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Mers-El Kébir (pour ne pas oublier)

De l'assaut sur Dakar à la bataille d'El Alamein, les combats en Méditerranée. Opération Torch et la suite logique avec le débarquement en Sicile et les affrontements dans la péninsule italienne. Anzio, Monte Cassino, le Garigliano...
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Mers-El Kébir (pour ne pas oublier)

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de Nimitz  Nouveau message 02 Déc 2005, 09:58

Le drame de Mers-El Kébir trouve son origine lors du désastre de Dunkerque où les anglais ont dû pallier l'absence de la flotte française pour évacuer les troupes prises au piège. Darlan, soucieux de rassurer Churchill lui assurera par la suite qu'il « ne permettra jamais aux allemands de s'emparer de la flotte ». Malgré tout, l'amirauté britannique demande que les navires français rejoignent des ports anglais, ne tenant visiblement pas compte des déclarations de Darlan et mettant en cause l'honneur français.

Alors que les négociations d'armistice sont en cours, la flotte basée à Toulon appareille vers les ports nord africains et notamment Mers El Kébir pendant que les bâtiments trop vétustes pour prendre la mer se sabordent dans les différentes bases navales.
2 cuirassés et 8 torpilleurs se trouvent alors à Plymouth
4 cuirassés et un porte-hydravions sont à Mers El Kébir
1 cuirassé, 4 croiseurs et 3 torpilleurs à Alexandrie

Le Richelieu appareille pour Dakar alors que le Jean Bart inachevé prend la mer pour Casablanca.

La France prouve ainsi sa volonté de sauver sa flotte de la mainmise allemande. Elle essaie également d'obtenir son désarmement dans les ports d'Afrique du Nord : l'Allemagne accepte le 30 juin !!

Lors de la signature de l'armistice, les amiraux allemands et italiens demandent que la flotte française se rende sans condition mais, Hitler, à la surprise générale, s'y oppose. Il demande qu'elle soit démilitarisée.

Conscient du climat qui s'instaure, Darlan veut encore rassurer les anglais et laisse le choix à chaque commandant de navire de guerre :
* ne pas tomber aux mains des allemands ou des italiens
* rallier les ports anglais ou les Antilles
* se saborder
En tout état de cause, ne jamais permettre qu'un bâtiment tombe intact aux mains de l'ennemi.

Churchill reste malgré tout méfiant et programme l'opération Catapult :

Le 1er juillet, l'amiral Somerville, nommé le 28 juin à la tête de la Force « H », reçoit l'ordre de s'assurer du transfert ou de la destruction des unités navales françaises de Mers El Kébir.

L'escadre anglaise qui appareille de Gibraltar le 2 juillet à 16 heures a fière allure :
* le porte-avions Ark Royal (emportant 65 appareils)
* 1 croiseur de bataille : le prestigieux Hood (45.000 tonnes et 8 pièces de 380mm) pavillon de l'amiral Somerville et fierté de la Royal Navy
* 2 cuirassés : le Resolution et le Valiant (32.000 tonnes et 8 pièces de 380mm)
* 2 croiseurs et une dizaine de destroyers.

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Les bâtiments français à Mers El Kébir, bien que moins nombreux, font également partie de la fleur de la marine :
* les 2 cuirassés Strasbourg et Dunkerque (navire amiral de Gensoul) de 26.500 tonnes et armés de 8 pièces de 340 mm

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* les 2 anciens cuirassés Provence et Bretagne de 23.500 tonnes également armés de 8 pièces de 340 mm

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* le porte-hydravions Commandant Teste.
* une flotille de 6 destroyers parmi lesquels le Mogador et le Volta, filant plus de 40 nœuds et, qui par leur armement, s'apparentent plus à des croiseurs légers.

La rade est protégée par 4 batteries côtières :
Fort Santon (3 tubes de 194mm)
Batterie Gambetta (4 tubes de 120mm)
Batterie Espagnole (2 tubes de 75mm)
Batterie Canastel (3 tubes de 240mm)

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Il faut enfin savoir que si l'ordre émane de Churchill et de l'amirauté britannique, les principaux amiraux anglais sont loin d'être unanimes quant à l'approbation d'une telle démarche. Tous leurs contacts avec leurs homologues français ont bien stipulé qu'en aucun cas la flotte française ne doit passer dans des mains ennemies. L'opération Catapult semble donc particulièrement inutile, surtout quand il s'agit d'ouvrir le feu sur les alliés de la veille !

