Salut à tous, les anciens que je connais et tous les nouveaux qui hantent maintenant le forum!.
Pour mon retour ici, j'ai passé une partie de l'après-midi à traduire un témoignage d'un vétéran russe de la Grande guerre patriotique que vous pouvez trouver sur cet excellent site:
http://www.iremember.ru/infantry/bachurin/bachurin.htm
J'ai essayé d'être aussi fidèle que possible au texte car mon anglais n'est plus ce qu'il était malheureusement (lol) mais je crois avoir bien rendu l'essentiel.
Faites les corrections si nécessaire!.
Fedor Bachurin, commandant d'une section de mitrailleuses
Ma maison est dans la région de Vorob'evsky, dans le village de Krasnopol'e situé juste dans les environs de Voronej. Je suis né le 22 février 1923. Après avoir obtenu mon diplôme au bout de la septième année, j'ai travaillé dans une ferme collective. Quand tous les adultes furent appelés sous les drapeaux au début de la guerre, je commençais à travailler en tant que pointeur. J'ai dû ensuite prendre soin des animaux aussi bien qu'accomplir d'autres tâches variées.
Le 14 décembre 1941 ils m'ont enrôlé dans l'armée. Ils étaient alors en train de recruter ceux nés dans les années 1923 et 24. Nous sommes allés à pied à un point de rassemblement près de Balashovo. Là ils nous ont mis dans un train et nous ont embarqué vers l'Extrême-Orient. Nous avons voyagé jusqu'à Petrushi, où il y avait une compagnie de quarantaine et c'est là qu'ils nous ont emmené. Le 87ème régiment de fusiliers de réserve était stationné à environ 12km de là. D'abord nous sommes restés en quarantaine pendant un mois. Naturellement nous étions occupés à nous entraîner au combat. Ensuite les « responsables » vinrent pour nous de différentes branches du service. Hommes des unités de chars, de l'artillerie et d'autres encore. Ceux comptant quatre ans d'école ou plus furent envoyés à l'école militaire d'infanterie de Blagoveshchensk. On était déjà en février. Là nous passâmes par l'entraînement, et dans le même temps nous gardions notre frontière de Mongolie, plus précisément celle avec l'armée japonaise du Kwantung. Il y avait des incidents de frontière chaque jour. Si une fois par mois nous pouvions nous lever à l'aube, cela nous donnait beaucoup de réconfort. Sinon, vous pouviez être mis debout sur un appel aux armes. J'étais dans une compagnie de mitrailleuses. Nous étions armés avec des mitrailleuses Maxim. La structure de la section de mitrailleuses à l'entraînement consistait en 4 mitrailleuses, 7 hommes, 10 boîtes de munitions et dans chaque boîte il y avait 10 bandes de 300 cartouches. Nous devions aller à la frontière. Les garde-frontières étaient proches ; nous nous déployions, etc. Les Japonais violaient souvent la frontière à la fois individuellement et en groupe. Je restais là jusqu'en août, jusqu'au moment où l'école fut dispatchée. Durant cette période, la frontière était franchie par un peloton, une section, une compagnie, un bataillon. Nous ne devions ni toucher ni ouvrir le feu sur les Japonais. Ils nous tiraient dessus mais nous ne pouvions pas répliquer.
Il s'est passé une chose une fois : le chef d'une section secrète de l'école était avec une fille, je ne sais pas comment ils vivaient mais quand on leur demandait ils se présentaient comme mari et femme. Elle commença progressivement à le questionner sur des bagatelles. Par exemple elle demandait combien d'amis il avait à l'école et d'autres choses encore. Ca en était arrivé à un point que lui-même ne se rendait plus compte des secrets qu'il laissait échapper. Elle lui demanda ensuite le plan de défense de l'école. Il alla voir le commissaire de l'école et lui déclara : « Je suis un traître à la Mère-Patrie, juge-moi selon toute la sévérité des lois en temps de guerre! ». Le commissaire l'écouta et lui répondit : »Tu ne dis rien, tu ne dis rien... mon cher ami, est-ce tout? ». Il dit : « Oui, c'es tout ». Le commissaire termina « Bon, va travailler, il n'y a aucune trahison ici ». Pourtant le commissaire fit son rapport au commandant de l'école et lui-même au commandant de la Seconde armée rouge d'Extrême-Orient, au quartier-général du front. Les services appropriés se chargèrent du problème, échaffaudèrent un plan qui n'incluait pas seulement l'école mais aussi toute la ville et les unités de fusiliers. Chaque maison était en fait cernée. Notre section reçut l'ordre d'arrêter cet officier et sa maîtresse. Sa liaison lui demanda d'ouvrir la porte. Nous rentrâmes et le commandant de la section lui ordonna de se lever. Nous les escortâmes tous les deux au QG de l'école où ils furent séparés. Elle fut ensuite envoyée là où elle était supposée aller et il fut relaxé et enjoint d'aller faire son devoir. Pourtant il fut menacé chaque jour d'être pris et fusillé. Mais le temps passa, probablement un mois, ensuite l'école entière fut assemblée, et ils le décorèrent de l'ordre de la Bannière rouge devant l'unité pour cette fille!. Elle se trouvait être la fille d'un Blanc, servant dans l'armée japonaise et chef d'un réseau d'espionnage nippon en Russie. Avec elle plus de 200 autres espions furent appréhendés.
