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Les Rafles

Nouveau messagePosté: 07 Mar 2012, 23:26
de tagnon
Bonjour à tous,

Je suis plongé dans la lecture de "Sarah's Key" ["Elle S'Appellait Sarah"] de Tatiana de Rosnay, dans l'édition originale, en Anglais. Après toutes les horreurs déjà lues sur la barbarie nazie, je ne pensais plus trouver un livre qui m'arrache des larmes à chaque page. La sobriété assourdissante du language - à l'identique des dialogues du film - emeut bien plus que l'imagerie, pour talentueuse qu'elle soit. J'avais déjà commenté ce film ici: < viewtopic.php?f=102&t=26308 >.

Ce qui ressort des premiers châpitres est la méconnaissance actuelle (à l'époque de l'écriture du livre, vers 2008 et 15 ans après le célèbre et salutaire discours de Chirac) des Parisiens sur ces évènements tellement emblématiques qui se sont déroulés sous leurs yeux. Volonté de tourner la page ? Occultation (in?)volontaire ? Déni ? ignorance crasse ? Et de cette méconnaissance jaillit inéluctablement la question: que savaient les contemporains/témoins/acteurs des grandes rafles, du destin ultime des déportés ? Croyaient-ils tous au soi disant regroupement dans des camps de travail "à l'est" ? Devinaient-ils l'existence d'Auschwitz ? Pouvaient-ils imaginer l'extermination systématique ? C'est sur la population de la France occupée que je m'interroge, pas les dirigeants, ni bien sur l'occupant. Mais parmis tant de participants actifs ou passifs de l'époque, quelques uns - tant les complices que ceux qui ont essayer de secourir - devaient bien se douter du sort des Juifs déportés.

Voilà un débat que j'aimerais relancer: que savaient de la finalité de la déportation, les Français sous l'occupation ?

Sujet fondamental, mais difficile, à maintenir strictement dans son contexte historique en ne versant pas dans l'actu ni la politique d'aujourd'hui.

Y-a-t-il des amateurs ?

Bien amicalement,

Alain.

Re: Les Rafles

Nouveau messagePosté: 08 Mar 2012, 00:25
de Aldebert
Bonsoir Alain
Quand j’étais enfant les conversations des grandes personnes qui évoquaient des Juifs, conversations que j’écoutais alors sans comprendre, me faisaient toutefois penser qu’ils n’étaient pas comme nous, qu’ils étaient des gens à part, pour qui il ne fallait pas accorder beaucoup de considération. Souvent pour désigner une personne qui était juive on en parlait à voix basse, presque comme-ci c’était une malédiction. Et même après la guerre quand la merveilleuse Renée Lebas interprétait à la radio une de ses chansons « tire tire l’aiguille ma fille » j’entendais dire « oui c’est une juive ». Il fallait toujours marquer la différence avec le monde normal. Toujours cet à priori, la propagande sous l’occupation aidant, plutôt négatif, bien ancré dans la tête de beaucoup de Français, m’incite à penser qu’une majorité de la population ne se souciait guère du sort des juifs, si d’aventure il en eut jamais connaissance.trop préoccupée à panser sa misère, Pendant la guerre, à mon avis, les Français ont montré beaucoup plus d’indifférence que de complicité. D’autre part il était difficile, à l’époque d’imaginer l’horrible sort qui était réservé au peuple juif.
Cordialement
Albert

Re: Les Rafles

Nouveau messagePosté: 08 Mar 2012, 01:07
de lebel
A vrai dire , l'opinion publique etait passive , et mal informée par une presse muselée , et puis les problèmes de la vie quotidienne ( presence allemande , restrictions , prisonniers ....) bien plus preoccupants !
Le statut des juifs et les premières rafles de 1941 n'ont pas soulevé grand émoi , et ce n'est qu'a partir des rafles de l'été 42 qu'une partie de l'opinion a commencé à prendre conscience , notamment avec la protestation courageuse de membres eminents de l' Eglise française

Qui etait au courant , de visu , des conditions inhumaines de la deportation , déja à partir de la France ?
Le service d'ordre , policiers et gendarmes , auxiliaires de l'occupant ?
Le personnel de la SNCF qui convoyait les malheureux dans des conditions effroyables ?
Ils n'ont jamais rien dit
Quant à savoir le devenir des deportés , Vichy entretenait le flou , en parlant de travail ou d'etablissement dans les territoires de l' Est ........d'ailleurs Vichy se souciait assez peu du sort de ceux qu'on presentait comme apatrides et indesirables , et ne cherchait surtout pas à s'inquieter plus avant !
Dés fin 41 , la BBC faisait etat de massacres massifs à l' est, et au fil des semaines affinait ses revelations
sur l'extermination en cours ..............encore fallait être un auditeur de la radio anglaise et faire la part de ce qui pouvait être bobards ou propagande
http://www.deathcamps.org/reinhard/allies.html
Fait significatif , même les " interessés " etaient dans l'ignorance de leur sort futur et G. Wellers , medecin durant 2 ans à Drancy , survivant d' Auschwitz , devait avouer son ignorance lors de son depart en juin 44
A+

Re: Les Rafles

Nouveau messagePosté: 08 Mar 2012, 07:54
de JARDIN DAVID
Quand je lis Albert et Léon, je crois réentendre mes grands-parents.
Entre 1940 et 2012 (période HS à 5/72ème), nos mentalités, nos informations, nos systèmes de valeurs -j'en reste là vu le risque de HS- ont évolué radicalement !

