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Re: Le pétrole pendant la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau messagePosté: 31 Mai 2015, 21:21
de Dog Red
Prendre Malte dans la foulée de la Crète aurait été un succès stratégique complet, c'est certain.

En attendant, les capacités italiennes sont limitées, leur flotte pas en mesure de chasser la Royal Navy de Méditerrannée et leur corps expéditionnaire en Lybie incapable de chasser les Anglais d'Egypte.

Qu'y a-t-il comme options?

L'ouvrage "Les ereurs du III Reich" de Bernard SCHNETZLER chez Economica est très intéressant à ce sujet...
...mais ça reste du gros what if.

Cordialement.

Daniel

Re: Le pétrole pendant la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau messagePosté: 31 Mai 2015, 21:37
de Manu
Que proposez-vous comme moyens plus précis pour s'emparer du Moyen-Orient d'une part et quand même vaincre l'URSS d'autre part ?


Pour s'emparer du Moyen-Orient dès 1940, j'aurais préconisé de maintenir la pression sur l'Angleterre en feignant la préparation d'un débarquement pour y fixer le gros des moyens. En même temps, j’aurais préconisé d’expédier rapidement une quinzaine de divisions et une flotte aérienne en Italie. L'engagement des italiens dans ce plan aurait été fondamental pour la logistique, la participation de sa flotte de guerre et pour fournir des troupes d'occupation.

Il aurait fallu commencer par un bombardement intensif suivi d’un assaut aéroporté sur Malte avec l'appui de la flotte italienne. La prise de Malte est fondamentale pour une action rapide et décisive. Il aurait fallu en même temps envoyer le corps expéditionnaire en Cyrénaïque pour rapidement attaquer l'Egypte et prendre le canal de Suez forçant du même coup la flotte britannique à évacuer la Méditerranée orientale. Dans le même temps, il aurait fallu inciter l’Irak à se soulever mais à un moment bien précis, lorsqu’il aurait été en mesure d’être soutenu efficacement (vous connaissez sans soute la guerre anglo-irakienne qui eut lieu en 1941). Il aurait ensuite été facile de prendre la Palestine et la Jordanie. Il n’aurait pas été nécessaire d’aller plus loin en envahissant toute la péninsule arabique mais il aurait été possible de nouer une alliance avec l’Iran et de sécuriser la raffinerie d’Abadan.

Pour consolider le tout, il aurait fallu fournir des armes à l’Irak et à l’Iran et laisser sur place quelques divisions et une couverture aérienne suffisante. Il aurait également fallu négocier un accord économique avec la Turquie pour le transit du pétrole par son territoire (ou alors passer par la Méditerranée sécurisée via la Syrie ou la Palestine).

Les Anglais auraient-ils pu réagir efficacement en 1940. Je ne pense pas. Ils n’étaient pas prêts si l’on considère l’abandon de leur matériel dans le nord de la France quelques mois plus tôt et leur production d’armement cette année là. L’Angleterre qui a fait face difficilement en 1941 à des forces relativement peu nombreuses n’aurait à mon avis pas pu faire grand-chose en 1940 face des forces bien plus importantes.

Selon Kennedy (Naissance et déclin des grandes puissances, p. 402), on a les chiffres suivants pour la production d’armement (en milliards de $ de 1944) :

1940 / 1941 / 1943
Allemagne / 6 / 6 / 13,8
Japon / 1 / 2 / 4,5
Italie / 0,75 / 1 / -

URSS / 5 / 8,5 / 13,9
Angleterre 3,5 / 6,51 / 1,1
USA 1,5 / 4,5 / 37,5

En ce qui concerne l’invasion de l’URSS, je ne comprends pas l’erreur insensée de réduire la production d’armement après la victoire sur la France. Par ailleurs, la campagne aurait pu débuter dès le mois de mai 1941. Car même si l’Italie attaquait et s’enlisait en Grèse et qu’il y avait des troubles en Yougoslavie, les Anglais chassés de la Méditerranée orientale n’auraient plus été en mesure d’ouvrir un front de ce côté là. On voit ici l’importance de contrôler l’espace méditerranéen pour sécuriser les Balkans. Ensuite, j’aurais préconisé une invasion par étape sur deux ou trois saisons. C’est la que la stratégie du pétrole prend toute son importance. Sans pétrole en abondance, il est impossible de mécaniser totalement une armée, et dans les vastes étendues de l’URSS, c’est une nécessité pour l’emporter.

J’aurais également suggéré de se positionner en libérateur de peuples soumis au joug soviétique. A mon avis, c’était une posture indispensable pour remporter la victoire. Quelque soit le plan appliqué par les nazis, il me semble que c’était perdu d’avance à cause de leur idéologie raciste leur mettant à dos l’immense majorité de la population.