Notre école fut alors dispersée. Un tiers fut envoyé dans les unités parachutistes, et le reste dont moi-même à un cours pour jeunes lieutenants. On nous envoya ensuite à Vladivostok pour suivre une école de mitrailleuses. Après cette formation la plupart des jeunes lieutenants était généralement expédiés à l'ouest. Je fus incorporé dans le 55ème régiment de la réserve d'officiers du Haut Commandement, à Naro-Fominsk et de là je partis pour le front de Léningrad. Durant la phase final du blocus j'étais dans la 16ème région fortifiée, au sein du 38ème bataillon indépendant de mitrailleuses et d'artillerie de Pushkino. Je fus cité pour sa participation à la libération de la ville de Pushkino. Nous bataillâmes en direction de la Prusse-Orientale. Ensuite toute la région fortifiée fut transférée dans l'isthme de Carélie, où nous remplaçâmes la 23ème armée qui fut dirigée sur Berlin. Donc, pendant quelque temps en février 1945, notre participation au combat fut interrompue. Nous étions déployés seulement à 4-5 km de la frontière.
Nous étions tous chaussés de grandes bottes -à la fois les hommes et les officiers. Pendant l'école nous avions tous des bottes et des chaussures (sic). Chacun de nous avait des slips (slips chauds pendant l'hiver) et un pantalon en diagonale (sic). Puis il y avait un maillot, un autre plus chaud, une tunique de campagne et un grand manteau. Ca c'était quand nous étions à l'arrière. Au front, des manteaux de peau de mouton blanche étaient utilisés. Les soldats avaient un court manteau de fourrure tandis que les officiers en avaient un grand qu'il portait sous le grand manteau, il était donc difficile de faire la distinction entre officiers et soldats. Nos ceintures étaient identiques, il n'y avait pas de ceinture spéciale pour les officiers. Nous portions toujours nos casques. Nous les mettions durant la bataille, ils étaient toujours avec nous dans les positions avancées. A l'école ou à l'arrière, il y a eu des cas où certains ont enlevé leurs masques à gaz mais dans les combats nous les portions toujours. Je vérifiais parfois les masques, personne ne les jetait, ils étaient toujours en état de marche. Personne ne pouvait garantir que les Allemands ne feraient pas usage de gaz. Et il est difficile de respirer sous un bombardement d'artillerie.
Les rations étaient les suivantes -ceux qui allaient à l'arrière recevaient la ration n°3. Cette ration était, on peut le dire, largement insuffisante. On avait 600 grammes de pain mais je ne peux pas me rappeler des autres produits qu'on recevait. Pourtant la ration n°1 pour ceux qui étaient au front consistait en 900 g de pain l'hiver, 800 l'été, avec de la viande et du poisson, plus quelques graisses. La ration de l'arrière comprenait les mêmes aliments mais en moindre quantité. J'étais en pleine croissance à l'époque mais même la ration n°1 n'était pas suffisante pour moi. Et la ration n°3 c'était encore pire. Les soldats étaient jeunes, c'était plus facile pour les hommes âgés. La ration des cadets, la n°9, était à peu près la même que la ration n°3. Il donnait aussi du beurre au front. 200 g de viande et la même quantité de poisson.
La première nuit suivant mon arrivée au bataillon, j'ai été touché par une balle qui est passée à travers mon grand manteau et ma tunique de campagne mais je n'eus pas de blessure, seulement un trou. C'était lorsque nous approchions des premières lignes avec le sergent transportant les munitions. Trois soldats étaient partis devant nous mais ils furent tous les trois blessés par un obus de mortier provenant d'un « âne » (Nebelwerfer).
Quand je suis arrivé sur le front de Leningrad j'étais un jeune lieutenant et j'étais désigné pour être commandant d'une section de mitrailleuses. D'abord nous étions déployés sur la rive droite de la rivière Neva, depuis Petrokrepost' et plus loin le long de la rive près de Léningrad. De là nous fûmes transférés dans la poche d'Orianenbaum. De là nous prîmes part à la capture de Narva, il y eut des combats féroces pour les hauteurs de la ville. Il y avait des marécages tout autour, et seulement une grande route. Il n'y avait même pas de tranchées ou de digues, il fallait percer tout simplement!. Une compagnie de tanks y pénétra, mais nous la perdîmes. Il n'y avait aucun endroit pour tourner, le premier et le dernier char furent détruits et ensuite le reste de la colonne. Il fallut ensuite renoncer à l'offensive dans ce secteur.
