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Broché - 150x210mm (lxh) - 150x210mm (hxl)
ISBN : 978-2-35593-249-6
215 pages
Distribué par BLDD
Date de parution : 24/01/2013
il manque encore une présentation générale de la politique et de la stratégie, en matière de prise du pouvoir, de Hitler et du NSDAP avant 1933. On peut supposer qu’une recherche plus approfondie sur la fin de la République de Weimar du point de vue des efforts de la direction nazie pour saisir le pouvoir en Allemagne aux différents niveaux de l’Etat et de la société, efforts au demeurant fort souvent mis en échec, conduiront dans maints domaines à une révision de l’image jusque là dominante de la dynamique victorieuse et de la supériorité politique du mouvement national-socialiste. La recherche actuelle se développe depuis des lustres, dans le cadre d’un vaste effort international, suivant le paradigme d’une investigation sur la crise de la démocratie. Si ses prochains progrès, comme on peut le présumer, vérifient encore plus fortement que par le passé que la prise du pouvoir par les nazis n’avait nullement un caractère inéluctable, résultant soit d’un génie supérieur de son chef, soit d’une détermination ou d’une puissance supérieures du mouvement, alors la question des raisons et des responsabilités de la faillite de la République de Weimar ne s’en posera qu’avec plus d’acuité.
Tels sont les derniers mots du dernier livre sur le nazisme du grand historien Martin Broszat (1926-1989) : Die Machtergreifung / Der Aufstieg der NSDAP und die Zerstörung der Weimarer Republik (La prise du pouvoir / La montée du parti national-socialiste et la destruction de la République de Weimar), Munich, DTV, 1984.
Non seulement la première phrase, soulignée par mes soins, a mon suffrage, mais mon livre répond exactement au souhait exprimé par l’auteur (dont le livre est plutôt un état de la question et des sources qu’une véritable recherche).
Son constat est hélas encore valide au moment où j’écris (mi-décembre 2012) : ni les ouvrages généraux sur Hitler ou son régime, ni les livres sur la prise du pouvoir (dont un seul est paru depuis, en 1996, dû à Henry Turner) n’ont, avant ou après 1984, étudié la question sous l’angle des entreprises des nazis ou de leur chef. Ils ont toujours été présentés comme des opportunistes, tirant parti des erreurs des autres hommes politiques ou des partis rivaux.
Cependant, en me lançant moi-même dans cette investigation, j’aboutis à une conclusion opposée à celle que Broszat pressentait. Il pensait que, faute d’avoir étudié de l’intérieur les entreprises nazies, on faisait la part trop belle au talent de Hitler et à la force du mouvement national-socialiste, et que cette étude montrerait, en quelque sorte, que le roi était nu. Or en m’appuyant sur des sources nouvelles (journal de Goebbels) ou sous-utilisées (mémoires d’Otto Wagener), et en reprenant minutieusement le dossier depuis l’année 1929, je montre que Hitler, loin de guetter les erreurs de ses adversaires, les provoquait.
Un exemple suffira : le rêve des partis de droite et du Zentrum catholique, depuis 1930, de faire entrer les nazis au gouvernement pour mieux les museler, était en passe de se réaliser le 29 janvier au matin. Hindenburg s’était décidé à nommer Hitler chancelier au vu de la modestie de ses ambitions en nombre de portefeuilles. Il ne voulait que l’Intérieur et, de ce fait, les finances, l’armée, les affaires étrangères et tout le reste seraient dans des mains bourgeoises et conservatrices, le cabinet étant "présidentiel" c’est-à-dire autorisé à gouverner par décrets-lois sans se soucier du parlement. Il aurait, en revanche, été dans la main du président, lui-même proche du vice-chancelier Franz von Papen. Il y avait là un dispositif qui pouvait, réellement, encadrer Hitler. Mais soudain, en milieu de journée, vingt-quatre heures avant d’être nommé, l’impétrant ajoute une nouvelle exigence, celle de la dissolution du Reichstag. Voilà qui lui donnerait la possibilité de rehausser son score médiocre des législatives de novembre et de s’affranchir du président en conquérant par lui-même une majorité, avec ou sans ses alliés. Voilà surtout qui donnerait une tout autre importance au ministère de l’Intérieur. Voilà enfin qui imposerait un calendrier défavorable aux forces de gauche, obligées de faire campagne contre un gouvernement présenté comme celui de la dernière chance, et s’exposant par là même aux coups de la police. La dictature était dès lors en germe, à brève échéance, pour peu que le ministère de l’Intérieur, surtout en Prusse où il était dirigé par Göring, réussisse à monter une provocation qui semble nécessiter une répression musclée : sous cet éclairage, il devient difficile de penser que l’incendie du Reichstag, quatre semaines plus tard, était le geste d’un isolé et coïncidait par hasard avec les besoins des nazis.