3 juillet

Depuis l'armistice, le désarmement est en cours :

Les batteries côtières qui protègent la rade voient leurs canons privés de culasses.
En ce qui concerne les navires de guerre, ils ne sont pas sur le pied de guerre mais au mouillage, machines stoppées, et la poupe orientée vers la mer les privant ainsi de leur artillerie principale.

Aux environs de 6h du matin, le destroyer Foxhound se détache de l'horizon et prend la direction de la base française, demandant l'autorisation d'entrer en contact avec l'amiral Gensoul par le biais du commandant Holland, actuel commandant de l'Ark Royal et ancien attaché naval à Paris.

7h15 :
Gensoul envoie son aide de camp, le lieutenant de vaisseau Dufay à la rencontre des anglais. Celui-ci parle couramment l'anglais et connaît bien Holland.

7h45 :
Holland, bien que déçu de ne pas avoir eu affaire à Gensoul en personne, n'en n'a pas moins transmis le message de l'amirauté : que les navires français se joignent à la Royal Navy, une escadre les attend au large pour leur souhaiter la bienvenue.

Effectivement, les veilleurs du navire amiral signalent l'apparition de la force « H » de Somerville.
Un complément de message arrive par les projecteurs du Hood :

« Nous espérons que nos propositions seront acceptables et que nous vous trouverons à nos côté ».

Gensoul comprend la menace à peine voilée et rappelle aux postes de combat

8h30 :
Gensoul, qui continue de refuser de recevoir Holland en personne, prend connaissance des propositions anglaises :
1/ appareiller et combattre aux côtés de la flotte anglaise
2/ appareiller sous équipage réduit pour rejoindre un port anglais
3/ rejoindre les Antilles sous équipage réduit pour démilitarisation
4/ se saborder

Si toutes ses propositions venaient à être rejetées, les anglais useraient de la force pour éviter que les navires français ne tombent aux mains des allemands ou des italiens.

Gensoul est abattu ! La situation est désastreuse. C'est une véritable mise en demeure que lui ont fait parvenir les britanniques. Il analyse alors les propositions :

* Les deux premières ne peuvent qu'être rejetées car ce serait trahir l'armistice
* Il n'est également pas envisageable de saborder des navires qui sont déjà hors de portée des troupes de l'Axe.
* Quant à appareiller pour les Antilles, il sent bien que le message anglais ne le permettrait pas.

Il prévient aussitôt l'amirauté française MAIS sans évoquer la proposition 3 :
« Force anglaise devant Oran. Ultimatum : coulez vos bateaux délai six heures ou nous vous y contraindrons par la force. Réponse : Bâtiments français répondront à la force par la force »

Dans le même temps, on réarme rapidement les batteries côtières et la chasse est mise en alerte. Gensoul fait allumer les feux des chaudières et convoque les chefs d'escadre.

9h :
Message à tous les bâtiments : « Flotte anglaise venue nous poser un ultimatum inacceptable, soyez prêts à répondre à la force par la force »

Holland, qui attend toujours la réponse des français, remarque leurs préparatifs et reçoit enfin la réponse de Gensoul :
1/ Les assurances données demeurent entières. En aucun cas les navires français ne tomberont aux mains de l'ennemi.
2/ Etant donné le fond et la forme de l'ultimatum, les bâtiments français répondront à la force par la force

Holland parvient à obtenir de négocier avec Dufay à bord de la cabine de la vedette du Dunkerque. Il rappelle que personne ne met en doute la volonté des français mais comment être sûr que les français, cernés, auraient le temps de se saborder ? Dufay lui fait alors part de la création d'équipes de sabordage et que rien ne s'oppose à ce que les navires soient démilitarisés sur place, à Mers-el-Kébir, loin de la métropole.
Holland regagne alors le Foxhound, non sans avoir fait remarquer à Dufay que sa décision aurait été la même en pareilles circonstances.

