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Le Québec, entre Pétain et De Gaulle - Éric Amyot

Nouveau messagePosté: 23 Déc 2009, 20:46
de FredSmith
L'ami Igor me demandait, suite à ma présentation personnelle au Bureau de recrutement, ce que je pense de l'ouvrage Le Québec entre Pétain et de Gaulle : Vichy, la France libre et les Canadiens français, 1940-1945, paru en 2000 aux Éditions Fides.

Igor a écrit:Bienvenue sur ce forum Frédéric.

La France libre et le Québec sont deux sujets qui m'intéressent énormément, je suis donc content de voir que tu as rejoint notre communauté.
Comme je te l'ai écrit dans un autre topic, tu travailles sur un thème qui à ma connaissance a été peu exploré. Au fait, pourrais-tu me donner ton avis sur le livre d'Eric Amyot, Le Québec entre Pétain et de Gaulle ?

Merci d'avance


Voici donc ma réponse, qui figure mieux dans la catégorie Bibliothèque de ce forum, comme me l'a fait remarqué un participant.

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C'est un très bon ouvrage, d'un point de vue scientifique, qui est d'ailleurs à l'origine de mes propres recherches dans la mesure où je ne savais pas, avant de le lire en janvier 2001, que la France Libre avait eu des assises au Canada et au Québec. J'ai tout de suite été fasciné par le sujet. Et Amyot offre une très bonne mise en contexte qui, à elle seule, rend son ouvrage incontournable pour qui s'intéresse à la question.

L'ouvrage d'Amyot se concentre surtout sur Montréal, et sur les querelles entre divers clans de Français qui voulaient prendre les rênes du mouvement dans la métropole québécoise (clan Vignal vs clan Roumefort). Élisabeth de Miribel, envoyée par De Gaulle au Canada, s'est rapidement empêtrée dans ces conflits.

Tant et si bien que l'action de la France Libre à Montréal a été somme toute négligeable, minée par ces querelles intestines et la volonté de fédérer de force, et sous sa coupe, tous les comités canadiens. Ceux-ci ont résisté à cette fédération, étant généralement nés d'initiatives locales, et ne se réclamaient souvent que de Londres. Le regroupement ne se fera qu'en octobre 1945, donc après la fin de la guerre, et ce, afin de "maintenir durant la paix l'esprit qui a uni les Français du Canada pendant la guerre." Le premier président et les trois premiers vice-présidents (dont Marthe Simard) ne seront pas Montréalais...

Pendant ce temps, le comité de la France Libre à Québec contribuait à élargir le mouvement à l'ensemble du Canada, avec la création de plus de 80 comités France Libre d'un océan à l'autre. Ce n'est pas pour rien que c'est Marthe Simard, fondatrice et présidente du comité de Québec dès juin 1940, qui fut choisie pour représenter la Résistance extérieure à l'Assemblée consultative provisoire d'Alger (au grand dam des Français de Montréal qui ont vu bleu).

Mais Amyot parle peu de Québec et de l'influence de Marthe Simard. Sa thèse se concentre surtout sur Montréal. C'est un choix somme toute légitime, compte tenu que tout était à faire. Mais le titre de l'ouvrage semblait promettre un tableau brossé à la grandeur du Québec.

Autre petite critique du livre d'Amyot, sur 8 chapitres, les 7 premiers sont consacrés à la période "juin 1940 - juillet 1943" tandis que la période "août 1943 - mai 1945" ne couvre qu'un seul chapitre. Ces deux dernières années sont pourtant très fécondes pour la France Libre au Canada, avec les Conférences de Québec, la nomination de Marthe Simard à Alger, les deux visites du général de Gaulle, la Libération de Paris telle qu'accueillie au Canada, le Congrès des comités canadiens de la France Libre (tenu à Québec), etc.

Bref, on a l'impression que les Français libres de Montréal ayant été relativement neutralisés en 1943, l'auteur étire un peu sa conclusion sur les deux dernières années de la guerre.

N'empêche, un ouvrage incontournable qui a le très grand mérite d'avoir abordé cette question malgré une historiographie québécoise qui boude généralement cette période.

Frédéric

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