Post Numéro: 1 de romualdtaillon 02 Jan 2006, 18:01
Parmi les exactions commises par les troupes de Hiro Hito lors de la seconde grande guerre, l'une des plus troublantes est certes la pratique du cannibalisme. Si ce crime ne fit l'objet d'aucune accusation spécifique au procès de Tokyo, des preuves quant à sa commission ont toutefois pu être glanées à partir de nombreuses sources par les enquêteurs internationaux .
1) LES PREUVES ALLIÉES
Les preuves apportées par les alliés aux enquêteurs se divisent en deux groupes : le rapports écrits et les témoignages.
1.1) Un des rapports typiques de l'armée australienne est le suivant : "20 mai 1945. Le matin du ______ à 9h00, le regretté sergent Sewell et moi-même avons recouvert le corps de ______ qui avait été tué pendant le combat contre l'ennemi à _____ . Nous avons retrouvé le corps dans les conditions suivantes :
a) tous les vêtements avaient été retirés
b) les deux bras avaient été coupés à l'épaule
c) l'estomac avait été coupé, et le coeur, le foie et les autres entrailles retirées
d) toute la chair du corps avait été enlevée, laisant les os à nu
e) les bras, le coeur, le foie et les entrailles n'ont pu être trouvés
f) les seules parties du corps encore intactes étaient les mains et les pieds
Une casserole japonaise semblant contenir de la viande a été retrouvée à 4 ou 5 yards du corps de ________ entre les cadavres de deux soldats japonais.
1.2) Deux témoignages de prisonniers de guerre :
a) Havildar Chandgi Ram, de l'armée indienne.
"Le 12 novembre 1944, je creusais une tranchée pour les japonais à Totabil. Vers environ 16h00, un avion américain fit un atterissage forcé à 100 yards de l'endroit d'où je travaillais. Les japonais du camp Go Butai Kendebo se précipitèrent et saisirent le pilote.
Une demi-heure après l'atterrisage, l'officier de la kempeitai décapitait le pilote. J'ai vu cela de derrière un arbre et regargé les japonais couper la chair de ses bras, jambes, hanches et ventre et la porter dans leurs quartiers. J'était tellement choqué que j'ai oublié toute prudence et les ai suivi pour voir ce qu'il feraient. Ils ont coupé la chair et l'ont fait frire.
Plus tard, un officier du rang de major-général s'est adressé à un groupe d'officiers. A la conclusion de son allocution, un morceau de chair frie fut donné à toutes les personnes présentes qui le mangèrent sur place."
b) Hatam Ali, prisonnier pakistanais.
"Il n'y a vait pas de soins médicaux et tous les prisonniers malades étaient tués sur place par les japonais. Plus tard, à cause des attaques alliées, les japonais devinrent à court de rations. Nous prisonniers, mangions de l'herbe et des feuilles, des serpents, des grenouilles et des insectes. A ce stade, le japonais ont commencé à désigner à chaque jour un prisonnier qui était tué et mangé. J'ai vu cela arriver à une centaine de prisonniers. Le reste d'entre nous furent amenés à 50 miles plus loin.
Là, les japonais ont recommencé à sélectionner des prisonniers. Ceux désignés étaient conduits à une hutte où la chair était coupée de leur corps quant ils étaient encore en vie. Ils étaient ensuite jetés dans un fossé où il finissaient par mourir. Quand la chair était coupée, des cris terribles retentissaient et aussi des fossés où ils agonisaient. Ces cris s'amenuisaient quand les infortunés mouraient. Nous n'étions pas autorisés à aller près de ces fossés. Les corps étaient à l'air libre et l'odeur était épouvantable."
2) LE TÉMOIGNAGE DES SOLDATS JAPONAIS
Ces preuves alliées pourraient être rejetées par manque de crédibilité, elles ont toutefois été corroborées par des témoignages de soldats japonais.
Voici le témoignage du major Matoba, livré en août 1946 :
"Le premier cas de cannibalisme dont j'ai été témoin se produisit entre le 23 et le 25 février 1945. Ce jour, j'ai rapporté au général Tachibana du quartier général divisionnaire qu'un prisonnier américain allait être exécuté à Suyeyoshi Tai... Un appel téléphonique du 207 ème bataillon d'infanterie nous invita tous deux à une fête organisée par le colonel Kato.