9h50 :
La réponse anglaise arrive :
Il est hors de question que la flotte française quitte le port sans avoir accepté les conditions anglaises.
Le drame semble noué mais l'amiral Somerville, qui a vu les préparatifs français, hésite encore. Il donne l'ordre de miner la passe et les appareils de l'Ark Royal larguent vers midi des mines magnétiques visant à éviter toute sortie.
A bord des bâtiments anglais, l'attente se poursuit, chacun répugnant à devoir ouvrir le feu sur les français.

12h30 :
Somerville prévient Londres qu'il est prêt à ouvrir le feu mais, sur proposition de Holland, envoie un dernier message à Gensoul.
« Si vous acceptez les propositions, hissez un pavillon carré sinon je fais ouvrir le feu à 13h. Votre port est miné »

13h15 :
Gensoul accepte un entretien de principe avec Holland et stipule qu'il attend la réponse de son gouvernement et n'a donc pas l'intention d'appareiller.
Les raisons qui ont poussé Gensoul à changer d'avis et à accepter cette rencontre sont doubles : ne pas avoir à ouvrir le feu et gagner du temps pour permettre à ses navires de terminer leurs préparatifs.

15h15 :
Holland arrive à bord du Dunkerque qui n’est pas sans remarquer que les français ne restent pas inactifs. Gensoul lui montre le message que lui avait fait parvenir Darlan concernant les instructions à suivre en cas de menace. Ayant ainsi prouvé sa bonne foi, Gensoul envisage d’appareiller pour les Antilles mais avec ses équipages, donnée qui n’est pas envisagée dans les propositions anglaises. Un accord semble toutefois pouvoir être envisagé.

Mais le sort de l’escadre française se décide bien loin de là.
Un message émanant de l’Amirauté française est transmis à Gensoul : toutes les forces françaises de Méditerranée rallient Mers-el-kebir à toute vapeur.
La réponse de Somerville est sans équivoque : soit les conditions sont acceptées à 16h30, soit ses bâtiments ouvrent le feu.

Le sort en est jeté, les négociations ont échoué. Holland quitte le bord à 16h25 et Somerville est obligé d’attendre avant d’engager le combat.

16h53 :
Le signal est hissé au mât du Hood

16h56 :
Le Resolution ouvre le feu le premier.
La salve trop courte explose sur la jetéealors que le Dunkerque appareille. A pein a-t-il quitté son mouillage qu’un obus du Hood le touche à l’arrière. Le cuirassé français fait malgré tout feu de toutes ses pièces et encadre le croiseur de bataille britannique mais la chance est du côté des assaillants : 3 obus de 380mm atteignent le navire qui, en un instant, perd la moitié de ses pièces d’artillerie principale ainsi que toute énergie, son alimentation électrique ayant été coupée. Il ne lui reste plus qu’à aller s’échouer sur le fond devant Ste André.

Au même moment, le Provence est mal en point : un obus ayant déclenché une voie d’eau à l’arrière il faut noyer les soutes ; les tourelles arrières sont hors d’usage et le tourelle de télépointage a été sectionnée. Bien que d’ésemparé, le vieux cuir&ssé s’echoeu par 10 m de
fond.

Le Bretagne quant à lui n’a pas eu l’opportunité d’effectuer la moindre manœuvre : une salve entière atteint le navire qui brûle de part en part. On ordonne l’évacuation mais à 17h09 une dernière explosion fait chavirer le bâtiment qui entraîne dans la mort 977 hommes. Il faudra attendre l’attaque de Pearl Harbor pour voir un sort encore plus cruel s’abattre sur un équipage.

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17h10 :
A cet instant, seul de toutes les unités lourdes, le Strasbourg a résussi à éviter les salves anglaises : ayant rompu ses amarres, le cuirassé fend l’eau à une vitesse vertigineuse. Il franchit la porte du barrage et fonce à 28 nœuds sans que les mines ne viennent exploser contre la coque.

Ce n’est pas le seul à avoir pu quitter la rade : les destroyers, bien plus manoeuvrables, ont pu s’extraire du piège. Le Volta et le Terrible lanceront deux attques à la torpille lors de leur fuite mais san aucun résulat.

