Post Numéro: 2 de Tom 15 Aoû 2007, 12:39
D’après Jean-François Muracciole (La France pendant la SGM, 2002), ce n’est pas le général de La Porte du Theil qui conçut les Chantiers de la jeunesse, mais, en été 1940, le général Colson, chef d’état-major de l’armée de l’armistice, dans « un souci tout conjoncturel : contrôler les quelque cent mille jeunes de la classe 1940 qui n’avaient pu, dans la débâcle du printemps 1940, être mobilisés et qui erraient à l’aventure ».
Envisagés comme une organisation provisoire, les Chantiers de la jeunesse reçurent toutefois un statut définitif par la loi du 18 janvier 1941. En effet, l’armée d’armistice, qui ne pouvait faire appel à la conscription, voulait maintenir un lien avec la jeunesse tout en trouvant un emploi à des centaines de cadres en « congé d’armistice ».
Rattachés au ministère de la Jeunesse et des sports, confinés à la zone « libre » en raison de l’hostilité des Allemands, les Chantiers, sorte de service national paramilitaire sans armes obligatoire de huit mois, furent effectivement placés sous l’autorité du général de La Porte du Theil, ancien commissaire des Scouts de France, chargé d’inculquer aux jeunes hommes les valeurs de la Révolution nationale et le culte du Maréchal.
« On y exaltait le patriotisme - port de l’uniforme, cérémonies au drapeau, chants patriotiques -, l’esprit de redressement national et on s’efforçait […] d’inculquer aux jeunes une nouvelle armature morale…
Si la majorité des responsables de base des Chantiers, surtout les militaires, pensaient préparer une nouvelle Revanche par la formation patriotique et paramilitaire qu’ils donnaient aux jeunes, telle n’était pas la perspective des dirigeants collaborateurs vichyssois. »
A partir du moment où, en 1943, les Chantiers « se transformèrent en piège pour le S.T.O., La Porte du Theil tenta de s’opposer aux pressions allemandes, ce qui lui valut d’être relevé de ses fonctions par Laval en décembre 1943 avant d’être arrêté et emprisonné par les Allemands. Jusqu’au bout, il avait défendu l’idéal d’une formation morale et apolitique de la jeunesse, récusant l’antisémitisme et refusant tout autant la collaboration que le basculement dans la Résistance active.
[Cependant] cette attitude neutraliste était de plus en plus rejetée par nombre de jeunes qui fuyaient alors les Chantiers pour rejoindre les maquis. […] En Afrique du Nord, dès le lendemain du débarquement allié de novembre 1942, les Chantiers étaient devenus une pépinière de volontaires prêt à reprendre le combat. »
Selon François-Georges Dreyfus (Histoire de la Résistance, 1996), « […] dans une France veule, les Chantiers sont une école de caractère […] et permettent de donner [une éducation morale et physique], et une instruction paramilitaire, que l’on pourrait facilement développer si on en a l’envie, comme le [responsable de la Résistance] colonel Ravanel l’indique dans Esprit de la Résistance.
C’est bien ce que, après 1942, comprendront les Allemands qui arrêteront et déporteront nombre de leurs chefs, à commencer par le général de La Porte du Theil, tandis que beaucoup d’autres se retrouveront dans les maquis ou dans l’armée d’Afrique. »
Ainsi, mon père Roger rejoignit l'Armée secrète (maquis des Confins dans la vallée de Thônes près d’Annecy en Haute-Savoie) le 1er mars 1943 au terme de huit mois dans les Chantiers de la jeunesse (groupement Belledonne au-dessus de Grenoble dans l'Isère).
Référence : Les chantiers de la jeunesse de R. Hervet.