Malheureux le pays qui a besoin d'un héros : le petit dernier du grand Lionel est un ratage complet, où se dévoile dans toute sa nudité un défaut qui accompagne depuis toujours ses écrits sur le nazisme, et qui est loin de lui être propre. Il ne comprend ni ne mesure la dose de raffinement qu'il fallait pour, précisément, "entraîner le pays de Goethe et de Mozart dans une barbarie sans précédent".
Si moi-même j'emploie aujourd'hui ce terme de debunking, réservé jusque là aux entreprises des petits hommes cherchant des poux aux grands, c'est que 25 ans de publications me mettent, enfin je puis raisonnablement l'espérer, à l'abri du reproche de magnifier Hitler. Non, il n'était en rien magnifique. Mais il paraissait tel à beaucoup. Et c'est la pire des méthodes, mais vraiment la pire, et le meilleur service à rendre au nazisme (à l'époque) et à sa mémoire (aujourd'hui), que de lutter contre cet effet en lui prêtant des bassesses différentes des siennes.
Lionel Richard a montré des qualités d'historien, notamment dans D'où vient Adolf Hitler? (2000). Ici il accumule les approximations et oublie toute méthode, par exemple sur la question cruciale et fondatrice de l'incendie du Reichstag.
Van der Lubbe est-il seul coupable, a-t-il seulement mis le feu et si non, qui et comment ? LR écrit banalement (p. 180), comme un vulgaire fonctionnaliste, que les nazis ont profité de l'événement, et c'est en note qu'il accuse le NSDAP de l'avoir organisé, en se retranchant derrière quelques lignes de l'ambassadeur François-Poncet... écrites en 1946 ! Aucun dirigeant n'est ici nommé, en revanche les coupables directs sont dénombrés et leur itinéraire précis : il s'agirait d'une douzaine de SA venus et repartis par le souterrain du chauffage. Il n'y a qu'un malheur : c'est que Göring avait lui-même ordonné théâtralement de fouiller cet accès, devant la presse... et que Lionel Richard avait lu cette décapante remarque dans mon livre de 1999.
A quelque chose malheur est bon : une mauvaise recension, signée d'un germaniste qui n'a jamais publié sur le nazisme, démarque tellement le livre sans aucune distance critique qu'elle en donne finalement une idée assez fidèle http://www.nonfiction.fr/article-7423-p ... hitler.htm .