Seul le Mogador, atteint d’un obus de 380mm qui a pulvérisé l’arrière, a dû être abandonné.

17h15 :

Les bâtiments français sont soit hors de combat, soit ont pris la mer.
Gensoul demande alors un cessez le feu auquel Somerville répondra que tant que les navires français seront à flot, il fera à nouveau ouvrir le tir.

17h20 :
Un Swordfish de l’Ark Royal signale qu’un cuirassé fait route vers l’Est à grande vitesse : le Strasbourg, dont lasortie était passée inaperçue lors de l’engagement, a été repéré. Seul le Hood, plus rapide que les cuirassés anglais, est en mesure d’entamer la chasse avec les croiseurs et destroyers. Malgré deux attaques aériennes à 17h45 et 19h55, le Strasbourg parvient à eviter les torpilles britanniques et riposte fortement au Hood qui finira par abandonner la poursuite à 19h20. Le fleuron de la marine française atteindra sans encombre Toulon le lendemain.

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A Mers-el-kébir, le bilan est lourd : le phare a été volatilisé par un obus de 380mm, les navires échoués sont la proie des flammes, les survivants sont pour la plupart atrocment blessés ou brûlés et se débattent au milieu des débris.

Et ce n’est hélas pas fini : l’Amirauté britannique, consciente que le Dunkerque pourra aisément être remis en état ordonne à Somerville de procéder à un nouveau bombardement.

6 juillet :

Les appareils de l’Ark Royal sont reçus par un violent tir de DCA et doivent affronter quelques chasseurs Dewoitine.
La torpille qui est destinée au Dunkerque est encaissée par un remorqueur qui fut littéralement pulvérisé. Si le cuirassé n’enrgistra pas le moindre coup au but, l’explosion des grenades du Terre-Neuve, ouvrit une brêche de 40m dans la coque. Malgré tout, le navire rejoindra également Toulon au début 1942, avant un autre triste épisode de l’histoire de la marine française.

La stupeur et la douleur envahirent la Franc devant une telle attaque et la perte de 1297 vies. La responsabilité incombe à Churchill, les amiraux s’étant contenté d’éxécuter les ordres ou, ayant manifesté leur désaccord, s’étant retrouvés à la retraite d’office.

Anglais et français venaient d’ecrire une des pages les plus noires des relations entre les deux pays…..
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Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de hilarion  Nouveau message 02 Déc 2005, 10:44

Merci Jean pour cet historique de la bataille de Mers el Kebir.
J'en profite pour vous rappeler le lien de l'association qui souhaite la réhabilitation du cimetière

http://test01163.sivit.org/phpBB2/viewtopic.php?t=7159&highlight=cimeti%E8re
Dernière édition par hilarion le 02 Déc 2005, 11:14, édité 1 fois.


 

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Re: Mers-El Kébir (pour ne pas oublier)

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de Laurent Pépé  Nouveau message 02 Déc 2005, 10:53

Nimitz a écrit:


Conscient du climat qui s'instaure, Darlan veut encore rassurer les anglais et laisse le choix à chaque commandant de navire de guerre :
* ne pas tomber aux mains des allemands ou des italiens
* rallier les ports anglais ou les Antilles
* se saborder
En tout état de cause, ne jamais permettre qu'un bâtiment tombe intact aux mains de l'ennemi.

…..


.....

Nimitz a écrit:
Gensoul, qui continue de refuser de recevoir Holland en personne, prend connaissance des propositions anglaises :
1/ appareiller et combattre aux côtés de la flotte anglaise
2/ appareiller sous équipage réduit pour rejoindre un port anglais
3/ rejoindre les Antilles sous équipage réduit pour démilitarisation
4/ se saborder

…..


Je ne comprend pas . Deux de ces options (de Darlan et de Holland) sont identiques

Une autre question :

* Quant à appareiller pour les Antilles, il sent bien que le message anglais ne le permettrait pas




Pourquoi ?


