Jambier !... 45, rue Poliveau ! (La traversée de Paris)
Le "Marché Noir", en temps de guerre ou de disette, est une pratique vieille comme l'homme. Le paysan est clairement avantagé, de par sa profession, par rapport à un citadin, tributaire, lui, des commerces urbains, car il est difficile d'élever une vache ou de cultiver des patates au 3ème étage d'une habitation en centre ville.
Cela dit, il y a des degrés entre le système "D" (comme démerde) et le marché noir à "grande échelle", réservé à une "élite". Du temps où la population française était majoritairement rurale, il y avait , presque toujours, un cousinage assez proche, par sa filiation et son lieu de résidence, des citadins ; pendant l'Exode de 1940, une partie des gens jetés sur la route s'était réfugiée chez le cousin Léon, l'oncle Arsène ou la cousine Berthe, à la campagne. Moyennant 30 à 50 km de vélo, le dimanche, on arrivait à dénicher des œufs frais, un poulet ou une longueur de boudin, chez un paysan.
Bien entendu, compte-tenu des restrictions et des réquisitions, les prix s'envolent...même chez le cousin germain le plus proche, qui, affection familiale mise à part, a, lui-aussi, besoin de manger.
Les "petits" commerçants- avant l'avènement de la"Grande Distribution" moderne - tels que les épiciers ou BOF (beurre , œufs et fromage,) tels qu'ils étaient désignés durant et après la Seconde Guerre Mondiale -, disposaient, de longue date, de leur propre réseau de fournisseurs (paysans, agriculteur, éleveurs locaux) . Ne pas oublier, par exemple, que, à l'époque, le boucher ou le charcutier abattait, lui-même, les bêtes achetées, soit dans son arrière-boutique, quand il était suffisamment équipé, soit à l'abattoir municipal , donc rien à voir avec notre abattage industriel moderne. Le marchand de légumes a, logiquement, plus de facilités pour se fournir en carottes, patates ou, même, rutabagas, que le comptable ou l'employé du chemin de fer, etc.
A chaque situation difficile, l'être humain s'adapte, mais il y aura, toujours, au moins, deux groupes, les exploités - j'allais dire les "baisés"
- et les profiteurs (à plus ou moins grande échelle). Hormis les États-Unis, de par leur situation géographique particulière, éloignée de la zone de conflit, et l'importance de leurs ressources internes, la totalité des pays occidentaux, qu'ils aient été occupés, occupants (comme l'Allemagne) ou isolés, comme la Grande-Bretagne, ont été "victimes" du Marché Noir, durant la Seconde Guerre Mondiale, car il est à l'économie de guerre, ce qu'était la vérole dans les armées du Moyen Âge. De nos jours, les média parlent de "marché parallèle", à propos des retombées financières de la drogue, mais ce n'est qu'une nouvelle forme de marché noir. Quelque part, le marché Noir est indispensable pour l'économie d'un pays en guerre, car l'argent qu'il génère, est, en grande partie, recyclé dans le tissus économique national.
Par contre, de nos jours, où la Grande Distribution a le monopole de la revente et l'agriculture, réduite à sa portion congrue, regroupée sur de grandes centrales d'achat, nous risquerions fort, dans une situation similaire, de sérieusement crever la dalle et pleurer pour trouver la moindre paire de pompes correcte - c'est, déjà, le cas, actuellement! -.