Quelques chiffres. Sept millions de soldats se battirent autour de Moscou au cours de l’automne et de l’hiver 1941. Le tiers d’entre eux furent tués, blessés, faits prisonniers, dont 1.896.500 Soviétiques et 615.000 Allemands. L’ampleur des effectifs engagés, des pertes subies par les deux camps, pour le sort de la capitale de l’U.R.S.S. - et, on peut le supposer, pour celui de la Russie elle-même - témoigne d’un simple constat, à savoir que la bataille de Moscou fut la plus grande bataille de l’Histoire.
Entre les mémoires des combattants allemands, des maréchaux les plus prestigieux aux sans-grades les plus désabusés, et la pontifiante Histoire officielle de la « Grande Guerre Patriotique », il était - et demeure - difficile de déterminer avec exactitude les phases de ce gigantesque affrontement, ce d’autant que les meilleures études militaires récemment consacrées à la question oublient malencontreusement - comme la grande majorité des historiens militaires - d’aborder son contexte global, c’est-à-dire diplomatique. Le journaliste américain Andrew Nagorski, qui a assuré trente années de reportages pour Newsweek, apporte ainsi de précieux éclaircissements, avec ce récit où la petite Histoire alterne avec la grande.
Les amateurs d’ordre de bataille précis jusqu’au plus obscur peloton, et de jargon technique et militaire soviéto-allemand, en seront pour leurs frais : M. Nagorski s’attache à décrire la guerre dans ce qu’elle a de plus radical. Le lecteur est amené à connaître la vie des soldats de l’Armée rouge, de leurs homologues de la Wehrmacht, du sanglant été à l’effroyable hiver de l’an 41, mais aussi les calculs de Hitler, les inquiétudes de Staline, et l’angoisse qui étreint Churchill et Roosevelt devant l’avance allemande en territoire russe.
L’auteur se penche également sur des faits méconnus, tels que l’évacuation, dès le 3 juillet 1941, de la momie de Lénine à 1.600 kilomètres du Kremlin, la formation d’unités de saboteurs et de guérilléros par le N.K.V.D. dans l’éventualité de la chute de la capitale, mais aussi les ambivalences de la population moscovite, partagée entre la crainte et l’espoir, tandis que se révèle un antisémitisme plus ou moins affiché au fur et à mesure que les Allemands se rapprochent. A cet égard, la fameuse panique populaire de la mi-octobre 1941 est enfin décrite avec la précision et l’objectivité qu’elle mérite. Staline, pour sa part, hésitera jusqu’au bout, peu confiant dans le potentiel militaire soviétique, mais il n’en demeurera pas moins sur place, ce qui contribuera à fortifier la résistance à l’envahisseur - et à son échec final, l’hiver aidant.
L’ouvrage de M. Nagorski s’arrête à l’échec désastreux de la contre-offensive d’hiver soviétique, nouvelle preuve, si besoin est, de l’incompétence stratégique de Staline. A tous points de vue, néanmoins, la bataille de Moscou a sauvé le régime, de même que l’Union soviétique, car pour la première fois la guerre-éclair nazie a échoué. L’Armée rouge a gagné un sursis, dont elle saura pleinement tirer parti à l’issue de cette autre titanesque tragédie que sera Stalingrad.
tietie007 a écrit:JPar contre j'ai bien aimé la phrase de Molotov, dans ses Mémoires, dans les années 80, qui pense le Maréchal était coupable sans le savoir ...
carlo a écrit:tietie007 a écrit:JPar contre j'ai bien aimé la phrase de Molotov, dans ses Mémoires, dans les années 80, qui pense le Maréchal était coupable sans le savoir ...
Je n'ai rien trouvé de tel dans la version française parue en 1991, version abrégée il faut le dire, (pour les citations, in Tchouev, Conversations avec Molotov, Paris, 1995.)
P. 371: "(...) Il était dans l'intérêt de Benes d'avoir de bonne relation avec nous. Mais Staline ne pouvait se fier à la lettre d'un leader bourgeois, alors qu'il ne faisait même pas confiance à tous les siens. En fait même sans Benes, nous étions informés du complot, nous connaissions jusqu'à la date prévue pour le coup d'Etat.
Je tiens Toukhatchevski pour un comploteur militaire extrêmement dangereux qui ne s'est fait pincer qu'au tout dernier moment. Si on ne l'avait pas pris, c'eût été très grave. C'est lui qui avait le plus de prestige. Chacun des accusés et des fusillés a-t-il trempé dans le complot que tramait Toukhatchevski? Je n'ai aucun doute sur le fait que certains d'entre ont participé, quelques-uns ont pu être impliqués par erreur. Ou bien ils ont sympathisé. 08.03.1975"
P. 64: Répondant à l'affirmation que Touk. était "Un Bonaparte. Il aurait pu trahir": " (...) Allons donc! Il n'a pas "pu trahir", il a trahi, de la façon la plus ignoble. 21.05.1974"
Je n'ai trouvé nulle part où Molotov atténue la responsabilité de Touk., tous les passages le concernant sont de la même eau. Il serait intéressant de trouver le contexte de la citation de Nagorski.
tietie007 a écrit:Sur le cas des principales victimes de ces purges, à commencer par le Maréchal Toukhatchevski, il adoptait une position analogue :
"Le moment venu, de quel côté aurait-il été ? demandait-il. C'était un homme plutôt dangereux. Je doute qu'il ait été totalement de notre côté quand la situation est devenue grave, car c'était un homme de droite. Le danger de droite était celui qui était le plus grave à l'époque. Et beaucoup d'hommes de droite ne se rendaient même pas compte qu'ils l'étaient; ils l'étaient malgré eux."
(Propos tiré du livre d'Albert Resis, Molotov Remembers : Inside Kremlin Politics, Chicago, Ivan R.Dee, 1993)
L'expression de Molotov colle assez bien avec la notion des purges conçues par Staline. Fonction pédagogique ou d'exemplarité dans le cadre des procès publics, fonction de renouvellement des élites et de mise au pas des ennemis potentiels au régime, dans le cas de l'élimination de Toukhatchevski, puisque le procès fut à huis-clos. Innocent ou coupable, là n'était pas la question, l'objectif était de consacrer le primat du politique sur l'armée rouge, et notamment éliminer un Maréchal qui était d'une origine non prolétarienne, qui avait eu de nombreux contacts à l'étranger et qui avait une indépendance d'esprit qui ne correspondait pas à la servilité qu'attendait Staline. C'est ce que dit d'ailleurs Pavel Soudoplatov, un hiérarque du NKVD, à propos du militaire. Le Maréchal, en remettant en cause la compétence de Vorochilov, alors Commissaire à la Défense, créature de Staline, et incompétent notoire, avait commis un crime de lèse-majesté ...puisque dans un régime totalitaire la fidélité au Chef est bien plus importante que la compétence !
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