Post Numéro: 14 de 13emeDBLE 03 Avr 2008, 10:31
Si Rommel avait gagné à El Alamein ?
Il convient d'abord de placer temporellement la question car la réponse peut varier selon les époques de cette "victoire"...
Lors de la première bataille d'El Alamein (offensive des 1er et 2 juillet 1942) : La Panzerarmee Afrika arrive épuisée face aux positions de la 8th Army (elle-même en mauvais état, certaines unités, telle la 4th armoured brigade arrivant en même temps que la 90. Leichte-afrika-division).
Elle compte à l'époque 17 Panzers à la 15. PzD et 37 à la 21. PzD.
La 8th Army compte alors 40 tanks à la 22nd armoured brigade et 28 à la 4th armoured brigade (dont 18 disponibles).
Les italiens ne dépassent pas la trentaine de chars (la Littorio a perdu l'intégralité de ses 22 M13/40 et M14/41 lors d'un combat de rencontre la veille).
Donc imaginons la manoeuvre de Rommel réussissant (encerclement du Box d'El Alamein tenu par la 3rd SA brigade et défaite du 30th Corps)...
Ce sera nécessairement une victoire au moral, plus qu'un succès d'anéantissement, ce qui suppose que les forces d'Auchinleck se replient (on sera dans la réédition de Matruh), particulièrement celles du 30th Corps peu concernées par ladite manoeuvre exclusivement septentrionale (la 7th armoured division sans tanks, la 9th Indian brigade renforcée par les éléments organiques de la 5th Indian division et surtout la 2nd NZ division).
Les pertes prévisibles des italo-allemands (si l'on compare avec celles subies lors de la bataille de Matruh) devraient avoisiner les 50 % (c'est une évaluation basse car dès le 2 juillet, la 15. PzD n'a plus que 6 Panzers dispos), c'est à dire que Rommel arriverait sur le Nil avec..... 27 Panzers !
En face, et sur un terrain plus propice au combat d'infanterie (la vallée du Nil), nous avons donc les néo-zélandais et surtout les australiens de la 9th Division de Morshead (les héros de Tobrouk), et les restes du 10th Corps (notamment une grosse partie de l'artillerie, arme prépondérante en Afrique).
Certes les ateliers de la Panzerarmee travaillent à plein régime (dès le 13 juillet, les Panzers réparés dépassent les pertes quotidiennes, et un rapport indique que plus de 100 Panzers vont devenir disponibles sous 4 semaines). Mais en face, Auchinleck dispose également de l'effort extraordinaire des Alliés (et surtout des américains) qui déversent un flot continu de matériel (par Suez).
Et surtout les ateliers de la Panzerarmee bénéficient de l'arrêt de toute avance. Si l'avance s'était poursuivie, même de 50 km, les performances constatées auraient été sérieusement réduites. La situation logistique de la Panzerarmee Afrika est devenue catastrophique (sans même que le harcèlement de Malte y soit pour quelque chose).
En outre les hommes sont nerveusement et physiquement épuisés, dès le 1er juillet, la 90. Leichte-afrika-division lâche pied (du jamais vu en Afrique). Et les effectifs réduits à quelques centaines d'hommes par division (les italiens comptent des divisions de 2 à 4 bataillons squelettiques).
Sur ce plan, la situation matérielle et morale des hommes de la 8th Army est meilleure. Contrairement à ce que l'on affirme, ils ne sont pas démoralisés (au contraire). Ceux sont les officiers supérieurs britanniques(Gott, Lumsden...) qui craquent nerveusement. Les soldats et chefs des forces des Dominions sont prêts (Inglis pour les néo-zélandais, Gay pour la 18th Indian brigade qui se sacrifie et sauve la bataille...), à l'exception du commandant de la 1st SA division qui après une résistance héroïque (et inattendue) va replier brusquement sa 1st SA brigade avant que la relève n'arrive (repli sans conséquence car les allemands sont si faibles qu'ils ne pourront tenir face au retour de ladite relève qui reprend sans difficulté les positions abandonnées).
Donc lors de la première bataille d'El Alamein (du 1er au 4 juillet), une hypothétique percée italo-allemande n'aurait pas amené grand chose...
Après le 4 juillet, Rommel est sur la défensive et se contente de contrer brillamment les attaques maladroites d'Auchinleck, en attendant des renforts qui n'arrivent qu'à compte-goutte.
L'autre moment où la question peut raisonnablement se poser est lors de l'offensive d'Alam el Halfa (30 août - 3 septembre 1942), lancée par une Panzerarmee puissante (environ 500 chars dont 232 Panzers). Mais l'essence manque cruellement (lorsque Rommel s'élance à contre-coeur, il na pas suffisamment de carburant pour se replier !).
En cas de succès sur la Crête de Ruweisat, la 8th Army est trop puissante pour être "bougée" mais même en cas de repli (je rappelle que lors de Gazala, la 1st SA division et la 50th division ne se sont repliées que sur ordre et alors que les allemands étaient déjà dans leur dos), les Panzers ne peuvent suivre, faute de carburant... La saisie hypothétique de stocks ennemis ne résouds rien car alors, l'essence pour amener le ravitaillement va manquer aussi.
En août 1942, les stocks d'essence arrivant en Afrique du Nord (amputés à des moments clés par l'action de Malte) suffisent à peine à couvrir les besoins des camions et véhicules de la DELEAS (direction du ravitaillement en afrique du général Barbasetti di Prun). Rommel s'en plaint et doit plusieurs fois décaler la date de son attaque car il n'est pas possible de constituer de stocks. Si on ajoute 60 km aux distances immenses à parcourir, la rupture de la chaîne logistique devient inéluctable.
Aucune poursuite, ni aucune exploitation n'est donc matériellement possible en cas de retraite de la 8th Army (ce que Monty n'a de toutes les façons pas l'intention de faire).
Voilà les quelques éléments de réponse que je peux donner. Etant au boulot, j'ai usé de ma mémoire limitée, aussi il est possible que quelques erreurs factuelles se soient glissées dans mon message, acceptez par avance mes excuses.
Cordialement,
CM