Il n’était pas nécessaire de prendre Moscou dès la première saison mais de conquérir un maximum de territoires stratégiques, et notamment l’Ukraine, puis de se retrancher sur une ligne défendable, quitte à céder un peu de terrain, avec l’arrivée de l’hiver. Pendant ce temps, il aurait fallu créer des états nationaux avec leurs armées sur les territoires conquis pour aider à poursuivre la lutte. Il aurait fallu la saison suivante lancer un coûteux mais nécessaire assaut sur Moscou et sur les villes de la Volga (le cœur de la zone de peuplement russe) mais avec une armée non usée par l’hiver et sans ennemis dans le dos harcelant les lignes de ravitaillement. Je pense que cela aurait eu de bonnes chances de succès. Après, il aurait peut-être fallu une troisième saison pour couper l’accès au pétrole du Caucase et pour que le régime communiste finissent par s’effondrer mais l’URSS n’aurait plus eu en 1943 une base économique et une population suffisante (plus de la moitié de celle-ci étant située en zone occupée) pour espérer reprendre le dessus.

Je pense que ça aurait marché comme ça. Les anglo-américains auraient pu débarquer en Afrique et/ou en Arabie fin 1942 mais sans y fixer des forces allemandes très importantes. Et l’URSS quasiment à genoux en 1943, d’importants renforts auraient pu être rapidement acheminés sur les points chauds. Il aurait été alors impensable que les anglo-américains puissent prendre d’assaut l’Europe avec succès.

Mais j’insiste sur le fait que je suis persuadé que l’Allemagne ne pouvait pas atteindre l’objectif de détruire l’URSS avec l’idéologie raciste de ses dirigeants. Il s’agit d’un facteur très important. Cela a été totalement contre productif en plus d’être profondément immoral.

Re: Le pétrole pendant la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau messagePosté: 31 Mai 2015, 21:38
de Tri martolod
Manu a écrit:
Tri martolod a écrit:
Manu a écrit:Soit revenons au sujet: avec quel carburant vous faite fonctionner tout ça? L'Italie est entièrement dépendante de l'Allemagne pour son approvisionnement et l'Allemagne n'a pas les moyens de fournir.

Quant à chasser la RN de Méditerranée orientale, il n'y a que dans les jeux de guerre que ça marche. La Kriegsmarine est ailleurs et la Régia n'a pas les moyens de lutter.


Je ne connais effectivement pas le stock de l'Italie en 1940 mais j'imagine qu'ils en avaient un peu quand même non ? Sinon comment auraient-ils envoyé leur flotte du côté du cap Matapan et comment aurait-il approvisionné leur armée d'Afrique plus l'Afrika Corps ? Chaque pays avait ses stocks stratégiques de pétrole plus ou moins importants.

Quant-à la RN, ce serait-elle laissée prendre au piège coincée entre le canal de Suez et Malte occupés ? Ce serait-elle réfugiée à Chypre ou à Haïfa ou attendant de se faire couler par la Luftwaffe ? Je n'y croie pas un instant.


Je n'ai pas dit que l'Italie n'avait pas de réserve (9 mois de consommation en temps de paix) , je dis qu'elle n'en a pas assez pour mener des campagnes longues sans le soutien logistique de l'Allemagne qui, de son côté, n'en a pas les moyens. La seule possibilité ce sont les raffineries roumaines largement "pompées" par le reich et qui couvrent le quart des besoins italiens.
Je précise "raffineries" juste pour rappeler que le pétrole, même en abondance, est inutile sans raffineries proches des sites d'extraction: par exemple, les pétroles du Caucase, faute de capacité de raffinage sont inutiles et hitler ne se précipite pas pour y arriver, il faut d'abord faire chuter l'URSS.
Au Cap Mapatan il y avait une petite partie de la Régia, beaucoup moins d'unités que celles immobilisées faute de carburant et ce depuis début 41.
Les événements que vous évoquez concernant la prise au piège de la Royal Navy ne se sont pas produits, pas la peine, donc, d'épiloguer à l'infini. Quant à l'approvisionnement des troupes d'AFN, le résultat est connu.

Vous connaissez précisément les capacités de nuisance de Malte et les résultats réels contre les convois??

La Crête n'avait-elle pas la même importance stratégique? L'opération Merkur ne fut pas une réussite faute de maitrise des mers

Re: Le pétrole pendant la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau messagePosté: 01 Juin 2015, 06:19
de Tri martolod
Pour les capacités de nuisance de Malte, elle peut être évaluée au tonnage coulé par 1 ou 2 des meilleurs U-Boot de la Kriegsmarine.
Sous la pression des bombardements le port, les pistes, les ateliers sont neutralisés pendant de longues périodes.
Malte est une épine dans le pied de l'axe protégée au prix fort par la GB mais certainement pas déterminante dans le déroulement des opérations en Méditerranée. Il y a bien d'autre solution de rechange (Crête, Sicile, Péloponèse....)

