dynamo a écrit:Pétain n'a t'il pas déjà, avant le 13/12, le projet de se séparer de Laval ? (trop de concessions, sans contreparties, difficultés de justifier devant les Français et l'Angleterre une telle politique).
tout à fait, et il le fait même savoir aux Anglais, le 10 novembre, par l'intermédiaire de Rougier; il promet son renvoi dans un délai d'un mois, et tiendra presque parole. Il est d'ailleurs à noter que, le 9 décembre, La Laurencie, délégué de Vichy en zone nord, y retourne muni d'une lettre pour Hitler justifiant un renvoi de Laval, et de l'ordre d'arrêter Déat; lettre à remettre et ordre à exécuter au reçu d'une confirmation.
Pourquoi la date du 10, si bien partie pour être respectée, ne l'est-elle pas ? Je l'ignore à cette heure.
Ce qui est sûr :
- Hitler et Abetz provoquent la crise et la contrôlent d'autant plus aisément;
- l'idée (allemande) de donner Darlan comme successeur à Laval mériterait d'être datée précisément;
- il y a à Vichy une aile anti-Montoire un peu extrémiste, incarnée notamment par Peyrouton, qui essaye d'attirer Pétain mais n'obtient de lui qu'un soutien intermittent et hésitant;
- Pétain veut se débarrasser de Laval, notamment parce qu'il est impopulaire, mais pas de la collaboration;
- il n'est jamais aussi près, pendant toute l'occupation, de partir pour Alger, manque de le faire le 31 décembre mais se ravise sur le conseil de Jacques Chevalier, excipant de ses liens avec ... Halifax;
- il s'agit donc, encore une fois, d'être ou ne pas être churchillien : Winston fait savoir fin décembre (par Dupuy) qu'il met quelques belles et bonnes divisions à la disposition d'un Vichy transféré à Alger, mais finalement Pétain n'y croit pas, pense que c'est trop tôt et se satisfait d'avoir repris, croit-il, un peu d'indépendance vis-à-vis de Berlin.
Ce qu'il faut bien voir, c'est qu'aucun Allemand n'est entré en fureur à cause du renvoi de Laval, surtout sur le moment. Abetz le reprochera beaucoup à Vichy, mais plus tard : dans les heures et les jours suivants il calme le jeu. Mieux : un grand bourgeois pétainiste, François Lehideux, est à Berlin le 13 décembre, convoqué par Robert Ley, et le soir Weizsäcker, second de Ribbentrop, s'arrange pour lui glisser en marge d'un dîner que son gouvernement comprend très bien que Pétain en ait assez de Laval !
source : mémoires Lehideux (1904-1998), 2001.