Post Numéro: 181 de SCHIFFERS Michel 03 Nov 2015, 02:47
Cher Franck,
Merci de ces observations, précises, qui permettent de poursuivre notre débat...
a) Je retiens déjà que, dès le premier point (i.e. la redéfinition éventuelle de la stratégie russe au sortir de l'hiver 40-41), nous ne sommes a priori pas d'accord, puisque vous, vous ne semblez pas déceler de ''rupture'' dans la conception stratégique de ''défense offensive" - telle que développée jusque fin 1940 par l'EM soviétique et dont les fondements remontent à l'époque Toukhatchevski - là où, précisément, c'est cette rupture qui m'avait interpellé.
En fait, pour moi, tout part de là, et c'est donc ce point - que vous qualifiez vous-même de ''litigieux'', par référence à vos propres sources - qu'il conviendrait d'éclaircir en premier lieu.
b) Sur le reste, à savoir le déploiement des forces soviétiques au 22/06/1941, je vous reviendrai plus en détail concernant les éléments qui me faisaient pencher pour une approche différente de celle de vos sources.
Mais je vous soumets déjà (de mémoire) 2 chiffres (ordres de grandeur) qui me paraissent a priori compatibles avec vos données, mais que vos sources n'interprètent pas :
1/ l'Armée Rouge (d'active - i.e. y compris les conscrits ''du moment'') compte environ 5,5 millions d'hommes en juin 41, dont 3,5 millions positionnés sur les frontières occidentales - a priori, en vue d'une bataille que l'on pourrait qualifier ''des frontières'' ;
2/ l'Armée Rouge peut en outre compter sur environ 14 millions de réservistes entraînés (ceux-ci venant donc s'ajouter aux 5,5 millions précités), ce qui laisse encore énormément de ''marge'' par rapport aux chiffres que vous citez.
Et en tout cas, de quoi organiser des défenses plus en profondeur (ce qui sera évidemment fait en réalité, sinon les Allemands seraient arrivés à Moscou) que ce que vous indiquez...
Notons au passage que - avec 3,5 millions d'hommes sur les frontières - le rapport entre défense et attaque est, globalement, en juin 41, de 1 : 1 avec la Wehrmacht, ce qui est très favorable pour des assauts concentrés du type ''Schwerpunkt'' caractéristiques du ''Blitzkrieg'' à l'allemande.
Quelle que puisse être la qualité de la défense préparée face à une attaque allemande, ce ratio permet pratiquement à lui seul d'expliquer les pénétrations ultra-rapides des premiers jours de ''Barbarossa'', surtout de la part des Groupes d'Armées Nord et Centre.
Eu égard à la longueur des frontières à défendre par l'Armée rouge (de la Mer Baltique à la Mer Noire), au moment de l'assaut, la Wehrmacht pouvait créer les conditions de sa supériorité locale initiale avec une intensité suffisante pour pénétrer à peu près n'importe quel rideau défensif, exactement là où elle l'avait décidé.
c) Enfin, concernant la mise sur pied et l'équipement des nouvelles unités au cours de l'été 1941, vos données ne prennent pas en compte les énormes stocks d'équipements déjà disponibles (car produits antérieurement, mais non livrés à des unités, dans la mesure où celles-ci n'étaient pas encore mobilisées), ni ceux fabriqués et livrés en cours d'année 1941 (y compris dans les nouvelles installations de production localisées en dehors de la zone des combats, ou via les premières fournitures ''d'urgence'' de la part des Alliés anglo-américains au second semestre 1941).
Au plaisir de poursuivre cette discussion très prochainement !
Très cordialement,
MICHEL