Re: Le pétrole pendant la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau messagePosté: 01 Juin 2015, 07:36
de Dog Red
Bonjour Manu et Tri matolod,

Le rôle de Malte dans la stratégie de l'Axe en Méditerranée a bien sûr déjà été évoqué sur le forum.
Les pétroles irakiens et les conséquences de leur exploitation y sont également en ligne de mire.

Afin de débattre à loisir du rôle capital de cette île et des implications de sa neutralisation, je vous invite à rejoindre le fil dédié: viewtopic.php?f=23&t=718

J'ai quelques données sur le ravitaillement entre l'Italie et la Libye et l'impact de l'île sur ce ravitaillement. Je les y injecterai ce midi, j'aurai un peu plus de temps.

Cordialement.

Daniel

Re: Le pétrole pendant la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau messagePosté: 01 Juin 2015, 12:27
de Dog Red
De la bière! Le Bourgogne ! On voit qu'il est midi ! :cheers:

Merci Daroy pour ce lien intéressant (il ne faut en effet pas se laisser influencer par un titre sans rapport avec le sujet).

Re: Le pétrole pendant la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau messagePosté: 01 Juin 2015, 16:49
de Tomcat
Quelques conséquences pour l'aviation du manque de pétrole à partir de 1944:

Les heures de vol pour l'entrainement des pilotes allemands est fortement réduit pour économiser, les nouveaux pilotes allemands sont ceux qui possèdent le moins d'heures de vol (l'inverse du début du conflit), ils deviennent des proies faciles, les taux de pertes de la Luftwaffe à l'ouest devient énorme.

Autre point méconnu:

La qualité de l'essence est aussi importante, les tests après guerre sur des avions japonais avec de l'essence américaine montra une très forte augmentation de la puissance des moteurs japonais...le raffinement du pétrole par les japonais était loin d'atteindre le niveau de qualité de celui des américains.

Re: Le pétrole pendant la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau messagePosté: 01 Juin 2015, 16:54
de Dog Red
Bonjour Tomcat,

Idem pour l'écolage des équipages de chars allemands, à tel point que les engins "école" (des chars donc) vont être adaptés pour fonctionner au gaz de ville!
Patrick FLEURIDAS nous en parlait il y a un an (viewtopic.php?f=26&t=39420&p=502691&hilit=gazog%C3%A8ne#p502691).

Re: Le pétrole pendant la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau messagePosté: 01 Juin 2015, 19:32
de Tri martolod
Tomcat a écrit:Autre point méconnu:

La qualité de l'essence est aussi importante, les tests après guerre sur des avions japonais avec de l'essence américaine montra une très forte augmentation de la puissance des moteurs japonais...le raffinement du pétrole par les japonais était loin d'atteindre le niveau de qualité de celui des américains.


Cet inconnu ne s'appelle-t'il pasl'indice d'octane? De mémoire, indice 87 pour tous ceux qui ne bénéficient pas de l'approvisionnement américain. Par exemple, le moteur du Hawker Tempest, lancer dans la bagarre avant d'être vraiment au point, était dopé à "l'indice 150".

Re: Le pétrole pendant la Seconde Guerre Mondiale

Nouveau messagePosté: 01 Juin 2015, 23:57
de Manu
Merci pour ces anecdotes. Et pour le sujet sur Malte, j'irais y jeter un œil.

Je vous donne quelques infos que j'ai récoltées sur le pétrole du Moyen-Orient :

En 1940 il existait deux oléoducs reliant les puits pétroliers du Nord de l’Irak à la Méditerranée, l’un passant par la Syrie pour aboutir à Tripoli au Liban (territoires sous mandat français), l’autre passant par la Jordanie pour aboutir à Haïfa en Palestine (territoires sous mandat britannique). Ces deux ports possédaient leur raffinerie mais celle de Tripoli active depuis 1940 seulement possède une très petite capacité (200 000 t). Celle d’Haïfa est de loin plus importante. Il existe également une raffinerie à Suez. La raffinerie la plus importante de la région se trouve à Abadan en Iran.

Source : http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... m_1_2_9264

Le pétrole irakien était alors partagé en 4 parts de 23,75% et une part de 5% (revenant à "monsieur 5%"). L’Angleterre recevait deux parts (soit 47,5%) et les USA et la France chacun une part. En 1941, l’Italie et l’Allemagne proposèrent à l’Irak de l’aider à se libérer du joug britannique et de former une union Syrie-Irak en échange de 75% du pétrole et de 3 zones portuaires. Mais la guerre anglo-irakienne tournera rapidement à l’avantage des Anglais.

Source : http://www.eleves.ens.fr/pollens/semina ... 1.html#sdn

Durant ce court conflit, l’Irak coupa le pipeline alimentant Haïfa pour envoyer le pétrole vers Tripoli.

Source : http://aerostories.free.fr/dossiers/AA/vichy/page5.html