Mais Hitler tarde à obtenir satisfaction à sa demande de dissolution et l’affaire n’est pas réglée le lendemain : il est nommé à la tête d’un cabinet présidentiel, sans même que Hindenburg ait rendu un avis à ce sujet. Il ne s’y résout que le surlendemain, 1er février : Hitler lui arrache un décret de dissolution après avoir fait mine de négocier avec le Zentrum.
Ainsi, pour reprendre les termes de Broszat, l’intelligence manoeuvrière de Hitler a bel et bien joué un rôle décisif et la responsabilité des Papen, Hindenburg, Schleicher et consorts ne consiste pas à avoir mis au pouvoir un vulgaire agitateur alors qu’il aurait été facile à écarter, mais bien à l’avoir gravement sous-estimé.
François Delpla
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La prise du pouvoir par Hitler a été souvent racontée. Cependant toutes les études, avant celle-ci, en parlent comme d’un accident. Le char de la République de Weimar aurait versé dans le fossé. Voilà qui incite à scruter le comportement de son ou de ses pilotes. Quant au bénéficiaire de l’accident, Hitler, soit il n’y serait pour rien, soit il aurait tout au plus jeté des clous sur la route. L’historien François Delpla, docteur depuis 2002, lauréat en 2012 d’une habilitation universitaire, seul biographe français du Führer (Grasset, 1999) et auteur d’une quinzaine d’ouvrages sur le nazisme et sa guerre, scrute pour la première fois la marche de Hitler vers le pouvoir comme une approche méthodique et, au moins à partir de 1929, fort habile. L’homme est fou (cela aussi a été insuffisamment perçu) et son dérangement mental se traduit notamment par un antisémitisme obsessionnel, d’une nature et d’un degré inédits. Cette folie donne une grande assurance à son porteur, persuadé que la Providence l’a désigné pour restaurer la grandeur de l’Allemagne et la porter vers des sommets. Loin de guetter les bévues des gouvernants pour en profiter, il les fait sciemment advenir, enfermant ces politiciens dans des alternatives entre le mal et le pire, exactement comme il en usera un peu plus tard avec les hommes d’État étrangers. Il développe aussi une panoplie d’agents permettant de scruter, de contrôler et de duper en permanence ses rivaux. Le développement rapide du mouvement SS à partir de la nomination de Himmler à sa tête (1929) et la création en son sein d’un réseau de renseignement confié à Heydrich (1931), ainsi que la marginalisation politique des SA en dépit de leur croissance numérique, sont des éléments clés, jusqu’ici peu aperçus, de ce processus. De même le noyau dirigeant prend forme et ne bougera plus guère, avec la montée, outre Himmler et Heydrich, de Göring, de Goebbels et de Hess. Il y a entre ces personnages de solides inimitiés, que le maître contrôle pour que tout le monde tire dans le même sens en dépit d’une cacophonie apparente. Celle-ci contribue à masquer la pieuvre étouffante qui s’empare du Reich, pour le conduire vers des entreprises démesurées, mais longtemps réussies.
Biographe français d’Hitler (Grasset, 1999), auteur, parmi une dizaine d’ouvrages, d’une étude sur sa vie privée (Les Tentatrices du diable, l’Archipel, 2005), François Delpla, normalien, est un spécialiste de la seconde Guerre mondiale.
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Table des matières
Avant-propos : À sources nouvelles, nouvelles perspectives 13
1 Tout commence à Nuremberg 23
2 SA et SS 33
3 Geli, Henriette et les autres 41
4 Premier triomphe électoral 47
5 Feu le socialisme 55
6 Premiers pas en politique extérieure 61
7 Jalons vers la liquidation des SA 71
8 L’imbroglio Strasser 75
9 L’ascension d’Hermann Göring 83
10 Le chat Hitler et la souris Brüning 89
11 Séduction et division des forces armées 97
12 L’encerclement des villes par les campagnes 103
13 Tentations matrimoniales et suicide de Geli (été-automne 1931) 107
14 Franz von Papen, rival ou partenaire ? 111
15 De Papen à Schleicher : une transition interminable 123
16 Le tour de piste de Schleicher 135
17 « J’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer » 141
18 Et les Juifs ? 155
19 Les méthodes de direction hitlériennes 161
20 Les perdants 167
Épilogue : De la minorité de blocage à la majorité artificielle 175
Conclusion 183
Annexes 189
1 Échanges de lettres entre Hitler et la présidence de la République allemande du 21 au 24 novembre 1932 191
2 Procès-verbal de la première réunion du cabinet Hitler 207
Sigles 211
Sélection bibliographique 213