Re: Les Rafles

Nouveau messagePosté: 08 Mar 2012, 13:57
de Aldebert
lebel a écrit: G. Wellers , medecin durant 2 ans à Drancy , survivant d' Auschwitz , devait avouer son ignorance lors de son depart en juin 44
A+

Bonjour,
Oui! Mais aussi quand ils débarquaient du train, sur le quai du lieu même de leur extermination, ils ignoraient leur sort. A l'arrivée du train tout était mis en oeuvre pour les rassurer afin d'éviter une réaction. Et d'ailleurs, pouvaient-ils imaginer une seconde ce qui les attendait.
Cordialement
Albert

Re: Les Rafles

Nouveau messagePosté: 08 Mar 2012, 14:32
de alberto
Bonjour,

Il y a sur ce sujet un élément sur lequel je me suis souvent interrogé sans je n'y ais pu jamais dégager une idée vraiment claire, voici : disons qu'à partir de fin 1942, les "grands" de ce monde avaient été alertés par divers canaux de se qui se passait dans les camps d'exterminations, de juifs principalement. Même si les méthodes d'exterminations n'étaient pas encore connues dans le détail, Roosevelt, Churchill, probablement De Gaulle, et même le pape ainsi que la plupart des dirigeants des pays en guerre (dont Staline ?) savaient !

Pourquoi n'ont-ils pas alors alerté la terre entière de ces abominations ?

Pire encore, beaucoup de ces dirigeants ont prétendu après guerre qu'ils n'en étaient pas sûrs !

Qu'en pensez-vous ?

Re: Les Rafles

Nouveau messagePosté: 08 Mar 2012, 14:40
de Prosper Vandenbroucke
alberto a écrit:Bonjour,

Il y a sur ce sujet un élément sur lequel je me suis souvent interrogé sans je n'y ais pu jamais dégager une idée vraiment claire, voici : disons qu'à partir de fin 1942, les "grands" de ce monde avaient été alertés par divers canaux de se qui se passait dans les camps d'exterminations, de juifs principalement. Même si les méthodes d'exterminations n'étaient pas encore connues dans le détail, Roosevelt, Churchill, probablement De Gaulle, et même le pape ainsi que la plupart des dirigeants des pays en guerre (dont Staline ?) savaient !

Pourquoi n'ont-ils pas alors alerté la terre entière de ces abominations ?

Pire encore, beaucoup de ces dirigeants ont prétendu après guerre qu'ils n'en étaient pas sûrs !

Qu'en pensez-vous ?


Restons-en à la question posée initialement par Alain Tagnon.
Question dont je vous rappelle la teneur:

Que savaient de la finalité de la déportation, les Français sous l'occupation ?

Grand merci
Prosper ;)

Re: Les Rafles

Nouveau messagePosté: 08 Mar 2012, 14:48
de Alfred
Tout dépendait de l'environnement.....Avant 1939,ma grand mère paternelle,fort peu marquée par la religion,comme toute ma famille d'ailleurs et,s'entendait fort bien avec quelques commerçants juifs français.Même attitude chez mes parents ,c'étaient des Français comme les autres.....Mon grand père maternel bien qu'ancien condisciple de Pétain chez les frères à St Omer était ouvertement libre penseur... De surcroît ,une de mes arrières grand- mères était bien considérée comme une "sorciére" en son village,alors,juifs ou pas ,ça voulait dire quoi chez les miens ????? Cependant ,il y aurait pu y avoir de la suspicion pour les juifs Allemands,oui,.....Ma famille avait beaucoup de mal à appréhender pourquoi cette différence entre Allemands...

Re: Les Rafles

Nouveau messagePosté: 08 Mar 2012, 14:49
de Litjiboy
Sorry Prosper, j'ai écrit ce texte pendant ton "recadrage". Je ne le ferai plus... :oops:


Ils étaient au courant, c'est certain.

Maintenant, mettons-nous à leur place, dans le contexte de l'époque...

S'ils avouent être au courant de ces camps, la libération de ceux-ci doivent, à mon avis, devenir leur priorité n°1. Politiquement, humainement, qui, en parfaite connaissance de cause, pourrait ne pas réagir comme cela?
Et des moyens (matériels, humains,...) auraient dû être alloués à cette nouvelle priorité.

Or, à cette époque, les priorités sont toutes autres et les grands décideurs du moment ne pouvaient se détourner de leur objectif principal : la fin du conflit et l'anéantissement de l'Allemagne. Toutes les ressources étaient destinées à cet objectif.

De plus, à ce moment-là, les très nombreux camps étaient situés assez loin dans les territoires allemands (y compris les territoires occupés). Comment s'y prendre pour libérer ces camps sans y mettre des moyens immenses? Moyens destinés, donc, à d'autres objectifs prioritaires.

Ce n'est qu'une hypothèse, mais, en tout cas, je n'aurais pas aimé avoir à effectuer de tels choix...

Re: Les Rafles

Nouveau messagePosté: 08 Mar 2012, 14:54
de alberto
Prosper Vandenbroucke a écrit:
Que savaient de la finalité de la déportation, les Français sous l'occupation ?
[/quote]

Cher Prosper, c'est précisément là où je voulais en venir : que savaient-ils ces pauvres français ?
Mais rien, puisque ceux qui savaient n'en disaient rien !

Bien à toi. :)