Hilarion écrit :
Je n'avais pas cette notion de bénévolat à l'esprit. Je serais assez intéressé pour qu'on aille plus loin dans l'analyse. Merci
En fait, cette appellation est donnée par les miliciens eux-mêmes : par rapport aux francs-gardes permanents, les « bénévoles » (les « bénés ») sont des miliciens « ordinaires », des « civils », qui, aptes à servir dans la Franc-Garde, se tiennent à disposition pour y être mobilisés en cas de besoin. Ce sera, par exemple, le cas aux Glières où environ trois cents « bénés » sont venus soutenir la cohorte permanente de Jean de Vaugelas.
En ce qui concerne les effectifs, j’aurais dû préciser, pour tenir la balance égale entre les deux adversaires, que l’exagération n’est, bien sûr, pas le propre des résistants. En effet, afin de se donner de l’importance et surtout obtenir davantage de crédits et de matériel, les responsables de la Franc-Garde ont largement gonflé leur nombre.
Par exemple, le délégué général de la Milice, Pierre Cance, fait état, à la date du 19 juin 1943, de… 2477 francs-gardes dans les Bouches-du-Rhône, 1217 dans les Alpes-Maritimes, 948 dans le Rhône, 606 dans le Var, 537 dans l’Isère, 318 dans la Drôme, 316 en Haute-Savoie, 309 en Savoie, 81 dans les Hautes-Alpes, etc.
Si cela avait la moindre apparence de vérité, on ne comprendrait pas, par exemple (entre mille), que le chef de la « centaine » d’Annecy, la seule formation permanente de la Franc-Garde en Haute-Savoie, se plaigne, UN AN PLUS TARD, que son unité ne compte que soixante-dix hommes et qu’il faudrait créer une autre « centaine » pour combattre les « rouges » dans le Chablais (nord de la Haute-Savoie) ! (VOIR CI-DESSOUS)
En fait, face aux difficultés de recrutement, les responsables de la Milice inscrivent d’office tous les membres du SOL, mais beaucoup de ces derniers ne se présentent pas, voire démissionnent du SOL… Pierre Giolitto (
Histoire de la Milice, Perrin, 1997) rapporte que « tous les moyens étant bons pour faire nombre », il arrive que l’on enrôle de force « à la suite de quelques menaces ou d’une soirée bien arrosée », que l’on recrute « dans les prisons : la liberté contre un engagement […], voire parmi les maquisards prisonniers auxquels on promet la vie sauve. Parfois, ce sont les gendarmes qu’on tente de débaucher en leur proposant l’alternative suivante : incorporation dans la Milice ou révocation sans solde ni retraite ».
En été 1944, si la plupart des miliciens se dérobent, la Franc-Garde réussit tout de même à recruter quelques jeunes (parfois très jeunes : seize/dix-sept ans !) inconscients (ainsi une vingtaine en Haute-Savoie)…
P.-S. Permettez-moi de citer l'un de mes anciens
posts (c'est moi qui souligne en gras les propos du chef milicien).
"En ce qui concerne le recrutement de la Franc-Garde permanente de la Haute-Savoie au printemps 1944, période cruciale entre Glières et débarquement allié, j’ai retrouvé le texte d’un rapport que le chef départemental de la Milice, Yvan Barbaroux, adresse à son chef régional en mai. En voici un extrait :
(…) un fait à signaler : c’est le peu d’empressement que mettent les bénévoles à répondre à l’ordre de mobilisation que j’ai lancé (…).
Pendant les opérations (des Glières), j’avais également fait appel aux volontaires pour venir renforcer les rangs de la Franc-Garde. Personne n’a bougé. Il est inadmissible que des francs-gardes appartenant à d’autres régions se soient dérangés pour combattre et défendre les biens de gens aussi indifférents que les Savoyards.
Actuellement (l’effectif de la Franc-Garde de Haute-Savoie) est de 72 hommes. Je n’ai donc pas encore atteint la centaine. Beaucoup se sont présentés à mon appel, mais pour me demander un sursis (…).
(…) A mon avis, il faudrait maintenir en Haute-Savoie assez de forces pour contenir le flot sans cesse croissant des Rouges. Pour bien faire, il faudrait une centaine de francs-gardes à Annecy et une autre centaine à Thonon.
Finalement, le chef Yvan Barbaroux, qui rappelle, dans son rapport, le motif principal d’engagement (contre les Rouges et le bolchevisme), et le chef Jacques Chambaz, commandant la centaine d’Annecy, purent recruter au moins une vingtaine de jeunes inconscients entre le mois de juin et le mois d‘août, puisque, devant la cour martiale du Grand-Bornand le 21 août 1944, ils étaient 97 inculpés sur lesquels 77 furent exécutés, comme je l‘ai déjà dit."