Post Numéro: 162 de tietie007 15 Nov 2008, 11:58
Un petit HS sur la perception de l'URSS par les services secrets français, avant guerre :
On sait que la plupart des grands travaux publics entrepris depuis quelques années en Russie ont été exécutés par les prisonniers, politiques et de droit commun, enrégimentés sous les ordres de la G.P.Ou. Les Bolcheviks sont très fiers de cette organisation qui a permis l’achèvement rapide et aux moindres frais du canal Baltique-Mer Blanche et qui soumet les condamnés à un régime moins inhumain qu’on ne pourrait le penser.
Ceux-ci jouissent d’un confort relatif. Ils sont logés dans des baraques convenablement chauffées et disposent de couvertures. L’ordinaire est à base de chènevis, de soupe au poisson ou à la viande et de thé à discrétion avec une quantité variable de sucre. La ration de pain normale (1 kg par homme) est diminuée ou augmentée suivant que le travail fourni est inférieur ou supérieur à la tâche imposée. Le pain est de bonne qualité, meilleur qu’à Moscou.
Ce taux relativement élevé de la ration permet aux bons travailleurs d’en troquer une partie contre certaines denrées (lait, œufs, alcool, etc.) qu’on trouve facilement à acheter dans le pays, où le pain est rare. Lorsqu’un effort particulier est momentanément demandé, l’ordinaire est très largement augmenté, et l’on distribue même de la vodka.
Les prisonniers sont strictement hiérarchisés et l’on choisit parmi eux la plupart des hommes armés, mais cette faveur est uniquement réservée aux prisonniers de droit commun, toute arme, quelle qu’elle soit, étant refusée aux condamnés politiques. Les femmes sont autorisées à venir passer de temps en temps quelques jours auprès de leurs maris, certaines même à vivre auprès d’eux.
Des réductions de peine parfois très substantielles sont accordées aux bons travailleurs, dont certains même reçoivent des décorations, comme on l’a vu à l’achèvement du canal de la Mer Blanche.
Les “villages” de prisonniers comportent clubs, bibliothèques, cinémas et théâtres. Pour préparer les séances récréatives, des dispenses de travail, parfois assez longues, sont accordées aux condamnés doués d’un talent approprié.La vie n'en reste pas moins très dure pour la masse, particulièrement pour les ouvriers non qualifiés auxquels sont imposées des tâches journalières supérieures à leurs forces. Aussi la mortalité est-elle très élevée.
Le recrutement de cette main-d'œuvre de choix a été très abondant au cours de ces dernières années, où sévissait la “dékoulakisation” des paysans. Il reste encore largement assuré du fait qu’une condamnation politique peut être provoquée par les motifs les plus futiles.
À noter que les communistes n’échappent pas à la suspicion générale. La tchistka [épuration, nettoyage] de cette année a même provoqué une recrudescence d’arrestations parmi eux : la proportion de communistes parmi les prisonniers politiques est passée de 10 à 50%.
Parmi ces prisonniers se trouvent aussi de nombreux officiers, et jusqu'aux grades les plus élevés. L’Armée rouge est l’objet d’une surveillance particulièrement stricte.
Et pour cause. En 1928, une cinquantaine de “Commandants rouges” de la garnison de Kiev avaient réussi, de connivence avec l’État-major polonais, à monter un complot en règle visant à proclamer l’indépendance de l’Ukraine. Ils ont été arrêtés deux heures seulement avant le déclenchement de l’affaire.
On peut conclure de là que les dirigeants de l’Union sont atteints d’une véritable manie de la persécution. Cette crainte maladive s’explique si l’on songe que tous sont eux-mêmes d’anciens conspirateurs, qu’ils ont passé leur jeunesse à saper dans l’ombre le régime établi et qu’ils savent par expérience combien vulnérables sont parfois les pouvoirs qui semblent le mieux assis. En ce qui concerne particulièrement les étrangers, cette invraisemblable méfiance, congénitale chez les Russes, a été portée au paroxysme chez les Bolcheviks par les luttes qu’ils ont eu à soutenir à leurs débuts contre les autres Puissances : ils ne sont pas encore arrivés à se défaire de la psychose interventionniste. Ils la cultivent même soigneusement chez tous leur administrés. L’intervention étrangère leur sert à la fois de mythe pour galvaniser les énergies et de dérivatif pour apaiser les mécontents.
De tous ces faits l’impression d'ensemble se dégage que les Chefs du Parti n’ont pas une confiance absolue dans la solidité d’un régime qui apparaît pourtant – et à bon droit – à l’observateur du dehors, comme un des plus stables dans le monde, à l'heure actuelle. »
URSS, RAPPORTS DES ATTACHÉS MILITAIRES, 1933-1934, ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL, DEUXIÈME BUREAU, ARCHIVES DU SERVICE HISTORIQUE DE L'ARMÉE DE TERRE, VINCENNES
Bref, le Goulag était un vrai camp de vacances ! On ne s'étonnera pas que les services secrets français n'ait rien prévu, par la suite !
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