Merci


 

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Nouveau message Post Numéro: 4  Nouveau message de Nimitz  Nouveau message 02 Déc 2005, 14:23

En fait, les ordres de Darlan étaient quelque peu antérieurs à la signature du traité pour rassurer les anglais dont les propositions, survenant APRES, auraient été prises comme une rupture d'armistice.
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Profanation du cimetiére de Mers El Kebir

Nouveau message Post Numéro: 5  Nouveau message de lebel  Nouveau message 04 Déc 2005, 09:45

Bonjour
Un rappel de notre ami Francis sur LDG
No comment :(



http://www.livresdeguerre.net/forum/con ... rs%20kebir


 

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Nouveau message Post Numéro: 6  Nouveau message de Lee Enfield  Nouveau message 05 Déc 2005, 19:51

Il faut savoir que selon l'article 8 de l'armistice, les batiments français devaient regagner leur port d'origine. Soit plusieurrs sous controle Allemand.

Ce qui peut inquiéter Churchill.

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Nouveau message Post Numéro: 7  Nouveau message de Francis Deleu  Nouveau message 06 Déc 2005, 13:40

Bonjour Nimitz, bonjour à tous,

Recevez d'abord mes remerciements pour ce résumé exhaustif du drame de Mers El-Kebir. L'opinion que nous avons de ce drame est (et restera) un sujet à controverses. Peut-être serait-il utile de reproduire intégralement l'ultimatum anglais - relativement long et rarement publié "in extenso" par les historiens.

Votre version :

8h30 :
Gensoul, qui continue de refuser de recevoir Holland en personne, prend connaissance des propositions anglaises :
1/ appareiller et combattre aux côtés de la flotte anglaise
2/ appareiller sous équipage réduit pour rejoindre un port anglais
3/ rejoindre les Antilles sous équipage réduit pour démilitarisation
4/ se saborder
Si toutes ses propositions venaient à être rejetées, les anglais useraient de la force pour éviter que les navires français ne tombent aux mains des allemands ou des italiens.


Le texte intégral de l'ultimatum tel que remis sous pli scellé à l'amiral Gensoul entre 8h.15 et 8h.30

Le gouvernement de Sa Majesté m’a ordonné de vous informer de ce qui suit :
Il n’a accepté que le gouvernement français approchât le gouvernement allemand que sous la condition, si l’armistice était conclu, que la flotte française serait envoyée dans les ports britanniques, pour empêcher qu’elle tombe entre les mains de l’ennemi. Le Conseil des ministres (français) a déclaré, le 18 juin, juste avant de capituler sur terre, que la flotte française viendrait se joindre à la force britannique ou se saborderait.
Tandis que le présent gouvernement français considère peut-être que les termes de ses armistices avec l’Allemagne et avec l’Italie avec ces engagements, le gouvernement de Sa Majesté, d’après l’expérience du passé, estime impossible de croire que l’Allemagne et l’Italie ne s’empareront pas, à tout moment qui leur conviendra, des navires français pour les utiliser contre le gouvernement britannique et ses alliés. L’armistice italien prescrit que les navires français retourneront dans les ports métropolitains ; et, d’après l’armistice avec l’Allemagne, la France est tenue de fournit des unités pour la défense côtière et pour le dragage des mines.
Il nous est impossible, à nous qui avons été vos camarades jusqu’ici, de laisser tomber vos beaux navires aux mains de l’ennemi allemand ou italien. Nous sommes déterminés à combattre jusqu’à la fin, et, si nous sommes vainqueurs, nous déclarons solennellement que nous restaurerons la France dans sa grandeur et dans son indépendance. Dans cette intention, nous devons être certain que les meilleurs navires de la flotte française ne seront pas en même temps employés contre nous par l’ennemi commun.
Dans ces circonstances, le gouvernement de Sa Majesté m’a donné l’ordre de demander à la flotte française actuellement à Mers El-Kébir et Oran de se conformer à l’une des attitudes suivantes :