L'arme la plus dangereuse des Allemands était « l'âne », dont les six obus étaient tirés l'un après l'autre. Le même effet que nos Katyushas. Durant la guerre nous vîmes des villages brûlés et des gibets. Partisans et civils y étaient pendus ensemble. La haine contre les Allemands était extrêmement forte.
La compagnie de mitrailleuses regroupait 9 à 10 sections. Il y avait un petit nombre d'hommes, 4 sections de mitrailleuses avec des Maxim, une section de canons de 45mm, une de canons de 76mm, une section antichars, une section de mortiers de 50mm et une de mortiers de 82mm. Ainsi était composée la compagnie. Elle avait une grande puissance de feu mais était très lente à avancer -on ne pouvait pas porter nous-même l'équipement. La mitrailleuse Maxim elle-même pesait 70kg, et il y avait les dix boîtes de munitions à porter. Dix bandes de 300 cartouches dans chaque boîte... . Il y avait 12 hommes par section, 13 en comptant le commandant. Et 4 mitrailleuses. En plus de cela, chaque homme avait un fusil ou un pistolet-mitrailleur, une pelle, un masque à gaz, des cartouches, des grenades. C'est pourquoi il était difficile pour la compagnie de tout transporter. Dans le bataillon de mitrailleuses et d'artillerie, il y avait quatre autres compagnies. A côté de cela, il y avait un bataillon d'artillerie avec des canons de 76 et 100mm et un autre d'artillerie auto-propulsée. Nous n'étions pas subordonnés aux unités d'infanterie. Quand l'infanterie avançait, nous suivions derrière. Quand la force de l'offensive était épuisée, nous nous mettions en position de défense et les fusiliers allaient se recompléter et se reposer à l'arrière. Nous avions le droit d'avancer mais si on cherchait à reculer -désolé!. On courrait à la mort. Les Allemands contre-attaquaient fréquemment. Après une tentative infructueuse près de Narva, ils bombardèrent Libava. Et quand ils retraitèrent, ils n'économisèrent pas les les munitions, brûlant tout. A cette époque il ne me restait plus que 8 soldats dans ma section sur les 12 d'origine. J'étais obligé d'être derrière une mitrailleuse. Le no man's land était 60m seulement devant mon flanc droit. Sur le flanc gauche, il y avait 600 à 700 m. Soudain un éclat d'obus tiré par un « âne » atterrit juste entre mes jambes. Je m'aplatis sur le sol. Il était passé à travers mon pantalon d'ouate, 2cm plus loin et j'étais mort. Et comme je sentais quelque chose de chaud, je regardais -c'était le « visiteur » qui était là. Le pantalon, le grand manteau et mon slip étaient foutus. C'était la préparation allemande avant une contre-attaque. Sur le flanc gauche notre artillerie tirait de tous ses tubes mais à droite, c'est à la mitrailleuse et à la grenade que nous les repoussâmes.
A l'arrière on portait d'habitude les mitrailleuses sur nos épaules, mais au combat on les tirait sur roulettes, rampant au-dessus. Pendant les marches, on recevait des moyens de transport. Si c'était de longues distances, on utilisait des camions. Sinon, on se contentait de chariots et de chevaux. Nous utilisions des mortiers de 50mm en 1943-44. Leur effet était certainement faible. Mais si je pouvais jeter une grenade à main à 20m, pas plus, et certains experts arrivaient à en projeter à 50-60m, le mortier de 50 lui les expédiait à plus de 100m. Les obus de mortier avaient en effet la même puissance qu'une grenade à main.
La bande de mitrailleuse était feuillée, et la mitrailleuse avait environ 20 types différents d'enrayements. Une des raisons était que la bande était étirée. Si c'était une vieille bande étirée, la mitrailleuse ne pouvait pas fonctionner. La mitrailleuse était une arme sûre et était aussi utilisée dans des bunkers. C'était très simple, tout ce que vous aviez à faire était de connecter un tuyau au canon, mettre en marche le moteur, et le refroidissement travaillait pour que l'eau circule. Les Allemands essayaient d'éliminer les mitrailleuses en premier car elles étaient vues par eux comme le principal obstacle. Une pièce d'artillerie tire un obus. Même chose avec une balle. Mais l'obus tombe et la pièce d'artillerie doit recharger, tandis que je couvre plusieurs mètres avec la mitrailleuse durant le même temps. Elle fauche, porte à 250m tandis que sa cadence de tir est de 500/600 coups minute. Vous pouvez viser à partir du flanc gauche, presser la gâchette et la porter sur la droite -sans appuyer vite et c'est parti. Les balles toucheront le sol tous les 30 cm. Cela explique pourquoi nous avons souffert de lourdes pertes, car les Allemands nous traquaient.
P.S.: avis au magazine Champs de bataille : faites comme moi et traduisez ce genre de témoignages de soldats russes, ça changera des sempiternels récits allemands sur Koursk!.
Amicalement,
Keli :wink: