un sandwich que la chose [conserver une capsule de cyanure dans sa bouche] est impossible - la preuve, c’est qu’en soixante ans, personne (à commencer par Selvester), n’a été choqué, ou surpris, par une telle prouesse. Au contraire, il apparaît que Selvester était persuadé que la pilule se trouvait dans la bouche - et par prudence, n’effectuera aucune fouille buccale.
Argument auquel François Delpla n'a jamais répondu.
Et pour rappel :
1) Les Britanniques ont retrouvé sur Himmler un étui censé renfermer du poison, mais vide.
2) La bouche de Himmler n'a pas été fouillée.
3) Himmler s'est suicidé avec du poison dissimulé dans sa bouche.
A partir de là, un scénario POSSIBLE :
Qui ne repose sur rien.
une équipe spéciale dépêchée pour zigouiller les nazis de haut rang dans le cadre de la politique churchillienne à cet égard (à peine affectée par sa reculade du 3 mai, accordant aux Alliés l'organisation d'un procès), rencontre Himmler dès qu'il a été retiré du camp de Selvester, lui fait comprendre qu'il est, comme Hess, aux mains de churchilliens purs et durs et qu'on ne le laissera plus communiquer avec personne, avant son procès suivi d'une rapide et inexorable exécution... et lui offre les moyens d'une sortie à la romaine, par exemple tout simplement en lui rendant l'ampoule de cyanure saisie l'après-midi.
Totalement spéculatif. Où sont les preuves ?
Dès lors il n'y a plus qu'à laisser les événements suivre leur cours, à l'occasion d'une nouvelle fouille à corps.
Ce scénario est trop tordu pour être crédible.
Pourquoi ces espions prendraient-ils un tel risque ? Himmler pourrait prendre la capsule, et la laisser se faire choper par les Britanniques, puis cracher le morceau - si j’ose dire - une fois à Lünebourg, où tout meurtre est impossible pour cause d’intense activité bureaucratique. Le geste que vous prêtez à ces barbouzes est franchement imprudent, alors qu’il serait tellement plus simple de lui faire mordre de force la capsule dans la voiture... Qui, par la suite, leur demandera des comptes ? Les suicides de nazis sont tellement fréquents.
C'est bien un suicide, pas un meurtre.
Les Britanniques refilent une capsule de poison à Himmler, le persuadent de l'utiliser, et vous maintenez qu'il s'agit d'un... suicide ?
On a parfois de bonnes intuitions. Toi, en soupçonnant du faux dans les docs utilisés par Allen (sous réserve de contre-expertise et de vérification qu'il a bien vu ces docs-là).
Et pas que ça.
Oui, dès la publication des documents litigieux, je les ai fortement suspectés d’être des faux - et début juillet, une expertise m'a donné raison. D’autre part, je n’ai cessé de maintenir, en l’état de la documentation accessible, que Himmler avait lui-même mis fin à ses jours - et tu vous acez fini par l’admettre (après, il est vrai, un séjour en Angleterre) fin 2005.
Moi, en intitulant la sauvegarde du débat sur mon site, dès le début : "Himmler : un suicide assisté ?". A nous deux on aurait le bac, comme disait mon prof de maths !
Je ne vois rien qui établisse la véracité de votre intuition.
J'ai déjà été bien long mais je redirai quand même ceci, qui ne semble pas avoir été lu : dans cette affaire, je prends date. La seule attitude correcte, pour les historiens, n'est certainement pas de dire "ouf, il y a des faux, donc tout est faux et la version officielle est vraie" mais "qu'est-ce que c'est que cette arnaque tous azimuts ? Déclassifiez, et plus vite que ça !"
Le déclassement, si je me fie à certaine connaissance de la bureaucratie, on risque encore de l'attendre. Mais les pièces et témoignages accessibles sont sans équivoque. Himmler s'est suicidé, sans l'aide de personne.
Et quand certains regarderont le bout de leurs chaussures, je sourirai. Discrètement, c'est promis !
Je crains, malheureusement pour vous, que ce ne soit pas le cas. J'ai essayé de vous sauver la mise, sur Histoforums, en vous mettant immédiatement en garde pour la suite. Je ne risque pas d'oublier la manière dont vous m'avez envoyé promener...