a) Appareillez avec nous et continuez à combattre pour la victoire contre les Allemands et les Italiens.
b) Appareillez avec équipages réduits sous notre contrôle vers un port britannique ; l’équipage réduit sera rapatrié aussitôt qu’il sera possible. Si l’une ou l’autre de ces alternatives est adoptée par vous, nous restituerons vos navires à la France à la fin de la guerre, ou bien nous paierons pleine compensation s’ils sont endommagés entre temps.
c) Alternativement, si vous vous sentez tenus de stipuler que vos navires ne peuvent être employés contre les Allemands, ou contre les Italiens, parce que cela pourrait rompre l’armistice, alors conduisez-les, avec équipages réduits, vers un port français des Indes occidentales, par exemple, la Martinique, où ils pourront être désarmés à notre satisfaction, ou peut-être confiés aux Etats-Unis et rester en sécurité jusqu’à la fin de la guerre, les équipages étant rapatriés.

Si vous refusez les offres ci-dessus, avec un profond regret, je dois requérir de saborder vos navires dans un délai de six heures. En définitive, faute de ce qui précède, j’ai les ordres du gouvernement de Sa Majesté d’employer telle force qui sera nécessaire pour empêcher vos navires de tomber en des mains allemandes ou italiennes.

Quelle fut la réaction de l'amiral Gensoul ?

Vous écrivez :

Force anglaise devant Oran. Ultimatum : coulez vos bateaux délai six heures ou nous vous y contraindrons par la force. Réponse : Bâtiments français répondront à la force par la force.


Il s'agit du télégramme 2607 adressé à l'Amirauté française à 8h.45 soit un quart d'heure après réception de l'ultimatum britannique et avant toute négociation. J'écrivais sur un autre forum :
"En retournant ce télégramme dans tous les sens, j’ai toutes les difficultés à comprendre l’attitude de l’amiral Gensoul : une information tronquée adressée à l’Amirauté, pas la moindre place à la négociation, une détermination à en découdre avec les Anglais sans même attendre une réponse de sa hiérarchie. Et surtout, connaissant l'issue du combat, le refus de se saborder - qui ne contrevenait pas aux conventions d'Armistice - et qui aurait permis d’épargner la vie de 1.300 marins".


A 12h.20, Gensoul adresse un second télégramme (n° 1806) à l'Amirauté :

"Ultimatum initial anglais était : ou bien rallier flotte anglaise, ou bien détruire bâtiments dans les six heures pour éviter qu'ils tombent entre les mains allemandes ou italiennes.
Répondu :
Primo : cette dernière éventualité n'était pas à envisager.
Secundo : me défendrai par la force au premier coup de canon tiré contre flotte française. Résultat diamétralement opposé à celui que recherche gouvernement britannique.
Réponse anglaise : Si vous appareillez sans accepter propositions britanniques, lesquelles sont raisonnables et honorables, ouvrirai le feu avec regret.
Commandant Holland qui a servi d'intermédiaire a indiqué que désarmement forces à Mers el-Kébir serait susceptible donner base à un arrangement, ceci sous toutes réserves.


A 12h.50, sur base des messages tronqués de Gensoul, l'Amirauté française donne ordre aux escadres de Toulon et d'Alger d'appareiller en tenue de combat et de rallier Oran. (télégramme n° 3-308). Simultanément Le Luc [qui remplace Darlan absent] ordonne à l'aéronautique navale et à l'aviation d'Afrique de remettre les appareils en état pour le service de la flotte et une riposte éventuelle sur Gibraltar.

A 13h.09, Gensoul est informé de cette décision :
Télégramme 3309 de "Amirauté française à Gensoul".
"Faites savoir à l'intermédiaire britannique que l'Amiral de la flotte a donné ordre à toutes les forces françaises en Méditerranée de vous rallier immédiatement. Vous aurez donc à donner vos ordres à ces forces. Appelez les sous-marins et les avions, si nécessaire. Commission d'armistice par ailleurs prévenue.


A l'inverse du "gentlemen agreement" conclu à Alexandrie (il est vrai, dans d'autres circonstances), Gensoul fait traîner les négociations en longueur en attendant l'intervention des escadres de Toulon et d'Alger.... ce que Somerville n'ignore pas.

Franchement, comment comprendre l'obstination de Gensoul ? Baroud d'honneur face à l'allié de la veille ? Que penser alors de l'amiral de Laborde qui saborde la flotte de Toulon menacée par les Allemands?