Nous sommes arrivés aux quartiers du colonel et avons trouvé qu'il n'y avait pas assez de nourriture pour accompagner la boisson. Le général était ennuyé et nous avons discuté de la manière d'en obtenir. Le général m'interrogea alors à propos de l'exécution et de la possibilité d'obtenir de la viande de cette façon. J'ai alors téléphoné à mes quartiers et leur ai ordonné de nous envoyer de la viande et du rhum. La viande est arrivée et a été cuite dans la chambre du colonel Kato. C'était de la viande humaine. Tout le monde en a mangé mais personne n'a savouré le goût."
Le mets a toutefois semblé plaire au général Tachibana puisque selon Matoba, il ordonna de procéder dorénavant de cette façon après l'exécution de chaque prisonnier et de ne pas s'en formaliser car l'ennemi n'était que des "bêtes" (kichiku).
Matoba raconte également une anecdote impliquant cette fois un ordre de l'amiral Mori.
"J'ai ordonné au chirurgien Teraki de se dépêcher à enlever le foie parce que je voulais l'amener aux quartiers de l'amiral... nous avons mangé le foie lors d'une réception du batailon 308. Alors que nous mangions, l'amiral Mori me confia que lors de la guerre en Chine, de la chair et du foie humains étaient mangés à titre de remède par les troupes japonaises. Ce médicament était appelé seirogan... tous les officiers présents s'accordèrent sur le fait que c'était un bon remède pour l'estomac..."
3) LA PREUVE ÉCRITE JAPONAISE
A ces témoignages s'ajoutent des directives écrites sur la "façon de manger la chair" des prisonniers ou encore des ordres comme la célèbre directive du 18 novembre 1944 émise par le major-général Aozu et stipulant "qu'en raison d'incidents antérieurs", il est "interdit de manger la chair de ses compagnons d'armes sous peine d'exécution". Cette directive ne traitant aucunement du fait de manger les ennemis, on peut comprendre a contrario que cette pratique n'était pas jugée criminelle par Aozu.
4) LA POSITION DES TIERS
Impliqué dans trois enquêtes de mars 1944 à 1946, avant de d'être nommé juge en chef du tribunal de Tokyo, le juge Webb a écrit un rapport spécifique sur la pratique de la torture par les troupes japonaises. En voici un extrait : "Toutefois, tout doute quant à la culpabilité des forces japonaises a été levé... Sur la preuve de nombreux témoignages, incluant un major-général australien, un brigadier-général de l'armée américaine et plusieurs autres officiers responsables, j'en déduis que des corps australiens, américains et japonais ont été coupés, et dans bien des cas mangés par le forces armées japonaises."
Selon l'historien Yuki Tanaka, "il est clair que la pratique du cannibalisme par l'armée japonaise était plus que des incidents isolés perpétrés par des individus isolés ou de petits groupes d'individus dans des conditions extrêmes. Les témoignages indiquent que le cannibalisme était une stratégie millitaire systématique et organisée effectuée par des escadrons entiers. Cela est particulièrement vrai dans le cas des prisonniers indiens et des travailleurs formosais qui, une fois leur utilité au travail passée, étaient regardés comme du bétail par leur geoliers. La morale des soldats japonais s'est vue transformée à un degré ou le cannibalisme ou le meurtre de prisonniers pour le cannibalisme devint une activité normale plutôt qu'extrême et grotesque...En dépit de la position officielle d'interdiction, les officiers de haut rang étaient bien au fait que le cannibalisme était fréquent sur le champ de bataille mais comme cette pratique était si répandue, ils n'avaient d'autre choix que de fermer les yeux."
Petite bibliographie :
Hidden horrors : japanese war crimes in world war II, Yuki Tanaka, Boulder Colorado 1996.
The knigts of Bushido, a short history of japanese war crimes, Edward Russell of Liverpool, Cassell 1958, (réédition en 2002).
Dernière édition par romualdtaillon le 18 Jan 2007, 21:02, édité 1 fois.