Post Numéro: 44 de Daniel Le Fur 03 Aoû 2010, 10:12
Bonjour, je reviens sur le forum après avoir lu "Miliciens contre maquisards", et je dois dire que je suis assez attristé par la tournure du débat, et les polémiques que je lis ici : je pense, de fait, qu'il faudrait être plus prudent, et, par exemple, je n'ai lu nulle part sous la plume de Françoise Morvan que Bouessel du Bourg se
soit trouvé à Bourbriac, ou que Morvan (le milicien) ait été son oncle. — Des Morvan, en Bretagne, il y en a un certain nombre. Il est écrit dans le livre que le milicien s'appelle Joseph Morvan, non pas Yves, et l'oncle qui lui a donné son témoignage s'appelle René.
Ce livre m'a sidéré par son point de départ, et par son point d'arrivée : au départ, donc, un "petit" épisode de juillet 1944 (mais dans ce "petit épisode", que de morts et de souffrances !). Il s'agit, à partir d'un travail aux archives, de reconstituer ce qui a fait que ces jeunes gens se sont retrouvés à Bourbriac, dans la cave,
torturés et massacrés de la sorte. Ce qui est extraordinaire dans ce livre, c'est, d'une part, la rigueur de la recherche historique (toutes les citations sont référencées, les noms des tortionnaires sont donnés — (et c'est, me semble-t-il, la première fois), et l'ampleur de la perspective : derrière cet épisode, ce qu'on voit apparaître, c'est une vision complexe de la Résistance, dans ses composantes diverses (et souvent antagonistes), et de la
collaboration. Et puis, il y a dans ce livre une troisième partie, qui est réellement incroyable : ce sont les
documents bruts, tels qu'ils sont donnés dans les archives. Les témoignages des victimes, — des paysans dont les fermes sont brûlées, qui voient leurs proches massacrés. J'ai été aussi particulièrement remué par la
figure du commissaire Flambard (responsable de dizaines de déportations et de morts), pétainiste de choc, et par la lettre qu'il envoie au juge d'instruction — un juge qu'il considère comme étant de son monde à lui, celui de l'élite, de la grande bourgeoisie.
Ce que ce livre remet en cause, en fait, ce n'est pas "le mouvement breton", c'est, me semble-t-il, beaucoup plus : il remet en cause les mythes nationaux construits après la Libération. D'une part, le mythe d'une résistance sans tache face à l'occupant allemand. Non, la résistance n'a pas été sans tache (mais Françoise Morvan souligne l'héroïsme de la population, la façon dont les "anonymes" aident les résistants et les parachutistes, les protègent). D'autre part, le mythe selon lequel le Bezen Perrot serait un groupe d'extrémistes
isolé. Dans la dernière partie du livre, le rôle de Yann Fouéré est particulièrement éclairant à ce sujet.
Bref, il y a là une grande quantité de questions, toutes plus passionnantes les unes que les autres — et qui méritent autre chose que des raccourcis ou des rejets dédaigneux.