Une saison noire. Le massacre des tirailleurs sénégalais, par Raffael Scheck, éd. Tallandier.
Je viens d'achever le livre de Raffael Scheck, historien... américain (visiblement, le sujet a peu intéressé ses confrères français), sur le massacre des tirailleurs par l'armée allemande. En ce qui me concerne, il s'agit de l'une des meilleures publications historiques de l'année.
Au terme d'une démonstration impeccable et riche en références documentaires, Raffael Scheck démontre que ces massacres ne résultent pas d’une directive globale, mais d’un ensemble de facteurs tenant à la fois de l’imaginaire collectif allemand et des situations spécifiques des combats de l’été 1940. Bref, le racisme a créé les bases du passage à l'acte, lequel a été déterminé par la nature des combats, à savoir "la découverte de soldats allemands mutilés, la peur du combat associée aux positions françaises en hérisson, et la frustration de devoir surmonter une défense acharnée au moment où la France avait manifestement perdu la guerre" (p. 186), le fantasme propagandiste du "franc-tireur" ayant une fois de plus joué son rôle. A quoi l’historien américain ajoute que "la résistance déterminée des tirailleurs sénégalais résulta elle-même des méthodes de combat brutales employées contre eux, et les accusations de mutilation furent, sinon toujours fallacieuses, du moins largement exagérées" (ibid.).
Pertinente s'avère l'observation de Raffael Scheck sur la stratégie hitlérienne. Le Führer aurait cherché, sans l'afficher, à accentuer la "brutalisation" de sa Wehrmacht, démarche déjà révélée par la campagne de Pologne, en diffusant abondamment au moment de la bataille de France des messages propagandistes anti-Noirs, et en autorisant implicitement de telles exactions. Toutefois, le fait que la majorité des soldats allemands n'aient pas suivi - pour tragiques qu'ils soient (entre 1.500 et 3.000 morts), les massacres de prisonniers noirs constituent l'exception davantage que la règle - va l'inciter à être plus explicite à l'avenir, vis-à-vis du traitement à infliger aux Soviétiques puis aux Juifs...