Post Numéro: 57 de Kristian Hamon 09 Avr 2008, 00:23
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt et d'émotion le message de M. Lenevette, plein de modération et de bon sens. Je sais ce qu'il a vécu à Vieux-Vy-sur-Couesnon, qui est aussi mon pays (Feins) et où j'étais encore il y a deux semaines. Comme lui je suis assez dubitatif face au livre de Monnier (que je connais et estime), qui me semble surtout un ouvrage militant, même si c'est un livre d'historien. Je me suis déjà exprimé à ce sujet sur ce forum. Je manque de temps en ce moment (désolé) pour en faire une analyse plus poussée. De plus, je n'ai pas le niveau universitaire sans cesse présenté dans les critiques par les thuriféraires de l'auteur : Professeur, Docteur d'Etat, etc. (C'est ce que l'on appelle un argument d'autorité). Qui plus est né en 44 à Londres de parents FFL (Argument de légitimité). Imaginez un auteur né à Sigmaringen d'un père bigouden Waffen SS et d'une mère léonarde lavandière à la division Das Reich ! Ca ne ferait pas très sérieux. Et pourtant, cela pourrait exister. J'ai retrouvé il y a quelques mois le dernier membre, tout du moins je le pense, de la Formation Perrot (Oui je persiste à l'appeler ainsi) encore vivant en Allemagne où il a refait sa vie sous une fausse identité depuis plus de soixante ans. Ce nationaliste breton, membre du PNB avait infiltré et dénoncé le réseau Gallais de Fougères (voir sur Google). Agent de la Gestapo, il s'engage ensuite au Bezen et va organiser la rafle contre le maquis de Broualan plus d'autres arrestations dans la région que connait bien M. Lenevette. Il va prendre la fuite en Allemagne avec le Bezen après de nombreuses exactions dans l'Est de la France et obtenir de faux papiers de la SS. En fuite en Irlande il va revenir refaire sa vie en Allemagne !
Ce qu'il y a de frappant lorsque l'on prend la peine de consulter les interrogatoires des membres du PNB aux archives, c'est que s'ils reconnaissent pour la plupart avoir été membres du parti (qui n'a pas compté plus de 1500 adhérents) personne n'assistait aux réunions ! Ils recevaient tous et lisaient le journal "L'Heure Bretonne", mais personne ne l'avait demandé ! Idem pour le Bezen, à part les plus compromis en fuite en Allemagne, tous les autres se contentaient de monter la garde devant les camions ! Personne n'a torturé ou tiré un coup de feu !
L'inspecteur de police résistant dont j'ai déjà parlé et qui a pratiqué les interrogatoires m'a raconté qu'ils étaient prêts "à faire dans leur froc" tellement ils avaient la trouille de sauver leur tête ! Je ne citerai pas le nom d'un membre du Bezen encore vivant à qui il a donné un cahier et un crayon et qui a raconté tout ce qu'il pouvait.. Nous sommes bien loin de la légende sur les "tortures" des interrogatoires des autonomistes. Quant aux intellectuels de Radio-Rennes, de L'Heure Bretonne ou d'Arvor restés à Rennes, tous étaient sympathisants communistes ou francs-maçons avant-guerre, amis de Creston ou de Cachin ! Allez, encore un effort et l'on va nous présenter Yann Goulet comme un crypto-communiste FTP..
A propos de Joachim Darsel, juste une mise au point car J.J. Monnier me cite. C'est vrai qu'il a bénéficié d'une certaine clémence de la part du tribunal (CC du 23/7/1945) du fait que son frère était résistant et que le couple (je ne puis m'étendre) entretenait des relations avec un autre résistant, le docteur Le Janne. Il n'empêche que j'ai trouvé il y a peu aux ADIV un document authentique en allemand, daté et signé. Il s'agit d'un rapport de la Police de sureté du SD de Brest du 28/3/1944 et que je cite : "Objet : Arrestation du citoyen espagnol Escriva-Choro Victor pour activité communiste. Le 3/3/44 notre service a reçu un rapport dans lequel le SR 769 nous a communiqué que l'espagnol Escriva serait comme secrétaire à l'OT. Escriva a été arrêté. Il avoue avoir été lieutenant dans l'armée rouge espagnole. Escriva a été incarcéré et se trouve en ce moment à la prison militaire de Brest. Signé : Scharführer Kettenbeil." J'ai cru moi aussi, faute de preuve, que cette liste avait été fabriquée de toute pièce après la Libération, mais là nous sommes en mars 44 ! Je n'accuse pas Darsel, de quel droit d'ailleurs, mais je m'interroge.
Ce document, où figure le nom de Darsel au crayon, et qui correspond à son numéro SR 769 retrouvé sur des fiches saisies au SD de Rennes a été envoyé à la Cour de Justice de Quimper en novembre 45. Mais Darsel avait déjà été jugé. Ce document figure dans le même dossier qu'une autre dénonciation : celle de Paul Hutin, le directeur de L'Ouest-Eclair, faite par Maurice Zeller.
Le même Darsel déclarera lors d'un interrogatoire du 22/12/44 : "J'avais loué lors de la saison 1939 un appartement à Locquirec face à la grève de Porz Vilice. J'ai appris par la rumeur publique (sic!) qu'un bateau s'était échoué sur une grève voisine. Poussé par la curiosité (sic!) je m'y suis rendu 3 jours après. J'ai su par la suite que parmi les autonomistes se trouvaient les nommés Helloco et Louarn qui avaient festoyé à Toul an Heri". Décidément, la moitié du PNB se trouvait par hasard à Locquirec lors de ce débarquement d'armes en provenance d'Allemagne !!
Ce qui me gêne dans le livre de J.J. Monnier, pourtant nécéssaire : c'est cette cohabitation ou ces amalgames entre d'authentiques résistants bretons mais patriotes français avec des gens comme Helloco, Darsel, Lainé, Perrot, Goulet etc.
Voila peut-être un sujet de dissertation pour une maîtrise d'histoire : Peut-on parler de la Résistance en Bretagne ou de résistance bretonne ?
Bien à vous, Kristian Hamon.