Bien cordialement,
Francis.


 

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Nouveau message Post Numéro: 8  Nouveau message de Nimitz  Nouveau message 06 Déc 2005, 13:45

Bonjour Francis

Avant tout, merci pour ces éclaircissements que je n'avais pas en ma possession lorsque j'ai écrit cet article.

Je me suis efforcé d'être aussi proche de la réalité que mes documents me le permettaient.

En ce qui concerne le sabordage de la flotte de Toulon, il m'a été demandé de faire un article sur le sujet, je vais donc me pencher dessu, non sans avoir fini un historique du Graf Spee...
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Re: Mers-El Kébir (pour ne pas oublier)

Nouveau message Post Numéro: 9  Nouveau message de Igor  Nouveau message 06 Déc 2005, 21:47

Nimitz a écrit:Lors de la signature de l'armistice, les amiraux allemands et italiens demandent que la flotte française se rende sans condition mais, Hitler, à la surprise générale, s'y oppose. Il demande qu'elle soit démilitarisée.

Conscient du climat qui s'instaure, Darlan veut encore rassurer les anglais et laisse le choix à chaque commandant de navire de guerre :
* ne pas tomber aux mains des allemands ou des italiens
* rallier les ports anglais ou les Antilles
* se saborder
En tout état de cause, ne jamais permettre qu'un bâtiment tombe intact aux mains de l'ennemi.


A signaler un message de Darlan, daté du 22 juin, et adressé à tous ses grands subordonnés. On peut notamment y lire:

Négociations n'étant pas terminées, instructions seront envoyées ultérieurement. Dès maintenant je précise une fois de plus, alors que je dispose encore du secret des transmissions qu'une équipe déterminée doit être organisée sur chaque bâtiment afin d'être maintenue à bord, de manière occulte, dans la disposition définie au paragraphe 2. Cette équipe aurait pour mission de détruire les armes ou de couler le navire si l'ennemi, abusant de l'Armistice, tentait contrairement à ses engagements d'utiliser pour lui un ou plusieurs navires de combat. Cette considération s'applique à tout étranger.


La dernière phrase est intéressante car implicitement elle vise les Britanniques.

Source: tome 1 de l'Historique des FNFL


 

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Nouveau message Post Numéro: 10  Nouveau message de Francis Deleu  Nouveau message 06 Déc 2005, 22:08

Bonsoir Nimitz, bonsoir à tous,

Nimitz écrit :

Avant tout, merci pour ces éclaircissements que je n'avais pas en ma possession lorsque j'ai écrit cet article.
Je me suis efforcé d'être aussi proche de la réalité que mes documents me le permettaient.


Je suis rassuré car en déposant la contribution sur Mers El-Kebir, je redoutais de provoquer une levée de boucliers.
Mon opinion sur l'attitude de l'amiral Gensoul est bien sûr personnelle. On ne peut vous reprocher de reproduire, par exemple, les termes de l'ultimatum de Somerville tels qu'ils sont publiés dans la plupart des ouvrages. A cet égard, il est dommage que l'historiographie actuelle fasse trop souvent l'impasse sur la reproduction d'archives ou n'en reprenne que les éléments qui étayent la thèse de l'historien. Les amateurs ou les passionnés qui puisent leurs infos dans les bouquins, sont ainsi condamnés à prendre pour argent comptant tout ce qu'on leur "raconte".

Nimitz :
En ce qui concerne le sabordage de la flotte de Toulon, il m'a été demandé de faire un article sur le sujet, je vais donc me pencher dessu, non sans avoir fini un historique du Graf Spee...


Ou la la ! Le sabordage de la flotte de Toulon est une autre paire de manche. Déjà un petit sujet de réflexion et de comparaison : l'amiral de Laborde saborde la flotte convoitée par l'ennemi alors que Gensoul, plutôt que se saborder, préfère sacrifier 1.300 marins massacrés inutilement par l'allié de la veille.

Bien cordialement,
Francis.


 

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par: Liberator 6-1944 
    dans:  80e Anniversaire du débarquement en Normandie 
Hier, 20:46
par: Liberator 6-1944 

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