Surtout, l'action de l'escadre du Vice-Amiral Nishimura a été insuffisamment synchronisée avec celle du Vice-Amiral Shima (4 croiseurs, 12 contre-torpilleurs).
La faute au Haut-Commandement naval, tout d'abord. La 5e Flotte de Shima n'avait pas été rattachée à l'escadre de Nishimura, elle dépendait de Tokyo. Elle devait tout d'abord achever la
Pacific Fleet après les raids aériens nippons. Puis, devant l'échec de la manoeuvre, elle dut servir d'escorte à un convoi d'approvisionnement militaire à destination de Luçon. Enfin, elle reçut l'ordre de rallier Nishimura, mais les deux forces de frappe étaient distantes l'une et l'autre de 40 milles !
Pire encore, le retard de Shima s'accrut pour cause de retard d'un pétrolier. Mais le Vice-Amiral japonais avait résolu de naviguer à faible allure.
Enfin, Nishimura et Shima ne firent aucun effort pour coordonner leurs actions. Ils se détestaient cordialement. Le premier, vieux loup de mer, trente ans de navigation, homme arrogant, n'avait que mépris pour le second, homme mondain, davantage efficace comme officier d'état-major que sur mer.
Le silence radio aggrava la situation, digne des controverses opposant Napoléon à Grouchy le jour de Waterloo. L'un des officiers de l'escadre de Nishimura, le capitaine Nishino, du contre-torpilleur
Shigure, témoigna que Nishimura, de toutes les manières, avait refusé de se placer sous les ordres de Shima.
Résultat des courses : l'escadre de Nishimura fut totalement anéantie aux premières heures du 25 octobre 1944. Lorsque le contre-torpilleur
Shigure, seul survivant du groupe et immobilisé en mer, fut accosté par la 5e Flotte deux heures plus tard, son équipage se garda de signaler que Nishimura et ses navires avaient cessé d'exister. Son capitaine, Nishino, expliqua par la suite :
Je n'avais aucun rapport avec l'amiral Shima. Je n'étais pas placé sous ses ordres. Je n'avais pas à communiquer directement avec lui. A midi, j'ai fait mon rapport aux amiraux Toyoda et Kurita.
Dépourvu de la moindre information, Shima s'engagea à son tour dans le détroit de Surigao, mais dut reculer devant la Flotte américaine, dont il ignorait jusque là la présence. Son croiseur amiral, le
Nachi, percuta le croiseur endommagé
Mogami, déjà réduit à l'état d'épave par les Américains...
Bref, une offensive navale menée en dépit du bon sens, qui aboutit à la destruction d'une escadre complète et au retrait anticipé d'une autre - voir Jean-Jacques Antier,
La bataille des Philippines, Presses de la Cité, 1985, p. 125-164. Le plan japonais de destruction de la flotte de débarquement de MacArthur commençait mal.