Après "Les Bienveillantes", Jonathan Littell dépèce les Mémoires de Léon Degrelle, le chef de la légion SS "Wallonie".
Max Aue, officier SS et narrateur des "bienveillantes", n'a jamais rencontré le Belge Léon Degrelle qui commandait sur le front de l'Est la légion Wallonie. Mais il en a beaucoup entendu parler, notamment par Brasillach qui l'évoquait avec un lyrisme débordant.
A la page 219 des "Bienveillantes", Max Aue, qui traverse alors le Caucase, se fait raconter comment Degrelle, simple mitrailleur, a gagné ses galons d'officier et obtenu que la légion "Wallonie" de la Wehrmacht fût versée, en juin 43, dans la Waffen-SS.
C'est donc en rassemblant, pour "Les Bienveillantes", son énorme documentation, que Jonathan Littell a découvert Léon Degrenne, apôtre du Nouvel Ordre européen, parangon de la collaboration, archétype de l'intégration du modèle nazi, icône de la propagande allemande, symbole d'une éclatante ascension dans l'armée du Reich, sorte d' Aryen belge que rien, ni la mort de Hitler, ni la victoire des Alliés, ni la découverte de l'holocauste, n'ébranlera ses convictions en béton.
Car ce directeur d'une entreprise de BTP, est mort tranquillement à l'age de 88 ans sans être inquiété et sans avoir jamais été effleuré par le moindre remors. Au contraire, il a continué à se faire photographier en tenue de colonel SS dans son jardin de Malaga.
Il a même publié un récit qui relate ses vaniteux exploits sur le front de l'Est (La Campagne de Russie).
C'est ce livre, que ligne à ligne, métaphore après métaphore, comme pour le faire dégorger, le romancier des "Bienveillantes" dépèce ici. Jonathan Littell décrit en médecin légiste, et à partir du seul texte de Degrelle, de quoi sont faits un cerveau et un corps fascistes.
Tiré d'un article de Jérome Garcin "Le Nouvel Observateur".
"Le Sec et l'Humide", par Jonathan Littell, chez Gallimard, coll. l'Arbalète, 148 pages, 15,50 €.
En librairie le 10 avril