Je suis entièrement d'accord avec Daniel. Les courageux F.F.I. n'auraient jamais été de taille à libérer une région réellement occupée si les Alliés ne leur avaient pas envoyé des armes et surtout si ceux-ci n'avaient pas débarqué en Normandie, puis en Provence (l'armée allemande rassemblait environ 1 400 000 hommes en France au début 1944).
Même après le débarquement de Normandie, les F.F.I. n'ont vraiment "libéré" par eux-mêmes que des zones pratiquement vides d'Allemands ou faiblement "occupées" par des forces de sécurité (ex. moins de 5000 h. pour "tenir" une région de 65 000 km2 - neuf départements - au centre de la France). D'après D.W. Pike ("Les forces allemandes dans le Sud-Ouest",
Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 152, p. 110), les forces allemandes, de Clermont-Ferrand aux Pyrénées, soit le 66e corps de réserve sous le commandement du général Lucht, étaient chargées d'assurer la sécurité sur les arrières des troupes côtières dans un triangle Clermont - Foix - Montpellier avec seulement 36 533 h. (surtout des auxiliaires russes assez peu fiables)...
A chaque fois que les F.F.I. se sont emparés d'un point stratégique pour les Allemands, ceux-ci l'ont réoccupé (ex. Tulle). Finalement, si les F.F.I. ont "libéré" le Sud-Ouest, c'est effectivement parce que les troupes allemandes avaient reçu l'ordre de se replier dès le 16 août 1944. D'ailleurs, malgré le harcèlement des F.F.I., l'avance et les bombardements alliés, ce repli ne s'est pas trop mal passé, puisque, sur moins de 210 000 hommes devant se replier, plus de 130 000 ont réussi à rejoindre l'aile sud du groupe d'armées B dans la région de Dijon.
Cela dit, les F.F.I. ont constamment harcelé les Allemands et ralenti, voire entravé leur repli en leur causant des pertes notables (même si elles apparaissaient comme des piqûres aux yeux du général von Blaskowitz). Dans certains cas, ils ont obtenu la reddition de petites garnisons de second ordre ou de grosses colonnes hétéroclites de services. Inversement, l'action de sabotage ferroviaire et de guérilla des F.F.I. a parfois considérablement facilité la progression alliée, comme dans les Alpes...
Henri Noguères écrit p. 577/578 du tome 5 de son
Histoire de la Résistance en France (Robert Laffont, 1981) :
Pour certains, [...] la libération n'est intervenue que parce que les Allemands ont décidé de décamper et le reste n'est que mauvaise littérature. [...] Pour d'autres, c'est l'excès inverse : la libération a été partout l'aboutissement de victorieux combats héroïques [...] ; ils ne veulent connaître que les glorieuses milices patriotiques, symbole de l'insurrection populaire. La vérité est plus complexe, plus difficile à cerner...
En conclusion (provisoire
), la Libération n'a pas été le résultat d'une glorieuse insurrection de la population ou de l'action décisive des F.F.I., mais elle a été un enjeu psychologique et politique important pour la Résistance française dans la mesure où les opérations militaires alliées ont duré presque un an sur le territoire métropolitain (contrairement à la Belgique où la libération en une semaine a pris la Résistance de court !).
Bref, si les résistants avaient laissé l'armée allemande se retirer sans combat, comme à Bordeaux, il n'y aurait eu ni pertes humaines ni dégâts matériels, mais le patriotisme, déjà bien écorné par la défaite de 40 et l'occupation, en aurait pris un sérieux coup tandis que les ambitions politiques de certains auraient été anéanties...