Le 24 avril 1943, le chef départemental adjoint de la Milice des Bouches-du-Rhône, désarmé, est abattu par la Résistance : c’est le premier mort de la Milice française dans un attentat.
Le 21 novembre 1943, mon père, Roger, alors membre actif du corps franc de l’Armée secrète en Haute-Savoie, reçoit l'ordre, avec deux camarades, de capturer, pour les échanger contre des résistants arrêtés, le chef départemental de la Milice française et ses deux adjoints qui doivent déjeuner dans un restaurant de Thônes près d’Annecy dans le cadre d‘une mission d’inspection et de propagande. Par surprise, les maquisards bondissent dans la salle du restaurant en criant : « Haut les mains ! » Les miliciens tentent d'utiliser leurs armes : des armes de poing et un pistolet-mitrailleur caché sous un vêtement jeté sur la table. Roger et ses camarades, armés de révolvers et d’un pistolet automatique, ouvrent le feu : deux collaborationnistes sont tués (dont le chef) et un est laissé pour mort.
A ce moment, la Milice française compte, selon ses dires, soixante-quinze tués. Or, face à des résistants qui commencent à être armés par les parachutages anglais, la Milice, créée le 30 janvier 1943, vient seulement d’être autorisée à porter les armes.
En fait, ce ne sont pas d’abord les Allemands qui s’opposent à l’armement de cette police supplétive, mais c’est le maréchal Pétain lui-même, soutenu en cela par Pierre Laval, qui, sous l’influence des chefs modérés de la Légion française des combattants (à ne pas confondre avec la Légion des volontaires français contre le bolchevisme, la LVF), se méfie de cette organisation radicale et ne veut pas provoquer une guerre civile.
Devant le refus obstiné de son gouvernement, le chef de la Milice française, Joseph Darnand, ne sait plus à quel saint se vouer. En effet, ce héros de la Grande Guerre, nationaliste maurassien, est foncièrement germanophobe et répugne à se tourner vers les Allemands. Découragé, il envisage même un instant de… passer à la Résistance ! Il prend des contacts à Genève, puis s’adresse directement à Londres, mais son offre est rejetée.
C’est ainsi qu’en désespoir de cause, il demande de l’aide aux occupants. En principe, ceux-ci sont hostiles à la reconstitution d’une force armée française en sus de celle strictement nécessaire au maintien de l’ordre (GMR et Garde mobile). Néanmoins, les Allemands, qui ont de plus en plus besoin de troupes sur le front, acceptent d’armer la Milice à condition que son chef incite ses hommes à se porter volontaires pour le « combat européen » au sein de la Waffen-SS et principalement au sein de la
Sturmbrigade française
Frankreich (affectée à la 18.SS-Freiwilligen-Panzergrenadier-Division
Horst Wessel). Afin d'obtenir enfin des armes et aussi en vue de contrer son rival Doriot qui a combattu dans la LVF sur le front de l’Est, Darnand donne son accord et s’engage lui-même dans la Waffen-SS pour l’exemple.
En contrepartie, les Allemands commencent à armer la Milice en novembre 1943, mais avec lenteur et parcimonie. Au début, seules les unités militarisées et encasernées de francs-gardes permanents sont armées et encore donne-t-on la priorité à celles qui évoluent dans les zones les plus dangereuses comme la Haute-Savoie.
Même celles-ci ne reçoivent qu’un armement léger d’infanterie d’origine britannique (essentiellement des pistolets-mitrailleurs Sten) récupéré par les Allemands lors de parachutages ou d’opérations contre les maquis. Ce n’est qu’en janvier 1944 que la Milice française a le droit de puiser dans les stocks de l’armée d’armistice. Elle est alors notamment dotée de fusils à répétition MAS 36 et de fusils-mitrailleurs MAC 24/29, mais ne recevra jamais les automitrailleuses ou les armes lourdes qu’elle demande, excepté pour de grandes opérations comme les Glières où elle est autorisée à former une section de mitrailleuses et une de mortiers de 81 mm.
Cordialement,