Post Numéro: 26 de romualdtaillon 12 Avr 2012, 14:11
Bonjour,
dans tout ce débat «philosophique», je crois qu'il ne faut pas oublier l'argument primordial : nous sommes à l'été 1945 et ça fait 6 mois que le Japon est ravagé par des bombes incendiaires tout aussi dévastatrices en terme d'effet indirect que les bombes atomiques. Or, quels sont les signes pour les Américains ? Il n'y a justement AUCUN signe de reddition.
En février 1945, la recrudescence des raids aériens sur les villes nippones, conjuguée à l'effondrement des forces impériales sur à peu près tous les fronts avait incité l’empereur à mener une consultation sur l’état de la guerre auprès des «sages» du régime. Il rencontra ainsi tour à tour, en plus de Kido, les anciens premiers ministres Hiranuma, Hirota, Konoe, Okada, Tōjō et Wakatsuki, ainsi que le comte Makino.
De l'avis quasi-unanime, la défaite était certaine à long terme, mais l'empire devait attendre le moment favorable pour conclure un armistice. La seule façon d'éviter de négocier avec l'ennemi en position de faiblesse était l'obtention d'une dernière grande victoire, un «tennōzan», Seul Fumimaro Konoe émit une voix discordante. Pour le prince, la plus grande menace à la pérennité de la Kokutai (politique nationale) provenait de l’intérieur, notamment du courant communiste, et il était impératif de mettre terme le plus tôt possible à la guerre.
Même la dévastation et les 100 000 morts causés par les bombardements des 9 et 10 mars sur Tokyo n’ébranlèrent pas le consensus dans l’entourage du monarque. Comme le résumait lui-même l'ancien ministre des Affaires étrangères et futur premier ministre Kijurō Shidehara, la position internationale du Japon pourrait devenir avantageuse «si nous continuons à combattre bravement, même si des centaines de milliers de civils sont tués, blessés ou affamés, même si des millions d'édifices sont détruits ou brûlés».
Pourquoi Hirohito négocie t-il avec les Soviétiques ? Pour sauver son trône. Voici ce qu'il dit lui-même : «« Nous avons choisi l’Union soviétique comme médiateur pour deux raisons. Tous les autres pays avaient peu de pouvoir. Conséquemment, nous craignions que si nous demandions à ces pays d’intervenir, ils subiraient des pressions de la part des Britanniques et des Américains, et nous aurions à nous rendre sans condition. En comparaison, l’Union soviétique possédait à la fois la puissance et l’obligation qui découlait d’avoir conclu traité de neutralité. Comme nous ne considérions pas l’Union soviétique comme un pays fiable, il était d’abord nécessaire de sonder leur opinion. Conséquemment, nous avons décider d’aller de l’avant avec les pourparlers Hirota-Malik, au cours desquels nous avons proposé que, s’il nous accordaient du pétrole, nous n’aurions pas d’objection à leur céder à la fois le Karafuto (ndr : Sakhaline méridionale) et le Manshūkoku. (…) Toutefois, en début juillet, il n’y avait toujours pas de réponse de l’Union soviétique. Nous devions prendre une décision sur cette question avant la Conférence de Potsdam. Pour cette raison, j’ai consulté Suzuki et décidé de mettre un terme aux pourparlers Hirota-Malik, puis de négocier directement avec les Soviétiques.»
Deux jours apr`s Postdam, le premier ministre Suzuki annonçait publiquement que l’ultimatum de Potsdam n’était qu’une version « réchauffée » (yakinaoshi) de la déclaration du Caire et que le gouvernement entendait l’ignorer (mokusatsu). Dès lors, toute l’attention du gouvernement et de l’empereur se focalisa sur les intentions soviétiques et, pendant que les bombardements américains faisaient encore 10 000 morts, la seule initiative de ce dernier consista à s’assurer que les trois insignes impériaux, le miroir, l’épée et le joyau, soient protégés à tout prix. Il en était encore ainsi au lendemain de la destruction de Hiroshima et du second ultimatum des États-Unis, alors que Tōgō pressa encore Satō de découvrir les intentions du Kremlin.
Finalement, Hirohito se rend à la raison lorsqu'il apprend l'invasion soviétique.
Conclusion : les bombes atomiques ne sont qu'une arme horrible de plus dans une guerre qui donnait tous les signes de s'éterniser...